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Le grand brun barbu de la rue Saint-Vincent

Publié le 14 décembre 2012 par Desfraises
Le grand brun barbu de la rue Saint-VincentDans le 1er arrondissement, sans rapport avec la choucroute. Quoique.
J’aimais bien me lever tôt le samedi matin. Ça n’était pas un 5 à 7 mais un 9 à 11. Notre premier rendez-vous me forçait à quitter ma couette, ma tendance à ne rien fiche du week-end, à la jouer ours hibernant dans sa grotte. Comme il préférait recevoir et ne voulait pas se déplacer, comme il est de coutume d’échanger sur les sites de rencontres, je lui ai proposé de faire le déplacement. J'irais chez lui. À Montmartre. Ça me ferait une jolie promenade après les câlins. « J’apporte les croissants ? », avais-je suggéré. Oui. Son mari travaillait à l’autre bout de Paris. On serait tranquille. Je m’en fichais bien du mari. L’essentiel n’était pas là. Pas pour moi. Il n’empêche. J’occupais quelques samedis de suite les bras du grand brun barbu. Et le lit conjugal. C’était le rendez-vous où se mêlaient sexe et tendresse, irrépressible source de plaisir et moteur de ma journée, de mon week-end. Nous ne connaissions rien de l’un ou de l’autre, nous jouissions de cette joie qui fait que deux corps s’emboîtent parfaitement, deux peaux s’adoptent, comme ça, par hasard, le hasard d’une rencontre via internet. Je dégustais ensuite le bonheur de marcher dans Montmartre, rue Saint-Vincent. D’écrire sur un coin de table de bistro, d’attendre une amie, sirotant un café, un sourire benêt sur les lèvres.
Lui et moi ne nous sommes plus revus. Ça m’était égal. Il avait peut-être redonné du piment à son couple, que sais-je. J'avais eu ma dose d'amour (et de sexe).
Mais hier, c’est bien mon grand brun barbu de Montmartre que j’ai vu monter dans le métro. Ligne 4 direction Porte de Clignancourt. Nous avons à peine le temps d’échanger un regard que le suivent de près deux hommes et une femme. L’homme et mon beau grand brun se tiennent à la rampe me faisant face. Je contemple d’un œil amusé le spectacle qui se déroule. Nous échangeons un sourire discret. Je comprends vite qui est le grand brun barbu l’accompagnant, son mari. Qui sont l’homme et la femme à leurs côtés, les parents de son mari. Le quatuor discute de choses et d’autres, je n’entends pas. Il y a foule dans la rame. Je reprends ma lecture, distrait. Mon esprit plus attiré par les jeux que nous jouions dans le lit conjugal que par le roman que je tiens ouvert. Lorsque nous atteignons leur station, ils descendent, je lève le regard, il se retourne et m’adresse un large sourire. Les portes claquent sur la rencontre impromptue. Je reprends mon voyage et ma lecture, non sans imaginer la scène expliquée aux parents ignorant sagement la vie sexuelle de leurs rejetons.

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