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Ni biens ni services : data

Publié le 04 décembre 2012 par Fmariet

Michael Mandel, "Beyond Goods and Services: The (Unmeasured) Rise of the Data-Driven Economy",  October 2012, progressive policy institute, 13 p.
Les données collectées sur le Web (entre autres) n'ont pas fini de bouleverser l'économie. Peut-être.
L'article de Michael Mandel critique la traditionnelle dichotomie de l'économie classique qui distingue les biens et les services et les inventorie jusqu'au mondre détail. Il faut, dit-il, y ajouter les data à cette catégorisation classique. Les data sont sous-évaluées par l'analyse économique, elles échappent à la statistique courante. Il faut pour ces data créer une catégorie statistique nouvelle, à part entière, capable d'intégrer leurs circulation, importation, exportation, leur accumulation, leur transformation, etc. Actuellement, les data sont généralement intégrées dans la catégorie "services".
N.B. La démonstration, parfois rapide dans les exemplifications, porte essentiellement sur l'économie et la comptabilité américaines. L'article n'évoque pas seulement les données "média" mais aussi des données bio-technologiques, financières, médicales, climatiques, etc.
Prendre en compte les data permettrait d'abord, selon Michael Mandel, d'apprécier plus complètement et plus justement la contribution des entreprises du numérique au développement économique d'un pays ; dans le même mouvement, elle permettrait de préciser la menace que des entreprises internationales font peser sur les économies nationales dont les données sont pillées (pour revenir à l'expression canonique de Pierre Jalée). Cette nouvelle catégorie permettrait une gestion stratégique, politique des données.
Les données sont la matière première de l'économie au stade du numérique. Données collectées grâce aux médias, en échange de services offerts "gratuitement" en apparence (courrier, bureautique, agrégation en tout genre, navigation sur le Web, échanges sur les réseaux sociaux, applis, etc.). Cette économie est semblable dans son principe à celle de l'économie publicitaire développée depuis le milieu du XIXe siècle : le lecteur, l'auditeur, le téléspectateur accordent de l'attention à des messages publicitaires en échange de divertissement, d'information, etc. Economie de l'attention (we pay attention, dit l'anglais) qui est aussi une économie de l'engagement qui n'est qu'une variation de l'attention.
Ce qui est nouveau avec le numérique, c'est la masse des données (big data) prélevées et accumulées, et le traitement qui en est effectué, véritable travail de transformation (Verarbeitung) des données en outils commerciaux, en valeur. Ce que l'internaute "donne", confie, souvent sans le savoir, ponction indolore, comme on dit des impôts indirects, ce qui est extrait lors d'une navigation, d'une recherche, d'un échange de courriers, d'une localisation, d'une socialisation (partage, recommandation, appréciation, etc.) lui échappe et poursuit sa vie dans l'économie numérique (cookies, tags, ciblage, etc.). Plus-value, sur-travail médiatique qui s'accumule, s'échange, circule, se dévalue et se périme, etc.
C'est à cette lumière sans doute qu'il faut comprendre les oppositions qui font jour en de nombreux pays à l'égard de grands entreprises mondiales accusées de ne pas payer d'impôt, de ne pas payer les données empruntées aux médias - aujourd'hui la presse, demain la télévision - qui aboutit à une remise en chantier des notions politiques d'importance stratégique et de domaine régalien.

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