Dans le cadre du Festival de Liège, au Théâtre National les 29 et 30/01/2013, à l’ANCRE (Charleroi), le 31/01/2013 et au Festival de Liège, les 1er et 2/02/2013. En espagnol surtitré.
De : La Re-sentida.
Mise en scène : Marco Layera.
Avec : Carolina Palacios, Pedro Muñoz, Benjamín Westfall, Nicolás Herrera, Eduardo Herrera.
« Mus par leur farouche opposition politique avec le gouvernement en place, un groupe d’acteurs décide de s’enfermer au fond d’une cave, sans aucun contact avec le monde extérieur, afin d’y écrire la pièce de théâtre définitive, celle qui pourra vraiment changer le monde ».
Changer le monde avec une pièce de théâtre. Voilà un projet plutôt ambitieux – d’autres diraient absurde - sur lequel travaillent donc ces cinq comédiens chiliens. Quatre ans à réfléchir, penser, écrire, effacer, repenser et réécrire leur future création, autant le dire d’emblée : ils sont, pour notre plus grand plaisir, devenus complètement fous. Avouez que passer tant d’années, coupé du monde, sur un projet – toujours non abouti – ça peut rendre un peu dingue.
Après avoir cité les plus grands noms du théâtre, des plus grands artistes et révolutionnaires, les plus grands concepts artistiques, nous retrouvons pourtant nos acteurs bredouilles.
Toujours pas de pièce, toujours pas de révolution. Qu’importe, ils recommencent et ne doutent pas de leur légitimité : ils vont révolutionner le monde !
Les nombreux romans disposés sur la scène valsent, la table se retourne, les papiers volent : dans leur processus « artistique », les acteurs détruisent tout sur leur passage. Ils chantent, ils dansent, ils s’engueulent, se battent et pleurent pour mieux se réconcilier ensuite. Vous l’aurez compris, tous les moyens sont bons pour inventer des scénarios plus farfelus les uns que les autres, destinés à dénoncer toutes les injustices du monde :
« Tiens si on mêlait la problématique des enfants africains dénutris avec celle du sida en mélangeant la crise économique et y apportant un brin de révolution française ? ».
Ne riez pas, c’est un des scénarios envisagés lors de leur éternel brainstorming. L’entreprise est tellement absurde qu’elle en devient hilarante.
« Nous voulons toucher le public ! Qu’il percute ! Qu’il pleure ! »
Pari gagné. Le public est passé du rire aux larmes en une heure.
En outre, les comédiens, entre quelques scénarios tirés par les cheveux, ne manquent pas de faire allusion à la tragique période de la dictature de Pinochet. Et font mouche. « Nous sommes une génération qui n’a rien vécu » scande un des comédiens. Cette phrase résonne dans la salle et vient toucher les générations qui, elles, ont vécu l’horreur et la violence gratuite de ces années sous la répression.
Tratando de hacer una obra que cambie el mundo est une pièce de théâtre qui touche de nombreux thèmes : quelle est la fonction de l’artiste ? Peut-il vraiment changer le monde dans lequel il vit ? Son art n’est-il pas trop conceptuel pour toucher le public ? N’est-il tout simplement pas déconnecté de la réalité, du monde qu’il cherche à changer ? Peut-il critiquer un monde qui ne lui a pas été néfaste ?
Je n’ai pas assez de mots pour dire à quel point cette pièce est magique. Si elle repasse par Bruxelles, foncez la voir, vous en sortirez, comme la scène (laissée dans un désordre apocalyptique), tout retourné !
Au final, je dirai que le spectacle n’avait qu’un seul défaut : ses sous-titres, beaucoup trop petits et illisibles quand la scène était éclairée. Pour le public non hispanophone, c’était assez gênant. Dans tous les cas, Chapeau bas les artistes! Vous n’avez peut-être pas changé le monde mais vous avez conquis tout un public et l’on parlera de votre spectacle pendant longtemps. Et si vous voulez vraiment changer le monde, c’est déjà un début !
Laura Gallegos.
Plus d'informations sur le site du Théâtre National.
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