Actuellement dans l'hémicycle, la droite et l'extrême-droite remettent en question le choix des Français de mai 2012 en dénonçant le refus du gouvernement de tenir un référendum. Décryptage constitutionnel d'une demande irrecevable.
- Répondant à Henri Guaino lors de la première journée de débat sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe à l'Assemblée nationale, Corinne Narassiguin a énoncé le principe constitutionnel suivant:
L'article 11 de la Constitution prévoit que des projets de loi portant sur certains domaines peuvent être soumis aux électeurs par voie de référendum. Comme vous le savez, les questions de société n'en font pas partie. [...] Le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe relève donc de la compétence du Parlement.
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
- S'il est fait référence aux "politiques sociales de la Nation", le mariage relève lui de lapolitique civile. Cette acception a été confirmée par la droite elle-même puisque Jacques Toubon, ancien Garde des Sceaux du gouvernement Juppé, lors des débats de 1995 sur la révision constitutionnelle de l'article 11, avait énoncé devant l'hémicyle le principe suivant:
En limitant l'extension du champ référendaire aux matières économiques et sociales, le gouvernement a choisi d'exclure les sujets touchant à la souveraineté, comme la défense et la justice, ou ce qu'il est convenu d'appeler les questions de société avec les libertés publiques ou le droit pénal.
Qui plus est, Laurent Wauquiez lui-même, qui pourtant soutenait une motion référendaire au lendemain de l'ouverture des débats, a cosigné un ouvrage* de Droit constitutionnel en 2002, ce que n'a pas manqué de lui faire remarquer le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas. Or cet ouvrage énonce la chose suivante:
"Ne peuvent être soumis au référendum que les projets portant sur trois séries de matière : l'organisation des pouvoirs publics [...], les réformes relatives à la politique économique et sociale (l'organisation scolaire par exemple, mais non les problèmes de société tels la peine de mort) ; l'autorisation de ratification des traités".
Un référendum sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe serait donc inconstitutionnel. Il s'agit d'une manœuvre populiste de la droite destinée, une fois de plus, à opposer les Français.