Le grand merdier...

J'aime bien me plonger de temps en temps dans des livres qui sont complètement hors contexte. Ces livres sont comme de vrais amis, ils aident à réfléchir, ils sont précieux, irremplaçables. Et puis j'aime bien le titre du petit livre de Louis Leprince-Ringuet publié chez Flamarion en 1978. J'avais 12 ans!

C'est des mots, des sons qui reviennent en mémoire, Le Grand Merdier! Louis Leprince-Ringuet! François Jauffret! Son match à Rolland Garros contre Borg en 1976! C'est loin, j'étais trop jeune pour vraiment comprendre mais j'avais le sentiment que ces mots, ces noms étaient importants.

Au premier chapitre du "grand merdier", sa comparaison de la vie des femmes africaines avec les femmes européennes des années 70 semble surréaliste. Son attaque contre Simone de Beauvoir est hallucinante. Mais certains petits extraits m'ont apporté un éclairage différent sur des problématiques actuelles. Ils sont suffisamment nombreux pour que je me dise que le livre vaut un petit billet.

Un pour toi Richard si tu passes par là? .. « Demain, quel sera le monde? A cela nul ne peut donner de réponse précise, et moi moins que tout autre. Mais chacun de nous peut réfléchir – c'est un magnifique privilège de l'homme – sur notre condition et plus spécialement sur certains de ses aspects, selon son propre tempérament. » Je ne vous oublie pas amis de la philosophie et de la prospective. Mais je me dis qu'il ne faut pas y passer trop de temps non plus. La réflexion sans l'action n'aboutit qu'au découragement.

Et puis ceux qui sont au pouvoir depuis trop longtemps devraient méditer le passage suivant plutôt que de prendre la posture d'éternelles victimes. « La critique

systématique du pouvoir n'est pas forcément saine mais une remise en question effectuée au bon moment n'est elle pas la base de tout progrès? Elle est salutaire dans l'existence de chacun de nous, indispensable à qui veut prendre conscience des orientations du monde, de ses évolutions. Encore faut-il la réaliser avec ce mélange de sagesse et d'audace qui caractérise les esprits de qualité. »

Et puis il y a eu le passage sur Debré et son acharnement contre l'Europe. L'auteur explique que Debré « est certainement honnête et courageux, il intervient avec vigueur, je le respecte et l'approuve dans la plupart de ses interventions en d'autres domaines. Mais (sur le sujet de l'Europe) il m'apparaît comme un doctrinaire véhément et absolu. Il fait vibrer la corde de l'indépendance. »  Depuis, l'Europe a avancé, a évolué, avec ses qualités et ses défauts, ses compromis, comme pour toutes les structures communautaires. Qui avait tord? Qui avait raison? 30 ans plus tard, on ne le sait toujours pas!

Un dernier petit extrait pour le pouvoir en place. C'est l'aspect qui me tient le plus à cœur en ce moment, j'en parlait encore avec un ami il y a une heure. Quand Leprince-Ringuet écrit « La liberté de s'exprimer est la liberté la plus élémentaire. Affirmer librement ce que l'on pense, sans que la délation s'en suive, sans que la police du pouvoir y trouve à redire, sans être obligé de baisser la voix dans un lieu public, même si ses propos dénoncent les abus du pouvoir.. » est un droit rare que nous offre notre république (article 11 de la déclarations des droits de l'homme de 1789). Protégeons le, et condamnons fermement toutes les tentatives de museler nos concitoyens.

Bonne semaine à tous.