La flamme à la baguette ! Quelle tristesse...

Quelle journée ! Je ne suis pas prêt d'oublier ce passage de la flamme à Paris. Simplement ahurissant. Une des journées les plus stupéfiantes de ma carrière de reporter sportif. J'étais en effet de service pour suivre le cortège. Mais j'étais loin d'imaginer que ça allait tourner de cette façon. Comme j'ai pu autrefois le faire sur ce blog, je vais dans un premier temps essayer de vous raconter un peu cette journée de reportage, histoire de parler pour une fois des coulisses d'un reportage.

Nous étions donc trois reporters sur le terrain. Un dans le mini-bus au coeur du convoi, un autre sur quelques points stratégiques (Tour Eiffel, Mairie de Paris et Charléty), et moi, sur ma moto, comme "homme volant" pour aller un peu partout. Deux photographes étaient aussi mobilisés, tout le monde étant en communication permanente pour alerter les autres en cas de nécessité. Personnellement, je faisais aussi partie des récipiendaires des sms de l'association Reporters sans Frontières. Les opérations "coup de poing" devant être gardées "secrètes" le plus longtemps possible, les destinataires recevaient donc un sms quelques instants avant l'opération. Echange de "bons procédés" entre RSF forcément à la recherche d'une médiatisation de ses actions (essentiellement le déploiement des banderoles avec les anneaux menottés) et les journalistes désireux d'avoir des infos et d'être au bon endroit au bon moment.

La journée débuta donc par un briefing au journal à 9 h 30 histoire de bien caler le dispositif. Direction ensuite la Tour Eiffel, point de départ du convoi. Le temps de se faire accréditer après un premier filtrage et c'est parti pour cette journée de ouf. Ma mission étant d'aller me balader un peu partout, je m'éclipse rapidement du circuit "officiel". Direction le Champs de Mars où une forte colonie de sympathisants chinois agitent leurs drapeaux. L'ancien journaliste de Canal +, John Paul Lepers tente d'y animer un débat sur la démocratie. Le ton monte rapidement et les Chinois se mettent à entonner leur hymne national. J'observe, je prends quelques notes et direction le quai Branly, où le premier rendez-vous RSF a été fixé par sms. Et là: le choc. Des opposants tibétains, des représentants des associations pour les droits de l'homme, l'ambiance est électrique, la tension immense. Le déploiement des forces de sécurité amplifie encore l'impression. Des cars de CRS à n'en plus finir, des pelleteuses susceptibles d'enfoncer des barricades stationnées dans les rues adjacentes, l'hélicoptère de la police au-dessus de nos têtes, le dispositif ferait presque passer les PSG-OM pour d'agréables parties de campagne. Quand le convoi passe devant la foule, des mecs se jettent sous les roues des cars de CRS obligés de piler. Les matraques sont de sortie et les flics sont d'une extrême nervosité. C'est du grand n'importe quoi.
Etape suivante, le Trocadéro. Là encore, pro-Chinois et pro-Tibétains, répartis de chaque côté de la chaussée, se provoquent à grands renforts de chants, de banderoles et de slogans. Toujours en contact quasi permanent avec mes collègues, j'apprends que le convoi a pris énormément de retard. L'ambiance est une nouvelle fois très tendue et on sent bien que ça peut partir en sucette à n'importe quel moment. ça monte encore d'un cran quand le convoi arrive avec quelques projectiles balancés contre les bus. Les flics courent partout, visiblement dépassés par l'ampleur des manifestations. Et toute la journée va ressembler à ça. Que je sois sur les Champs, devant l'assemblée Nationale ou à Charléty, les mêmes scènes avec à chaque fois la répression des opposants au régime chinois pendant que les soi-disant étudiants chinois pouvaient poursuivre leur mission de propagande sans le moindre soucis. Lundi, Paris était sous contrôle des autorités chinoises.
17h30, arrivée du cortège à son terminus au stade Charléty. Une pauvre cérémonie toute nulle, le temps de recueillir les impressions de quelques sportifs complètement écoeurés et retour au journal vers 19 heures. Briefing avec mes collègues pour savoir comment on s'organise et c'est parti pour la rédaction des papiers à six mains. Chacun raconte ce qu'il a vu dans son coin, puis mise en commun des fichiers et on synthétise tout ça. Idem pour les réactions des sportifs et le récit de leur journée à l'intérieur du bus des porteurs. Pendant ce temps-là, les photographes ont aussi oeuvré, le choix des illustrations étant réalisé par la rédaction en chef. Vers 23 heures, on peut enfin envoyer nos papiers aux chefs chargés de relire. 0h15 : les pages sont terminées et retour à la maison. Fin d'une journée complètement folle qui a passé super vite (ça change...). Et maintenant au dodo parce que ce mardi, je dois cette fois m'occuper de la parution du dossier sur les paris sportifs sur internet, dossier que je coordonne (enfin que j'essaie de coordonner) depuis trois ou quatre mois et dont je vais enfin être débarrassé...

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Ce que je pense de tout ce cirque ? Plusieurs choses. D'abord que c'est un grand gâchis. Le spectacle de ce lundi était pitoyable. Grotesque. Voir une telle quantité de forces de l'ordre sur le parcours de la flamme olympique avait quelque chose de répugnant. C'était également écoeurant de voir des sportifs se faire insulter, se faire traiter d'assassin ou encore se faire cracher dessus. Certains confondent tout. Pour être franc, le sort du Tibet est loin d'être une de mes préoccupations (très très loin même), mais la différence des traitements des policiers français (ce lundi à la solde chinoise) envers les Chinois d'un côté et les opposants de l'autre étaient aussi assez navrante.

Quid du badge "pour un monde meilleur"? Evidemment, ce n'est pas avec ce slogan "miss France" que les athlètes vont faire trembler la Chine. Mais que peuvent-ils réellement faire coincés par un comité national olympique français complètement à la rue et sous les "ordres" d'un CIO qui, malgré son discours démago et absolument plus crédible, a depuis longtemps abandonné les valeurs originelles de l'olympisme pour vendre son âme au roi dollar, ou plutôt désormais au roi yuan. Quand les sportifs ne parlent pas, on leur reproche leur silence. Quand ils parlent, ils en prennent aussi plein la tronche (comme sur le forum d'onlinetri ;)...). Et puis arrêtons de jouer les naïfs on faisant semblant de découvrir que les JO sont aussi une affaire politique. Les voeux "d'ouverture", en 2001, au moment de la nomination de Pékin comme ville hôte, sont restés pieux.Fallait quand même être sacrément naïfs, ou hypocrites, pour espérer le contraire...

Que ce soit en tant que simple citoyen ou en tant que journaliste appelé à couvrir les Jeux cet été (tin, on va pas rigoler là-bas...), les questions sont multiples. Que faut-il faire ? Que faut-il ne pas faire ? Boycotter les Jeux ? Boycotter la cérémonie ? Acheter un drapeau tibétain ? S'en foutre ? Jeter son portable Samsung ? Arrêter d'acheter chinois ? Arrêter de manger des nems (m'en fous suis au régime...) ?... Franchement, je ne sais pas. Mais à un moment, si certains veulent vraiment mettre la pression, ce serait bien d'arrêter de tirer sur les sportifs et de transférer ces revendications sur les politiques qui, aujourd'hui, font les beaux en se montrant devant l'Assemblée nationale avec leurs jolies banderoles et leurs drapeaux tibétains mais qui, pour la plupart, se foutaient sans doute royalement de ce qui se passait en Chine il y a encore quelques semaines (voire quelques jours...) avant de se rendre compte qu'il était de bon ton et "politiquement correct" de s'insurger... si possible devant les caméras. ça fait quand même 50 ans que le Tibet est occupé... Quant aux non respect en Chine des droits de l'Homme et de certaines libertés essentielles, c'est pas non plus un scoop. Mais voilà, le Tibet est à la mode. Comme l'était la Birmanie il y a trois mois avant qu'à nouveau, tout le monde s'en foute sans que les choses aient changé. Et dans trois mois, les médias, les politiques, l'opinion publique trouvera sans doute une nouvelle grande cause planétaire. Et les Tibétains retourneront aux oubliettes... La société du zapping s'applique aussi aux grandes causes...

Pour en revenir aux Chinois, le problème, c'est que la Chine est aujourd'hui devenue économiquement le maître du monde. L'évolution de la planète ayant aujourd'hui donné le pouvoir au domaine économique, difficile de trop se fâcher avec le plus gros marché planétaire... quitte à s'asseoir sur quelques principes... Il suffisait de voir lundi qui donnait les ordres dans le convoi de la flamme pour comprendre...

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Ce clip pour rappeller que le sport peut aussi engendrer des moments d'exception. Je sais que je vous l'ai déjà mis mais je ne m'en lasse pas. Et quand je vois le formidable match de Ligue des champions mardi soir entre Liverpool et Arsenal (quel pied !), disputé dans une ambiance exceptionnelle propre aux stades anglais, je me dis : dieu que le sport peut être  beau.