Le syndrome bobo est un symptôme français aux prises avec deux traditions distinctes.La bourgeoisie reflète (on se demande parfois…) la "supériorité" de notre pays dans les fondamentaux d’une vie hédonisante et la bohème rappelle que tous les codes extérieurs bourgeois sont superficiels et mal venus.Cette combinaison de sensualité et d’austérité intellectuelle est l’un des grands héritages de notre culture occidentale que le français bobo se doit, avant tout, d'afficher ostensiblement... soufflant, de façon pédantesque et négligé, la fumée de sa cigarette roulée au visage de son interlocuteur jaloux.
La famille nombreuse est "tendance" chez les bobos, dixit S.C.Phénomène, particulièrement frappant s'il en est, le bohème s’efface au profit du bourgeois… version "c’est cool la vie" et conçoit joyeusement la flopée de bambins qui assurera sa pérennité idéologique. Le Marais, quartier situé au cœur de Paris, offre une bonne illustration de ce phénomène. On y croise Etienne et Sandrine, la quarantaine, courant après leurs trois filles, repérables à leurs blouses surteintes multicolores discrètement "griffées" et à leur style "mode mais pas trop".C’est la famille nombreuse modèle et bobo par excellence : les parents travaillent dans la com’, sont de bonne famille, mais un peu déjanté Rock’n’Roll, et partent de temps à autres, le week-end, en Bretagne. On est loin de l’image BCBG – Tradi des grandes fratries aristos traditionnelles.
Sans aucun doute, le bobo est un vrai bourgeois doublé d’un faux bohème. Sans être une catégorie dûment répertoriée par l’INSEE, ni un bourgeois tout à fait comme un autre, le bobo fait partie d’une certaine classe sociale et cette appartenance suffit à le différencier de l’immense majorité de la population active. Plus encore, le bobo exerce un métier valorisant et entretient avec son travail une relation passionnée qui, là encore, le distingue de la masse dite laborieuse. Faites gaffe, on ne mélange pas les torchons et les serviettes.
En politique, le bobo se plait à imaginer une France Gaucho-Centriste de Droite. A la fois privilégié et progressiste, il se sait à la croisée d’intérêts contradictoires mais milite en faveur d’une vision pacifiée des rapports sociaux. Son ambition n’est que la conséquence d’un constat : concilier une société solidaire et tolérante avec une économie libérale. Rien d’étonnant dans ces conditions, que tous les "boubourges" avertis aient voté Lionel Jospin en 1995 et 2002, mais fortement hésité entre Sarko, Ségo et Bayrou avant de s’enthousiasmer pour DSK.
Beaucoup d’entre eux mettent un point d’honneur à entretenir un rapport faussement distancé à la réussite sociale et à déclarer normal de payer ses impôts : rhoooooo les menteurs.
Cette ressemblance, suffisamment notable avec la droite, doit être soulignée.Pères et mères aimeront l’idée qu’un bobo sommeille en chacun de nous (au regard du revenu, bien entendu). Avant d’être une remise en cause du bourgeois arrogant, rétrograde ou réactionnaire, le bobo incarnerait une nouvelle idéologie au doux parfum de Marijuana : une société se donnant pour objectif de concilier les intérêts contraires. Une société où le vote de classe n’aurait plus lieu d’être et où l’affirmation d’un centre politique regroupe les meilleurs… imbéciles. En somme une société pacifiée à l’exemple du bobo Richard (Leonardo DiCaprio) dans le film La Plage… ah la la :) Tout le monde sait comment se termine l’histoire.Que cette vision faussement postmoderne puisse susciter l’adhésion ou qu’elle soit adoptée par une classe plutôt jeune, embourgeoisée et branchée sur le monde, n’a rien de surprenant, ainsi va la vie. Néanmoins, le phénomène bobo reste une imposture à plusieurs titres et une pure provocation face à la dureté des réalités sociales. Il suffit d'observer.
Aujourd'hui, chacun doit se déterminer en société avec affirmation et honnêteté, c'est entendu. Mais LE bobo, superficiel et hypocrite, tartuffe et donneur de leçons – et somme toute moins innocent – est bien plus sournois et intéressé que nous pourrions l’imaginer a priori.Alors bobo ? Pas bobo ?A bon entendeur.Fabrice Gil