Tout a commencé par le témoignage d’un entrepreneur en construction, le bandit Lino Zambito, qui a décidé de déballer son sac et de dévoiler avec force et détails, devant la commission d’enquête Charbonneau, la structure et les joueurs de la corruption qui font la pluie et le beau temps dans le domaine de la construction à Montréal avec la collaboration de la mafia sicilienne montréalaise.
Les témoignages qui suivirent de deux ingénieurs de la ville, dénoncés par Zambito, furent accablants. Ils ont admis que des entrepreneurs avaient monté un système de collusion pour obtenir des contrats et qu’ils avaient collaboré avec eux pour augmenter les prix d’environ 30%. En reconnaissance de leur complicité, les entrepreneurs tricheurs leur ont remis, en « argent sonnant », plus de 1 200 000 $. C’est moralement dégoûtant, révoltant et même démoralisant.
De plus, d’autres témoins sont venus incriminer Frank Zampino, l’ex-président du comité exécutif de la ville, affirmant lui avoir versé directement et indirectement plus d’un demi-million de $.
Enfin, ces premières révélations sont un début de réponse pour des ingénieurs qui, comme moi dans mon blog, expriment depuis plusieurs années leur incompréhension devant les dépassements des budgets de construction et la montée incompréhensible des prix. Je rappelle qu’en début 2009, j’ai réclamé « une enquête publique sur les coûts de la construction ».
Et ce n’est pas qu’à Montréal que l’on découvre la gangrène mafieuse. Laval, troisième ville du Québec, est dans la mire de la Commission et déjà son maire a quitté son poste, pour des raisons de santé, dit-il. Il semble aussi que ce soit de même ailleurs, comme dans la couronne nord de Montréal.
Et voilà que le maire de Montréal, Gérald Tremblay, est attaqué directement pour avoir supposément accepté du financement illégal pour l’élection des membres de son parti Union-Montréal au conseil municipal. Un jeune organisateur politique, chevronné selon ses dires, est venu témoigner pour expliquer que le maire savait que le collecteur de fonds de son parti recevait des visiteurs qui lui apportaient des liasses de billets de cinquante, de cent et de mille dollars, en quantité si grande qu’il n’arrivait pas à fermer son coffre-fort et qu’il a dû en acheter un autre de 4’X4’ ayant deux fois le volume du premier pour suffire à l’apport de la générosité des donneurs. Ces accusations spectaculaires ont marqué les média qui se sont lancés dans des critiques très violentes, parfois injurieuses, contre le maire. Au point que dès le lendemain, de partout fusaient des demandes de démission du premier magistrat.
C’est la partie que je n’aime pas de la Commission Charbonneau. Des témoins viennent et affirment des choses importantes qui seraient arrivées il y a cinq à dix ans et même avant. Ils se fient à leur mémoire et racontent ce qu’ils pensent. Dans les cas de Zampito et des ingénieurs, c’est leur propre personne qu’ils ont mise en jeu. Par contre, l’organisateur politique a visé le maire et son parti.
Il a affirmé des choses accablantes tout en se qualifiant, souventes fois, d’être un homme de morale, honnête, au jugement éthique et que c’était la raison de sa dénonciation. Quant à moi, il a trop souvent répété cela et j’ai eu des doutes quant à la véracité de sa déposition. L’avocat du parti Union-Montréal, dans son contre-interrogatoire, a d’ailleurs démontré les exagérations et les mensonges de ce témoin.
Ce dernier a affirmé, en autres, qu’un diner secret avait été organisé dans un club exclusif à Montréal pour une quinzaine de riches donateurs qui lui avaient remis des enveloppes avec des chèques de 10 000$ chacun au nom d’Union-Montréal, le parti du maire, et qu’il avait lui-même vérifié le nom sur chacun des chèques. Or, il s’avère qu’il y a eu d’innombrables chèques, allant de 250 $ à 10 000$, dont plusieurs de travailleurs et membres du parti Union-Montréal, adressés à « Comité Montréal » qui était le nom-parapluie de ceux, partis politiques ou autres, qui œuvraient contre la dé-fusion de Montréal. C’était légal et conforme à une loi votée à l’Assemblée nationale pour ce référendum tenu à Montréal. Le maire et son parti n’étaient pas les récipiendaires de ces chèques et les contributions n’étaient pas illégales. Tout était faux.
Puis, l’avocat a déposé une photo du coffre fort, qui ne mesurait pas 4’X4’ et a expliqué que les liasses de documents qui y étaient déposées étaient les formules de cartes de membres avec les chèques attachés et comme en période électorale les nouveaux membres sont nombreux, cela explique la grande quantité de documents. En somme, l’organisateur a fait une attaque malicieuse qui n’avait pas été contrôlée préalablement par la Commission.
Malheureusement, l’avocat d’Union–Montréal n’a pas été à la hauteur de sa tâche lorsque qu’il a voulu, par la suite, dénigrer le témoin en relatant des points faibles de son passé. Ce faux pas a fait en sorte que l’attention des média a été portée ailleurs et le but qu’il visait de disculper le maire et son parti a été embrouillé.
La commission Charbonneau doit prendre une leçon de cet évènement. Elle affirme interviewer tous les témoins avant leur parution devant les commissaires. À mon avis, elle se doit d’être plus rigoureuse afin d’assurer que les témoignages des individus qu’elle invite, ne dévient pas sur des insinuations mensongères aussi criantes que celles d’hier et qui peuvent nuire considérablement à la réputation de plusieurs personnes. Je ne parle pas ici seulement du maire de Montréal, mais de tous ceux qui viendront durant la prochaine année témoigner devant la Commission et qui viseront des centaines de personnes.
Quant au maire Tremblay, il est devant un dilemme. Il doit réfléchir à ce qu’est l’intérêt de Montréal. Il est certain qu’il y a un système mafieux qui s’est installé, sous son administration, avec la collaboration de hauts fonctionnaires et peut être même de membres de son exécutif qu’il a choisis. C’est intolérable. Même si le maire est un honnête homme, il n’a pas été à la hauteur de sa responsabilité de bon administrateur. On ne peut l’excuser.
Je ne vois pas comment il peut continuer à diriger la ville. D’autant plus qu’il vient maladroitement de présenter son nouveau budget avec une augmentation moyenne des taxes foncières de 3,3% et allant jusqu’à 5,5% dans les quartiers les plus pauvres. Avec tout ce qui se dit et s’écrit sur les coûts exorbitants et inutiles payés par la ville pour ses travaux, comment les payeurs de taxes peuvent-ils accepter une telle augmentation ?
Le maire doit partir immédiatement. Il dira qu’il est une victime, peut être. Mais ce qui compte avant tout, c’est la bonne administration et la réputation de la ville. La confiance des Montréalais et Montréalaises envers les dirigeants de leur ville doit être rétablie. Le parti au pouvoir, Union-Montréal, doit choisir dans ses rangs une personne pour agir comme maire intérimaire jusqu’à la prochaine élection de novembre 2013. Ce doit être un homme ou une femme capable d’assurer aux Montréalais que leur ville se ressaisit, collabore avec la Commission Charbonneau et fait tout ce qui est nécessaire pour tuer le cancer de la corruption qui la ronge.
Claude Dupras