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C’est incroyable comme ce portrait de cette même Nom...

Publié le 04 février 2013 par Mmepastel
C’est incroyable comme ce portrait de cette même Nom...

C’est incroyable comme ce portrait de cette même Nom Kinnear-King semble être celui de la véritable héroïne de La Légende de Bloodsmoor, Deirdre des Ombres.

Oui, tout y est. La pâleur de la jeune orpheline destinée à être habitée par des esprits (des corbeaux noirs pour les mauvais, des lanternes pour les bons ?)), la douleur dans son visage qui baisse les yeux, car cette vie de médium manquera de lui coûter la vie, la montgolfière qui l’arrachera à sa famille d’adoption, pour l’emmener vers sa vocation lors de la scène augurale du roman…

Deirdre des Ombres… Avouez, ce nom fait froid dans le dos. Austère, rugueux et sombre. La jeune fille est littéralement possédée. Elle incarne un des extrêmes qui s’affrontent violemment dans ce roman qui se déroule aux USA à la toute fin du XIXème siècle.

Des aspirations antagonistes agitent la famille Zinn (celle qui recueille Deirdre à la mort de ses parents) au crépuscule d’un siècle bouleversé par la science, la foi accordée à la raison par l’idéal américain. Tandis que le père de famille, aimé et admiré de toutes (cinq filles au total), bon chrétien, passe son temps à faire des recherches scientifiques dans son atelier, rêvant de créer une machine au mouvement perpétuel, chacune (ou presque) de ses filles s’échappe progressivement vers des destins qui nient au contraire le respectable ou même le rationnel, sans y trouver particulièrement le bonheur toutefois. Que veut dire Joyce Carol Oates ?

Je ne sais pas, mais on sent qu’elle s’amuse follement en choisissant une narratrice très bien sous tous rapports. Cette entité mystérieuse est à la fois omnisciente et mal renseignée, elle prétend ne pas connaitre certaines circonstances alors qu’elle sait les moindres mouvements d’âmes de chacun de ses personnages. Et, mieux encore, elle les juge. Elle condamne les appétits charnels de Marvinia (en éraflant au passage le vrai Mark Twain, présenté comme un être grossier et libidineux), elle glorifie la bonté et la piété un peu niaise d’Octavia (qui subit les pratiques sexuelles de son mari avec un bonnet sur la tête avec une soumission exemplaire), elle se lamente des malheurs qui frappent la famille mais se délecte de les raconter. Bref, la narratrice est de mauvaise foi, tout en surlignant partout que sa foi chrétienne est irréprochablement bonne. C’est très drôle.

Dans ce deuxième volet, Joyce Carol Oates se divertit donc, et nous avec, même si l’horreur n’est jamais loin, et que les courants opposés qui irriguent cette fin de siècle sont loin d’être farfelus. Sous la plaisanterie, saillent de vraies problématiques, nouées à la peur de l’avènement du vingtième siècle, l’émancipation féminine, la gloire de la technique (qui n’effraie personne chez les Zinn alors qu’une des inventions du père n’est autre que la chaise électrique (!)), le vacillement de la rationalité et l’engouement pour l’occultisme, la fragilisation de la doctrine religieuse…

Le livre se termine dans la nuit de la Saint Sylvestre 1899, et la fin du monde est redoutée… crainte ridicule mais peu éloignée de nous… 

Il n’y a pas à dire, l’ironie cruelle dont fait encore une fois preuve l’auteure parle extrêmement bien de nous. Et en signant un livre daté (à la mode gothique, avec manoir et jeunes filles exsangues), délicieusement désuet, elle griffe nos esprits rutilants de lecteurs du XXIème siècle.


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