Nous quittons les grosses agglomerations pour enfin atteindre les superbes montagnes et plateaux turcs mais c'est la que la Turquie nous aggripe, impossible de se defaire de ses griffes.
Eh oui, nous traversons de nombreux petits villages ou nous devenons tres vite l'attraction du coin. Si on s'arrete pour manger un morceau, il se forme un atroupement autour de nos bolides et nous ne payons generalement pas nos repas, impossible de leur donner le billet, le patron ou le serveur serait pret a jeter le bifton a la poubelle. Au niveau des çai c'est tout simplement n'importe quoi, on ne les compte meme plus, mais on doit tourner aux environs de six par jour, offerts evidemment.
Nous ressortons aussi d'un marche les sacoches pleines de legumes et fruits; on nous les lance pour etre sur qu'on les prenne, on nous lance egalement un sac remplis de piments qui ne rigolent pas du tout.
Les papy - la plupart du temps une bonne dizaine assis devant le troquet, face a la route- adorent nous rincer, ils font de grands gestes de la main genre 'toi viens par ici, assis toi et ne discute pas!', nous enquillons 2/3 çai et reprenons la route. On en boit tellement que nos gourdes deviennent inutiles.
Cette semaine nous ne dormons pas souvent dans nos duvets, sur sept nuits nous en passons cinq au chaud, l'hospitalite ici, c'est fou. On ne communique a chaque fois que par mimes et a l'aide d'un manuel de conversation francais/turc, mais on arrive a se comprendre ! Enfin plus ou moins.
On se fait heberger par Ahmet, un jeune de 18 ans, il est serveur dans un petit kebab, çai çai a domicile. Le lendemain son patron nous rince le repas du midi.
La nuit d'apres on dort chez un papy, un papy bouillant, il nous invite a boire l'apero, il vit dans une maison a moitie en ruine, dans la piece principale: une table, 3 chaises et 2 lits qui reposent sur des tuiles. On repere rapidement le fusil a cote du lit et les fenetres sans volets 'Oula ou est ce qu 'on met les pieds !'. On sort le rouge, lui tombe sa bouteille de Raki, on rigole bien. Alors qu'il avale son dernier cul sec il bondit sur son fusil, sort dans le couloir et tire une grande cartouche dans le mur. Il n'a rien de mechant, c'est une creme et nous passons une tres bonne nuit. Bon il ne faut aparemment pas le chercher, il dort lumıere allumee, porte fermee a l'aide de clous et fusil charge sous la couette.
On profite egalement de la moquette d'une mosquee, un imam nous fait dormir dans une piece chaufffee au poele! Il nous offre le luxe d'assister a l'appel de la priere. Festin matin et soir.
Le froid arrive et nous campons cette fois dehors mais le bivouac vallait le coup. Le matin on se les gele severe, on se rechauffe a coup de piments, on regrette vite, langues, gorges et gencives en fusion.
Nous passons nos deux dernieres nuits chez Çetin, petit trapu de 38 ans. Nous restons une journee entiere au village car Çetin nous interdit de prendre la route, trop froid trop de pluie ! Nous sommes pris en charge par la communaute, on nous sert des buffets matin midi et soir. Nous sommes trimballes de maison en maison, nous en 'visitons' six et a chaque fois on s'installe dans la piece ou tout le monde se retrouve pour boire le çai. Les maisons sont toujours pleines a craquer, mais on retrouve toujours les memes tronches ! Le village ne compte que 15 habitants ( ils ne semblent pas prendre en compte les femmes) ! Nous faisons donc la connaissance de Cemal, un iranien; Selahattin l'oncle de Çetin, farceur de Sazağası; Abraham, Ibo, les autres je ne m'en souviens pas ! Mais je pense que nous rencontrons tout le village. Çetin s'occupe de veaux et vaches, Selahattin lui a 400 moutons. C'est un village de paysans. Nous goutons le fromage de Çetin et Selahattin sous forme de dürüm avec du beurre : un regal au petit dej. On passe une bonne partie de l'aprem dans une piece de 4m sur 4 a bruler a cote du pole tout en regardant les 8 turcs jouer aux cartes, ca joue du biftons, ca parle fort et ca se chambre de temps en temps.
Chaque repas est tres convivial, tout le monde est assis autour d'un grand plateau garnis de fromage, oıgnons, piments, çai; on pioche a l'aide de morceaux de crepes dans un grand plat a base de viande ou poulet.
Ils nous proposent de rester jusqu'a ce que le soleıl pointe le bout de son nez, mais nous reprenons la route, nous reste un peu de bornes a faire.
Comment arrive t on a se faire heberger ? La majorite des cas: en demandant, plutot a la tombee de la nuit, si on peut utiliser tel ou tel terrain, on finit alors en general apres 2/3 trois mots echanges bien au chaud a boire le çai !
Nous prenons le bus sur 100 kms cette semaine, de Beypazarı a Polatlı.
Nous rencontons un croate qui est en Turquie en tant que coach olympique, il nous offre 100 TL ! Impossible de refuser, alors qu'il roule a nos cotes il glisse le billet dans la sacoche de guidon de Rob et 'Bye! See you!' Il doit faire du 40 de moyenne chaud a rattraper !
On mettera la liste de toutes les choses achetees avec ce billet dans le prochain article! Eh oui, en une semaine, meme en comptant le bus impossible de tomber le bifton, sont fou ces turcs !
On rencontre pour la premieres fois les molosses appeles 'Kangals' mais toujours pas de vraies attaques !
Nous depassons aussi les 4000 kms !
Les photos ici