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Position de catherine Tasca sur le mariage pour tous

Publié le 03 février 2013 par Pslys

Pour le mariage de raison Le Monde.fr Catherine Tasca, sénatrice des Yvelines, ancienne ministre 31.01.13

L’histoire se répète. Comme pour le pacs il y a bientôt 15 ans, sur fond d’une homophobie qui ne se dit plus mais reste bien présente, c’est un pur conservatisme qui se manifeste et s’est exprimé avec éclat le 13 janvier. Même peurs irraisonnées, mêmes arguments, si ce n’est qu’aujourd’hui on assiste à une véritable hystérisation du débat, un véritable détournement du débat sous l’effet d’une double action : celle des églises, principalement la catholique, qui voudraient reprendre la main sur notre modèle de société, oubliant que notre République est laïque pour notre plus grande chance. Et celle de la droite, principalement l’UMP qui cherche à se refaire une unité et une légitimité.

Dans les deux cas, le moteur est leur conservatisme foncier, même s’il faut bien reconnaître que celui-ci existe aussi parfois, à gauche. Peut-on encore mettre un peu de raison dans tout cela ? Il le faut. Il faut reconnaître que la bataille des mots n’est pas pour rien dans la confusion générale. En choisissant le mot « mariage », nous avons certainement actionné beaucoup de fantasmes. Quoi qu’elle en dise aujourd’hui, la droite au pouvoir pendant 10 ans n’a rien fait pour améliorer le pacs. Dans la recherche d’égalité, il faut bien aujourd’hui passer à une étape supérieure qui est celle du mariage.

Faut-il rappeler qu’il s’agit là du mariage civil qui ne change rien pour ceux qui le souhaitent à la portée des mariages religieux ? En tant qu’institution de la République, le mariage civil apporte une double garantie : engagement réciproque et protection du partenaire, responsabilité partagée et protection des enfants. C’est le degré maximum d’engagement dans un couple. Cette double protection peut être la quête légitime d’un couple homosexuel comme d’un couple hétérosexuel.

Ce n’est pas le « mariage pour tous » qui menace la stabilité des couples. C’est notre individualisme, nos impatiences, les aléas de la vie moderne. Depuis bien longtemps les mariages se font et se défont. En région parisienne un couple sur deux divorce. Depuis bien longtemps des enfants naissent hors mariage et ils ont désormais les mêmes droits que ceux nés dans le mariage. Depuis bien longtemps se multiplient les familles monoparentales. En fait, de plus en plus d’enfants vivent dans des foyers homosexuels. Le « modèle » de la famille unie par le mariage a volé en éclat et « le mariage pour tous » n’y est pour rien. Comment notre société civile pourrait-elle ignorer cette réalité ? La nier, lui refuser une normalisation légale ? Car ce dont notre République est responsable, ce ne sont pas les sentiments, ce n’est pas l’orientation sexuelle des individus, ce n’est pas le choix de vie de chacun, c’est de donner à tous les couples le cadre juridique pour assumer leur engagement et leur pleine responsabilité à l’égard du partenaire et à l’égard de l’enfant. C’est cela « faire société ». Si l’on considère, et je le considère, que la protection de l’enfant est l’objectif majeur, alors on ne peut laisser perdurer l’inégalité de traitement qui frappe les milliers d’enfants vivant avec des parents homosexuels. Leur filiation n’est reconnue qu’à l’égard d’un des deux parents, que ce soit par filiation biologique ou par filiation adoptive. Ces familles sont de facto dans une situation d’insécurité juridique et aussi psychologique et affective, le second parent n’ayant aucun droit à l’égard de l’enfant en cas de disparition du parent légal ou de séparation du couple. C’est à cette insécurité que le projet de loi du gouvernement mettra fin, non pour le seul droit des parents, mais pour la sécurisation et la clarté des droits de l’enfant. Si l’on peut rêver que chaque enfant ait une maman et un papa à condition que ceux-ci soient aimants et responsables, ce qui est loin d’être toujours le cas l’essentiel est que l’enfant ait une famille solide et responsable pour l’accompagner dans son développement, même s’il s’agit de deux mamans ou de deux papas. L’évocation des exemples étrangers tout comme l’appel à l’opinion des experts juristes et psychologues ne sauraient se substituer au débat parlementaire. Ces avis sont d’ailleurs très divers et parfois contradictoires et ne rendent pas compte de la mutation avérée des formes de vie familiale.

Le président de la République et son gouvernement ont clairement fixé les objectifs de ce texte de loi. On voit bien que l’objectif de beaucoup d’opposants est de faire reculer le président sur un engagement qu’il a pris de longue date au su et au vu des Français. Ce n’est pas seulement l’intérêt de la famille et celui des enfants qui les anime, mais aussi la recherche d’une revanche politique.

L’ouverture du droit au mariage à tous les couples ne sera rien d’autre que la fin d’une discrimination qui ne dit pas son nom à l’égard des homosexuels. La sexualité des parents ne conditionne pas le bonheur des enfants. Dans toute famille, ils ont à faire leur propre chemin vers l’indépendance. C’est plutôt l’amour qu’ils recevront qui les y aidera. Alors il y a urgence à mener à terme cette réforme et à ne plus laisser capter le débat par les conservatismes.

Derrière viendra un débat autrement plus difficile sur la famille du futur et principalement sur la filiation qui reste un repère essentiel pour le développement de l’individu. L’évocation du principe d’égalité ne suffira pas à déterminer les règles du vivre ensemble. Nous devrons nous demander où nous mettons notre quête d’égalité avec, me semble-t-il, une priorité : le droit de l’enfant et non le droit à l’enfant.


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