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Les syndicats contre l'emploi, un roman français qui finit mal

Publié le 05 février 2013 par Copeau @Contrepoints

Dans l'usine PSA d'Aulnay, une poignée de syndicalistes irréductibles persévère dans un rapport de force dépassé, illustratif des problèmes de la France.

Par Baptiste Créteur.

Les syndicats contre l'emploi, un roman français qui finit mal

Entrée du site PSA à Aulnay

Les syndicats sont de plus en plus divisés entre ceux qui choisissent de faire des compromis pour sauver ce qui peut l'être et ceux qui préfèrent voir leur entreprise et la France s'effondrer plutôt qu'accepter le moindre changement. Plusieurs exemples sont emblématiques d'un dialogue social rendu impossible par l'aveuglement idéologique des syndicats.

Dans le cas de Goodyear, les syndicats ont bloqué les négociations depuis 5 ans. Ces négociations portaient sur des suppressions d'emploi voulues par la direction pour maintenir la compétitivité du site. A mesure que la situation s'aggravait, le nombre de suppressions d'emploi croissait et, aujourd'hui, le point de non-retour a été franchi : en l'absence de repreneurs, l'usine devra fermer. Le gouvernement insiste donc pour réunir la direction, les syndicats, un potentiel repreneur et l’État.

"Nous souhaitons que la CGT mette de l'eau dans son vin, que la direction mette du vin dans son eau, et que Titan boive le vin et l'eau des deux, et avec ça on va peut être y arriver",a juste indiqué M. Montebourg, renvoyant dos à dos l'ensemble des acteurs du dossier. En terme d'engagement aussi, l'on avait connu le ministre plus ambitieux : il va "tenter" de monter une réunion quadripartite avec la direction de Goodyear, les syndicats du site, l'ex-repreneur américain Titan, et l'Etat. "Nous allons essayer de ramener toutes les parties autour de la table", a-t-il précisé, tout en ajoutant qu'"il est très difficile d'amener à boire un âne qui n'a pas soif".

Un âne qui n'a pas soif, ou plutôt un syndicat dont sauver l'emploi semble être la dernière préoccupation, bloque les négociations, et parvient à être assez constructif pour dissuader tout potentiel repreneur de reprendre l'usine et maintenir tout ou partie de ses activités.

"De toute façon, ça ne sert à rien de chercher un repreneur, vu l'ambiance entre la direction et les syndicats, assure un conseiller ministériel. Aucun industriel n'acceptera de discuter tant que les salariés brûleront des pneus devant l'usine."

Difficile en effet d'imaginer quiconque investir dans une entreprise s'il sait d'avance qu'il ne disposera d'aucune marge de manœuvre dans un pays où la compétitivité est devenue une lutte de tous les instants. Difficile également de comprendre le traitement médiatique des évènements, où on s'étonne de l'absence de prise de position claire de l’État dans des affaires où il n'a rien à faire.

Derrière cette prudence, l'impression qui domine est surtout qu'aucun ministre ne veut prendre le dossier en main, comme si chacun craignait d'y laisser des plumes est trop gros. "C'est à Michel Sapin de s'en occuper car Goodyear, c'est d'abord un problème de dialogue social qui ne fonctionne plus", persifle ainsi un conseiller à Bercy. Au ministère du travail, on assure le contraire. "Même si nous sommes en étroite liaison, c'est Montebourg qui traite le dossier en ligne directe", assure l'entourage de M. Sapin.

Difficile de savoir qui au sein de l’État est en charge du dossier, personne ne voulant porter la responsabilité d'un échec annoncé. Parmi les syndicats, le fossé qui sépare les partisans d'un compromis espérant sauver ce qui peut l'être et les partisans d'une lutte finale contre le capital, le capitalisme et l'emploi est de plus en plus évident.

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a critiqué les méthodes de la CGT, qui porterait "une responsabilité dans ce qui se passe" au même titre que la direction. [...] Laurent Berger (CFDT) a ouvertement critiqué la "position dogmatique" de la CGT. "On voit bien que quand il y a des dogmes, et pas de volonté de sauver l'emploi, on va dans le mur",a-t-il dit. M. Berger a également commenté la situation dans d'autres secteurs en difficulté, comme le site PSA d'Aulnay ou le cas Renault. Il a notamment fait allusion aux "méthodes" employées par la CGT à Aulnay qu'il "ne partage pas".

Alors que la CFDT dénonce le dogmatisme de la CGT contradictoire avec la protection de l'emploi, FO persiste et signe en soutenant que tous les moyens sont bons pour lutter contre les suppressions d'emploi et la fermeture du site, donc contre la direction qui les a décidées.

De son côté, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, s'est dit vendredi en désaccord avec Laurent Berger. "On ne peut pas rendre le syndicat responsable, même s'il a une position un peu dure, car ce n'est pas le syndicat qui a initié la fermeture de l'entreprise", a argué M. Mailly.

Le dogmatisme des syndicats est plus explicite dans le cas de PSA, où les grévistes empêchent ceux qui veulent travailler de le faire. Il ne s'agit pas uniquement de manifester son désaccord avec la direction, mais aussi avec ceux qui ne partagent pas leurs objectifs ou leurs méthodes - à savoir la négation des droits fondamentaux et le recours à la violence pour faire avancer leur idéologie nauséabonde. La lutte finale des syndicalistes PSA prend en otage la direction et les salariés, sous l’œil bienveillant des hommes politiques qui n'hésitent pas à afficher leur soutien à la lutte contre l'emploi. Une nouvelle fois, les objectifs, le dogmatisme et les méthodes de syndicalistes minoritaires sont dénoncés par ceux dont le premier objectif est de défendre l'emploi.

La grève qui paralyse l’usine PSA Peugeot-Citroën d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) depuis la mi-janvier se poursuivait lundi matin, a-t-on appris auprès des syndicats et de la direction. «La grève continue, il y a toujours autant de grévistes (environ 440, selon la CGT, ndlr) et la direction n’a pas eu la force de redémarrer les chaînes», a indiqué à l’AFP Jean-Pierre Mercier, délégué du syndicat CGT (28%) qui a appelé à la grève, rejoint par SUD (10%) et la CFDT (4,9%). «Il y a toujours un absentéisme très élevé», a pour sa part indiqué une porte-parole de la direction, selon laquelle des œufs ont été jetés par des grévistes, qui ont également fait éclater des pétards dans les ateliers. «Il n’y a pas de production aujourd’hui et la situation est tendue», a également dit Brahim Loujahdi, délégué CFTC, à l’AFP, décrivant l’explosion de «pétards au ferrage», l’un des trois ateliers de l’usine. Les autres syndicats de l’usine, dont le syndicat maison majoritaire SIA (40% aux dernières élections sur une liste commune avec la CFTC), FO (12%) et la CFE-CGC (4%) ont appelé il y a dix jours à une reprise du travail et dénoncé des «pressions» sur les non grévistes. L’usine, qui emploie 2 800 personnes, doit fermer en 2014 dans le cadre d’un vaste plan de restructuration prévoyant la suppression de 8 000 emplois auxquels doivent s’ajouter 1 500 départs naturels non remplacés, annoncé en juillet.

Afin d'éviter qu'on ne puisse constater ses agissements, la CGT a même agressé un huissier sollicité par la direction. Une manifestation a d'ores et déjà été organisée pour soutenir les individus violents qui agissent contre l'emploi de leurs collègues, détruisent l'outil de production de l'entreprise qui les rémunère chaque mois et ont recours à des méthodes terroristes pour parvenir à leurs fins.

Quatre ouvriers soupçonnés d’avoir participé à l’agression d’un huissier qui venait constater, à la demande de la direction, des dégradations dans l’usine le 18 janvier sont convoqués mardi en début d’après-midi pour un entretien en vue de leur licenciement. Un rassemblement de soutien est prévu à partir de 13h30 sur le parking de l’usine, avec Pierre Laurent et Marie-George Buffet, secrétaire national et députée du PCF, Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche, Olivier Besancenot, ex-candidat du NPA à la présidentielle de 2007, et Nathalie Arthaud, ex-candidate Lutte ouvrière à la présidentielle de 2012, ainsi que des élus locaux communistes et socialistes, selon Jean-Pierre Mercier.

Il s'agit pour les vaillants hommes politiques qui entendent diriger le pays d'afficher leur engagement dans la lutte contre les suppressions d'emploi en soutenant ceux qui monopolisent le dialogue social et luttent activement contre l'emploi. Leur sympathie à l'égard des terroristes violents et dogmatiques n'a d'égale que leur méfiance envers les chefs d'entreprise et actionnaires qui ont créé les emplois qu'ils suppriment aujourd'hui et tentent de faire entendre raison aux syndicalistes en leur rappelant les objectifs communs de l'entreprise et des salariés : être compétitifs pour préserver l'activité, la croissance et l'emploi.

La minorité éclairée qui compose la majorité au pouvoir est assez déconnectée de la réalité pour appliquer deux poids et deux mesures envers la direction et les syndicats à l'encontre du bon sens le plus élémentaire. Dans le cas de Renault, le refus du dialogue par les syndicats ont été passées sous silence alors que la direction était accusée de chantage lorsqu'elle évoquait auprès des syndicats les conséquences néfastes de leurs actes sur l'emploi. Dans le cas de Florange, les salariés extrémistes qui ne veulent pas reconnaître l'accord qu'ils défendaient initialement sont reçus par les hommes politiques lorsqu'ils réclament une nationalisation de l'usine contraire aux droits fondamentaux, au bon sens et au compromis arraché au groupe et une loi viendra bientôt entériner l'erreur paradigmatique qui considère qu'emploi et compétitivité, qu'entreprise et salariés, que production et propriété sont sans lien les uns avec les autres.

Dans l'ensemble de ces cas, et dans la vie politique et syndicale française en général, la réalité est occultée par la volonté systématique d'appliquer des dogmes contraires au bon sens et de s'affranchir des principes fondateurs du capitalisme. Ce n'est pas seulement la branche sur laquelle ils sont assis que les syndicalistes et les hommes politiques trop dogmatiques sont en train de couper, mais l'arbre tout entier. Des années de croissance durant lesquelles des compromis toujours plus grands ont été consentis par les créateurs de richesse, qu'il est aujourd'hui impossible de remettre en cause tant chacun défend ses intérêts particuliers au mépris des droits fondamentaux des autres.

Les principes qui assurent que les intérêts particuliers des uns ne nuiront pas aux autres ont été progressivement dissolus et déclarés obsolètes au regard d'une générosité sans bornes avec la richesse des autres, à tel point que des ministres en viennent aujourd'hui à affirmer qu'exproprier n'est pas un vilain mot. La frontière qui sépare la France du totalitarisme est de plus en plus mince ; comme tous les totalitarismes, il s'habille de bonnes intentions et met en garde contre les ennemis de l'intérieur qui refusent d'adhérer et envisagent parfois de déserter, et contre les ennemis de l'extérieur qui mettent en péril notre modèle social et notre mode de vie. Le monde entier semble s'être allié pour empêcher les Français de vivre leur rêve socialiste en leur imposant une dictature de la réalité - incarnée par les marchés, l'impératif de compétitivité, l'actionnariat du grand capital apatride et le départ des traîtres à la nation. La meilleure incarnation de ce lent glissement totalitaire est sans doute à trouver dans le mode de dialogue social où on excuse la violence des extrémistes et réprouve le discours de vérité des raisonnables. Il est difficile d'amener à boire un âne qui n'a pas soif ; si les Français ne manifestent pas rapidement, fermement et durablement leur soif de liberté, ce n'est pas dans le mur que nous irons, mais dans les abysses.


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