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Après la manif (2)

Publié le 05 février 2013 par Egea
  • Droit
  • France
  • Philosophie politique

Un billet à lire en oubliant les caricatures de débat politique que nous observons en ce moment : les partis ne savent pas faire autre chose que s'amalgamer pour cliver. Même s'ils sont en totale contradiction avec eux-mêmes...

Après la manif (2)
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Car je poursuis ma réflexion sur les mouvements à l’œuvre derrière la mobilisation de la manif (voir précédent billet). En effet, j'y montrais que deux mouvements s'opposent : celui voulant protéger le droit collectif, celui voulant protéger l'individu. Or, les deux courants traversent tous les partis politiques, ce qui explique le malaise de beaucoup.

Le dilemme est sensible à gauche, malgré les apparences. En effet, conformément à sa tradition, la gauche devrait protéger les droits collectifs et la cohésion sociale. Sa quête de l'égalité, son éducation collective (socialiste française du XIX° siècle, marxiste du XX° siècle), devraient logiquement l'amener à une défense du droit commun et partagé. Pourtant, elle cède à ses courants libertaires et donc ultra individualistes. C'est vrai au PS (où un certain nombre de figures politiques n'hésitent pas à exprimer leur désapprobation), et qui se voit défendre une mesure ultra libérale, celle du moi-je et du droit de l'individu, au lieu de défendre les droits collectifs.

Cette schizophrénie est visible également chez les écologistes, pourtant archétypes des bobo-perso-moraux, moralisants et moralisateurs ! Car en effet, le mariage pour tous n'est que la porte ouverte à la procréation assistée, qui est une véritable fuite en avant technologique : il y a quelque paradoxe à prôner la conservation de la nature et à prôner de violer dans le même temps la nature humaine, de prôner la décroissance tout en acceptant la fuite en avant technologique quand il s'agit d’instrumenter nos propres corps, pour son seul désir ! Alors que les écolos constituaient la seule idéologie de renouvellement de la gauche (car pour le reste, celle-ci est en panne d'idées), voici qu'ils démontrent une contradiction insoutenable.

Ainsi, les opposants devraient, au lieu de parler de "nature" à leurs adversaires (ce qu'ils n'endentent pas), leur dire qu'ils sont ultra-libéraux !

La droite ne devrait pas trop s'en réjouir, car elle n'est pas plus cohérente. Passons sur les tentatives de récupération politicienne (même si cela me ragoûte peu et si je ne me réjouis pas tellement de voir des invertébrés faire croire qu'ils ont des squelettes) : après tout, ces gens-là font leur métier, même s'ils sont en l'espèce à la traîne au lieu d'emmener : la droite qui ne cesse de parler de chefs voient les siens suivre la troupe. Signe là encore de leur faiblesse.

Mais l'affaire est le signe aussi de la contradiction de la droite, entre la droite "libérale/capitaliste" et la droite "notable-sociétale" (désolé pour les admirateurs de feu René Rémond, la théorie des trois droites n'a plus la valeur explicative qu'elle pouvait avoir jadis). Or, les libéraux sont logiquement en faveur de l’instrumentalisation des corps et du laissez faire, laissez passer. Les libéraux sont proches des libertaires de l'autre camp politique ce qui explique que certaines voies "modernes" de droite défendent le projet de loi. Tenants de l'individualisme, ils ne peuvent que mal s'apparier avec les notables sociétaux qui prônent le soutien raisonnable à des structures collectives et partagées qui organisent la société, et qui sont naturellement opposés au projet.

Quant à l'extrême droite, les médias n'ont pu que gloser sans fin sur l'apparente indécision de la dirigeante du FN : mais finalement, cette indécision était cohérente avec la diversité des courants de son parti !

L'autre dimanche, dans la rue, ceux qui défendaient les valeurs de cohésion menaient les avis, et les pensées. La droite était écartelée tout autant que la gauche, même si sa posture actuelle d'opposition rendait les choses plus faciles. Car si la gauche est en panne d'idée, que dire de la droite, dont les palinodies françaises trouvent des échos dans les élucubrations des tories britanniques ou des gens de droite d'Italie ?

Ainsi, à droite comme à gauche, il n'y a plus de structuration d'idées. Car le clivage d'autrefois ne correspond plus aux besoins de ce XXI° siècle. Le nouveau clivage, désormais, est celui opposant ceux qui soutiennent la vie collective (et donc la solidarité avec les démunis et la cohésion nationale) et ceux qui sont partisans du chacun pour soi (et donc un certain égoïsme, perso et mondialisé). Entre les partisans du droit et ceux de la dérégulation à outrance.

Pour poursuivre la réflexion, on lira notamment cette réflexion de Roger-Pol Droit, qui parvient au même constat que celui que j'exposais dans mon précédent billet.

  • PS (raison passion) : je relève dans le Monde les propos d'un manifestant : "ils (les anti) se justifient par des arguments intellectuels". Il est assez amusant de remarquer que le sentiment, l'amour, et donc la non-raison seraient "à gauche" et que la raison serait "à droite", à rebrousse poil des représentations habituelles : Mais cela ne vient que confirmer l'inanité de ces catégories que nous assènent les médias, et qui ne sont pas explicatives, encore une fois!
  • PPS (tolérance) : Accessoirement, j'observe que dans la manif des "pros", il y avait des injures et des insultes que je n'ai pas observées dans la manif des anti (qu'est-ce qu'on aurait entendu s'il y avait eu la moindre déviation..) : mais dans un cas, on a pu lire des commentaires un peu gênés du style "bon, c'était un peu en dessous de la ceinture". Oui, un peu !
  • PPPS (chiffres) : la manip des chiffres entre la manif des anti (qui n'ont multiplié "que" par 2 le chiffre de la police pour passer de 340 à 800) et ceux des pro (qui ont multiplié par 3 pour passer de 125 à 400) a fait bien rire. Tout comme ce reportage du Monde expliquant la "véracité" des chiffes de la police. Police de la pensée ? Bon, je ne suis pas un complotiste et on a rarement pris égéa à ce défaut mais d'un autre côté, les manip d'influence existent et il faut aussi les signaler.

O. Kempf


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