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Tunisie : le gouvernement démissionne après l’assassinat de Chokri Belaïd

Publié le 07 février 2013 par Ralph

Tunisie : le gouvernement démissionne après l’assassinat de Chokri Belaïd

Affrontements entre policiers et manifestants devant le ministère de l'Intérieur à Tunis. Les islamistes au pouvoir en Tunisie ont annoncé mercredi la démission du gouvernement et promis d'organiser rapidement des élections. 6 février 2013. Crédits photo : Reuters/Anis Mili

TUNIS, par Tarek Amara (Reuters)

Les islamistes au pouvoir en Tunisie ont annoncé mercredi la démission du gouvernement et promis d'organiser rapidement des élections pour tenter de calmer les violentes manifestations provoquées par l'assassinat du dirigeant de l'opposition laïque Chokri Belaïd.

De nouveaux affrontements ont éclaté mercredi soir devant le ministère de l'Intérieur, où un policier a été tué par des jets de pierres, a-t-on appris de source officielle.

Un peu plus tôt, le Premier ministre Hamadi Jebali, membre du parti islamiste Ennahda, s'était adressé à la Nation pour annoncer sa décision de former un "gouvernement de compétences nationales" composé de technocrates "n'appartenant à aucun parti et travaillant pour l'intérêt de la Nation".

"Après l'échec des négociations entre les partis sur un remaniement gouvernemental, j'ai décidé de former une petite équipe de technocrates", a-t-il dit en précisant que ses membres n'auraient pas le droit de se présenter aux élections.

Ces dernières, a-t-il souligné, auront lieu le plus rapidement possible.

Cette annonce a été accueillie avec prudence par Mouldi Fahem, un responsable du Parti républicain (opposition laïque).

"La décision du Premier ministre est une réponse aux demandes de l'opposition. Nous en saluons le principe. Nous attendons les détails", a-t-il dit à Reuters.

"C'est une décision tardive, mais une décision importante", a estimé de son côté Beji Caïd Essebi, chef du parti laïque Nida Touns.

Tunisie : le gouvernement démissionne après l’assassinat de Chokri Belaïd

Chokri Belaïd, l'un des responsables de l'opposition laïque en Tunisie, a été abattu mercredi devant son domicile à Tunis. /Photo prise le 6 février 2013/REUTERS/Zoubeir Souissi

A la suite de la mort de Chokri Belaïd, l'opposition a appelé à une grève générale jeudi, jour des obsèques du défunt, et suspendu sa participation à l'Assemblée constituante. Par la suite, la famille du défunt n'a pas exclu que les funérailles aient lieu avant vendredi.

Chokri Belaïd, un avocat de 49 ans, était le secrétaire général du Mouvement des patriotes démocrates, membre du Front populaire, une coalition d'opposition qui regroupe une douzaine de formations.

ABATTU DE QUATRE BALLES

Blessé de quatre balles devant chez lui par un homme qui a pris la fuite à moto avec un complice, il a succombé à ses blessures à l'hôpital.

"Chokri Belaïd a été assassiné aujourd'hui devant son domicile, de quatre balles tirées dans la tête et dans la poitrine", a précisé Ziad Lakhder, l'un des responsables du Front populaire.

Le chef de file d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a affirmé à Reuters que son parti était totalement étranger à cet assassinat.

"Le parti Ennahda est totalement innocent de l'assassinat de Belaïd", a martelé le chef du parti islamiste qui dirige la coalition gouvernementale. "Les seuls à qui profite cet assassinat, ce sont les ennemis de la révolution."

"La Tunisie connaît aujourd'hui l'impasse politique la plus grave depuis la révolution. Nous devons garder notre calme et ne pas nous laisser entraîner dans une spirale de violence. Plus que jamais, il faut que nous restions unis", a ajouté Rached Ghannouchi.

La nouvelle de la mort de Belaïd a provoqué de violentes manifestations à travers le pays. La police est intervenue pour disperser à coups de gaz lacrymogène les manifestants rassemblés devant le ministère de l'Intérieur à Tunis.

Des manifestations ont aussi eu lieu à Sidi Bouzid, dans le centre du pays, berceau de la "révolution de jasmin" qui a chassé du pouvoir le président Zine ben Ali en janvier 2011, coup d'envoi du "printemps arabe". La police est également intervenue.

Tunisie : le gouvernement démissionne après l’assassinat de Chokri Belaïd

Photo : Moncef Marzouki, Président de la République tunisienne, et Hamadi Jebali, 1er ministre

Selon des témoins, les bureaux d'Ennahda ont été incendiés à Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax.

"TENTATIVE DE DÉSTABILISATION"

Le chef de l'Etat tunisien, le président Moncef Marzouki, a écourté une visite qu'il effectuait au Parlement européen à Strasbourg et annulé sa participation au sommet de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) jeudi au Caire.

"Il y a une tentative de déstabilisation de mon pays", a dit Marzouki, lui-même fondateur du Congrès pour la République, une formation de la gauche laïque qui participe au gouvernement.

"Cet odieux assassinat n'a pas d'autre objectif que d'opposer la composante laïque à la composante musulmane de la société pour susciter le chaos", a-t-il ajouté.

Il s'est refusé à incriminer Ennahda, laissant entendre que le crime pouvait servir ceux qu'il a appelé les salafistes djihadistes ou les partisans de l'ancien régime du président Ben Ali.

A Paris, François Hollande a condamné l'assassinat "avec la plus grande fermeté".

"Chokri Belaïd s'est engagé tout au long de sa vie publique dans les combats pour la liberté, la tolérance et le respect des droits de l'homme avec cette conviction profondément enracinée en lui que le dialogue et la démocratie doivent être au cœur de la nouvelle Tunisie", a déclaré la présidence française.

"La France est préoccupée par la montée des violences politiques en Tunisie et appelle au respect des idéaux portés par le peuple tunisien lors de sa révolution", conclut le communiqué.

C'est la Tunisie qui avait donné durant l'hiver 2010-2011 le signal des soulèvements dans le monde arabe.

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Tunis. 6 février 2013. Crédits photo : Reuters/Zoubeir Souissi

Ennahda a remporté 42% des sièges au Parlement lors des élections d'octobre 2011 et a formé un gouvernement de coalition avec deux formations laïques, le Congrès pour la République de Moncef Marzouki et le parti Ettakatol.

Les difficultés économiques ont provoqué ces derniers mois des manifestations parfois violentes et le gouvernement a accusé des militants liés à Al Qaïda de stocker des armes dans le pays en vue d'y instaurer par la force un Etat islamiste.

Avec Gilbert Reilhac à Strasbourg; Guy Kerivel, Jean-Loup Fiévet et Tangi Salaün pour le service français (Reuters)

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