Les hommes politiques français n'hésitent pas à dénoncer l'exil fiscal des uns et l'optimisation fiscale des autres. S'ils veulent conserver une once de crédibilité, qu'ils commencent par empêcher les entreprises publiques de se soustraire à l'impôt.
Par Baptiste Créteur.
L'once de crédibilité d'un élu français est une ressource qui se raréfie au même rythme que l'once de bon sens. On pourrait dénoncer le ridicule de leurs déclarations, par exemple lorsqu'ils dénoncent l'irrationalité des marchés pour la remplacer par leur propre irrationalité, lorsqu'ils dénoncent l'égoïsme de leurs compatriotes tout en préservant d'immenses avantages, appellent les Français à faire des sacrifices tout en versant à leurs proches collaborateurs des primes colossales ou encore font un devoir pour les Français de s'acquitter de l'impôt quel qu'en soit le montant mais en protègent leurs propres rémunérations et indemnisations. Mais ils ne se contentent pas de n'épargner qu'à eux-mêmes les difficultés que leur irresponsabilité fait peser sur le pays entier ; le comportement de l’État et ses ramifications va à l'encontre de leurs recommandations.
L'ennemi de François Hollande, c'est la finance. La finance internationale, le grand capital apatride et les spéculateurs sont responsables de la crise, n'ont que faire du sort des travailleurs français et imposent leur dictature des marchés aux États qui aimeraient continuer à dépenser pour le bien-être de la population. L’État investit pourtant sur les marchés, dans une optique de rentabilité ; un bel exemple pour tous ceux qui, par leurs impôts, lui permettent de ne pas se soucier des pertes qu'il réalise.
Les suppressions d'emploi, les difficultés de trésorerie des entreprises et le manque d'investissement seraient le fait d'actionnaires trop gourmands. L’État a en la matière un comportement exemplaire, en exigeant des dividendes colossaux sans tenir aucun compte de la conjoncture et en investissant avec assez de discernement pour que les entreprises dans lesquelles il investit perdent 15% de leur capitalisation boursière alors que le CAC 40 prenait 5% sur la même période ; un actionnaire incompétent et impitoyable.
Les entreprises publiques françaises installent désormais leurs holdings dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse. Elles pratiquent ainsi une optimisation fiscale que les hommes d’État dénoncent régulièrement et assimilent à de la fraude. EdF, dont l’État détient 84%, investit via les Pays-Bas et la Belgique. Rien qu'en Belgique, l'entreprise dispose de 7,6 milliards d'euros.
La minorité éclairée qui nous dirige ne peut pas l'ignorer ; pourtant, personne au sein de l’État ne dénonce le comportement de l’État lorsqu'il est investisseur, actionnaire et monopoliste. L’État et ses agents peuvent donc aujourd'hui se permettre de faire ce que les citoyens qui le financent et qu'il est censé servir ne peuvent plus se permettre.
Nous approchons rapidement du stade de l'inversion ultime : le stade où le gouvernement est libre de faire tout ce qu'il lui plait, alors que les citoyens ne peuvent agir qu'avec sa permission ; le stade des plus sombres périodes de l'histoire humaine, le stade du règne de la force brute. (Ayn Rand, "The Virtue of Selfishness")
Il est grand temps que les citoyens se souviennent que l’État est leur serviteur et non l'inverse. Il leur appartient de se réapproprier ses prérogatives, de l'empêcher d'imposer à tous des sacrifices qu'il refuse pour lui-même, de rappeler aux fonctionnaires et élus que leurs salaires sont financés par les salariés du privé et non l'inverse. Les Français ont perdu le contrôle de leur vie politique ; les débats se déroulent à une échelle nationale et supra-nationale qui ne leur permet plus d'échapper aux décisions prises par les prétendus représentants du peuple.
Il est grand temps que les citoyens comprennent que les décisions irresponsables prises par ceux qui les dirigent les engagent. Ce n'est pas l’État ou les hommes politiques qui devront rembourser la dette, mais les Français. Ce n'est pas l’État ou les hommes politiques qui financent les politiques de redistribution, mais les Français. Ce n'est pas l’État ou les hommes politiques qui financent les partis politiques, les syndicats, les associations et les entreprises subventionnées, mais les Français. Ce sont aussi les Français qui financent les guerres menées alors que nos frontières ne sont pas menacées, les annulations de dette offertes aux pays qui ne veulent pas rembourser et aux Français qui sont capables d'assez d'irresponsabilité pour se surendetter et pour lesquels les plus responsables paient, les subventions à une production audiovisuelle florissante mais incapable d'atteindre le seuil de rentabilité.
Les Français financent sous la contrainte les privilèges de l'État et de ses favoris, qui entendent leur dicter leur conduite. Combien de temps faudra-t-il pour qu'ils comprennent que la liberté leur est souhaitable en tous points et que le pouvoir, étant son ennemi, est le leur ?