Il est tombé à côté. Il est pourtant talentueux. Ce mardi 5 février, le chroniqueur du Grand Journal de Canal+ se surprenait à vouloir prendre en défaut François Hollande. En cause, un
décalage d'image et de message: le Hollande volontariste était-il au Mali pour faire oublier l'actualité politico-sociale de la métropole ? Bruno Donet - c'est son nom - n'est d'ailleurs pas le
seul au sein de la Fabrique de l'Opinion à poser la question qui tue: et si Hollande se sarkollandisait ?
Quelle misère. Nous avons sans doute les médias que nous méritons.
Critiquer le pouvoir en place entre deux cotillons télévisuels dans une émission de divertissement d'avant-soirée, est certes
facile, parfois légitime. Sauf quand la critique vient à contre-temps, ou permet d'éviter d'expliquer le monde qui nous entoure.
Les minutes médiatiques sont précieuses et malgré tout souvent gâchées.
Il était d'abord difficile d'accuser Hollande de diversion malienne. Nous avions déjà souligné combien ce déplacement
présidentiel faisait ombrage à l'adoption du premier article d'une loi sociétale majeure - le mariage pour tous. Si Hollande avait voulu bien faire, il aurait attendu.
Un autre journaliste, sous-directeur au Point, raillait aussi la «Sarkollandisation» du quinquennat. Il visait ces apparitions médiatiques plus répétées de l'actuel président.
«D'où vient cette impression que le président, qui avait pourtant martelé, lors de son discours d'investiture, qu'il se démarquerait de l'hyperprésidence sarkozienne ("Je ne déciderai
pas de tout, pour tout et partout"), semble marcher sur ses traces ?» écrit Christophe Ono-Dit-Bio. Quelle misère. N'ont-ils que cela à écrire, commenter, analyser ?
La rumeur prêtait même à Hollande l'envie de faire des déplacements hebdomadaires en province... comme son prédécesseur.
Rassurez-vous ! Nous sommes rodés à l'exercice. On attend de voir comment Hollande choisira ses sujets, on s'amusera si la mise en scène apparaît similaire.
Cette nouvelle critique médiatique était aussi tardive. Car ce mardi 5 février justement, Hollande abordait d'autres sujets.
Il est à Bruxelles, devant les députés européens.
Hollande contre l'austérité ?
A Bruxelles, Hollande est là deux heures et trente minutes pour échanger avec les parlementaires et la presse. Cette pratique
est impossible en France, le monarque ne peut parler devant les parlementaires sauf s'ils sont réunis en Congrès à Versailles. Notez les symboles. Notre république monarchique tient à protéger
l'exécutif de l'avantage législatif.
La scénographie bruxelloise reste
originale. Le chef d'Etat, tout chef d'Etat qu'il est, est en bas, presque au centre du parlement, debout avec un petit pupitre.
Devant les parlementaires européens, Hollande est davantage applaudi sur sa gauche que sur sa droite. « Il nous définir
une nouvelle ambition, (...) sans réduire la précédente.»
Même le Figaro dut reconnaître que Hollande fut convaincant.
Fichtre ! Quelle trahison !
Pourtant, Hollande n'a fait que répéter ce que nous savions. Même Christine Lagarde, incompétente ministre sarkozyste (elle
avait raté la crise des subprimes, tout anglophile qu'elle était) devenue patronne du FMI, s'inquiète de la course à l'équilibre budgétaire dans laquelle se sont jetés tous nos gouvernements
européens. En France, il faut reconnaître que l'ardoise est lourde. A Bruxelles, Hollande a eu cette expression inattendue: «Je ne veux pas condamner l'Europe à une politique d'austérité sans
fin. (...) Le désendettement, la compétitivité, c'est important, mais cette politique doit être appliquée avec discernement.» Est-ce le début d'une inflexion ?
Autre (fausse) révélation, Hollande fustige l'euro fort. Pierre Moscovici, son ministre des finances, avait commencé la
charge trois jours avant. Il rappelle le besoin d'eurobonds, un sujet qui fait toujours grincer sa voisine chancelière. Devant ces députés, Hollande venait
marteler ses messages. Il ne le ferait pas et on l'accuserait de silence coupable.
La politique se gagne aussi dans ce genre de prétoires.
Il aimerait une Europe qui assume sa différence. Nous aussi. L'Europe du Sud est au fond du gouffre depuis
bientôt quatre ans. Angela Merkel soutient David Cameron qui plaide pour une Europe plus libérale. Hollande évoque la nécessaire harmonisation des politiques fiscales. La compétition fiscale fait des ravages. Que quelques riches indignes s'exilent avec leurs fortunes est une chose. Que des groupes excellent à
jongler avec nos écarts de fiscalité en est une autre.
« Et je sais aussi que toute avancée européenne doit correspondre à une nouvelle étape de la démocratie. Mesdames et messieurs les députés, pour faire cette nouvelle étape, pour accomplir le projet européen, pour faire avancer la démocratie, c’est vous qui allez décider.»
Tension sociale
Nous n'avions pas besoin de ces journalistes de salon pour connaître combien la tension sociale est forte. Même Manuel Valls s'en inquiète. « La colère
sociale, avec les conséquences de la crise économique et financière, la précarité, le chômage, les plans de licenciements, elle est là, elle gronde depuis des années ».
En France encore, le ministre Montebourg tente de faire taire les YaKaFoCon. Le redressement
productif est douloureux. Il est toujours secoué par des plans sociaux. Mais le ministre avance quand même. Il apprend. L'Expansion le croit résigné. Mardi martin, il a « lâché » le site PSA d'Aulnay,
livrant un constat d'évidence: l'automobile française s'effondre sous nos yeux. L'éditocrate Aphatie chez qui il faisait cette confession matinale semblait triompher, trop heureux que la pensée
low-cost l'emporte à l'usure.
Mardi, Montebourg annonce avoir reçu quatre propositions de reprise du site de Petroplus, « dont deux sérieuses ». 470 postes sont menacés. C'est le tribunal de
commerce de Rouen qui décidera. Effectivement, un groupe égyptien a confirmé être sur les
rangs.
Comme hier Florange, Petroplus est un symbole bizarre et sans rapport avec l'inéluctable déroute de l'automobile. Les besoins
de raffinage pétrolier restent immenses, mais trop d'intérêts sont en jeu.
A suivre