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Une année de stabilisation politique difficile au Pérou sur fond de polarisation opposant les néo senderistes et les fujimoristes aux valeurs démocratiques

Publié le 08 février 2013 par Slal


Paris, janvier 2013
CHRONIQUE POLITIQUE DU PÉROU

UNE ANNÉE DE STABILISATION POLITIQUE DIFFICILE SUR FOND DE POLARISATION OPPOSANT LES NÉO SENDERISTES ET LES FUJIMORISTES AUX VALEURS DÉMOCRATIQUES

Mariella Villasante Cervello
Anthropologue (EHESS),
S'il est vrai que les premiers mois de l'année 2012 furent marqués par les conflits sociaux et par le traitement autoritaire du gouvernement du premier ministre, l'ex-militaire Oscar Valdés, force est de constater que le remplacement de celui-ci par le juriste Juan Jiménez, en juillet, a permis d'apaiser la situation d'affrontement et d'inaugurer dans le pays une nouvelle période, plus stable. Le dialogue social et le maintien de la croissance économique ont présidé la gestion du gouvernement actuel dont les priorités restent l'inclusion sociale et la lutte contre le néo senderisme dans ses deux versions, celle de la lutte armée proche des narcotrafiquants, et celle d'un mouvement politique dont les bases sont universitaires et qui revendique l'amnistie d'Abimael Guzmán. Ainsi, on peut dire qu'après une première année de flottements et de tâtonnements, le gouvernement d'Humala a commencé à mieux comprendre et affronter les problèmes urgents auxquels le pays est confronté depuis juillet 2012. Du reste, malgré les erreurs et les manquements, malgré l'inexistence d'un parti politique capable de soutenir les actions gouvernementales, et l'importance accordée aux technocrates démunis de bases sociales, on peut dire que les conditions d'administration politique se sont améliorées par rapport aux gouvernements précédents ; c'est ce qui explique le pourcentage important en faveur du président Humala (51%) et de son épouse Nadine Heredia (66%).

Une année de stabilisation politique difficile au Pérou sur fond de polarisation opposant les néo senderistes et les fujimoristes aux valeurs démocratiques

Le président Humala et son épouse Nadine Heredia. La República du 16 décembre
Le contexte économique actuel est très favorable au Pérou, qui a connu une croissance de 6,2% durant les six derniers mois, grâce à la hausse de la demande interne et des investissements, notamment dans le secteur minier. Les exportations agricoles ont augmenté considérablement par rapport à 2011, notamment le raisin (plus 152%) et la quinoa (plus 27%), mais aussi l'avocat, l'olive, l'asperge, le riz et la pomme de terre. Le Traité de libre commerce avec l'Union européenne a été approuvé par le Congrès et il devra entrer en application en mars 2013, ce qui permettra d'augmenter les exportations agricoles autour de 500 millions de dollars à moyen terme. Les investissements pour assurer la consommation massive de gaz naturel ont été approuvés par le Congrès en décembre. Celui-ci a déclaré « projet d'intérêt national » le développement du Gasoducto Sur Peruano, qui impose un investissement de mille millions de dollars dans sa première phase et de huit cent millions de dollars dans sa seconde phase (La República du 31 décembre).

Les conflits sociaux associés aux extractions minières ont diminué, sans toutefois remettre en question la dominance du modèle néolibéral adopté par les gouvernements péruviens depuis les années 1990. Le rejet du projet Conga a été un succès pour la population de Cajamarca ; il a été stoppé en raison de l'opposition massive des habitants de la région qui ont pris conscience de l'importance de la défense de l'environnement, mais d'autres projets suivent leur cours et la tendance sera renforcée à moyen terme. En effet, en 2014, on prévoit l'exploitation de mines de cuivre à Antapaccay et Constancia (Cusco), Santander (Lima), Toromocho (Junín), Las Bambas (Apurímac) et Quellaveco (Moquegua). On doit donc espérer que les conflits sociaux à venir, inéluctablement, seront traités avec compétence, dans le respect des droits des collectivités locales encadrés par la Loi de concertation préalable et dans un nouveau cadre de responsabilité sociale des entreprises nationales et étrangères. Vladimiro Huaroc, chef du Bureau du dialogue national de la présidence du conseil des ministres, a soutenu récemment que les entreprises doivent modifier leurs relations avec les populations rurales, pauvres mais organisées en réseaux pour défendre leurs ressources, et que ces mêmes populations doivent tirer profit des investissements sur leurs territoires. Or, la plupart des conflits sociaux et des tensions actuelles sont associés aux industries extractives (pétrole, gaz, bois), raison pour laquelle ce sont les relations entre l'État, les communautés et les entreprises qui doivent être améliorées (El Comercio du 31 décembre).

Les investissements ont augmenté pour la troisième année consécutive, passant de 7 600 millions de dollars en 2011 à plus de 10 000 millions de dollars en 2012. L'arrivée de capitaux spéculatifs a cependant fait baisser le taux de change du dollar (actuellement 2,5 soles pour un dollar), et l'on estime que la tendance s'approfondira cette année (El Comercio du 31 décembre). Ainsi, l'État n'est plus évalué pour sa gestion de ressources rares mais pour sa capacité à s'occuper des urgences nationales (La República du 31 décembre).
Il reste que même si ces indicateurs exceptionnels en temps de crise internationale représentent une source de stabilité et de confiance, on ne saurait oublier qu'une évolution négative de la crise aux États-Unis et dans le reste du monde aurait des retombées importantes au Pérou. Pour 2013, la croissance est estimée à 6%, ce qui permet de prévoir un budget national qui est le double de celui de 2006 et de 13,5% supérieur à celui de 2012. Les programmes d'inclusion sociale verront leur budget augmenter de 67%, les programmes de Défense et du ministère de l'Intérieur de 20%, et le budget du programme de prévention de désastres naturels sera multiplié par 5 (Tanaka, La República du 30 décembre). Si les prévisions se confirment, et si le pays ne connaît pas de nouveaux problèmes, il est possible d'imaginer l'opportunité d'entreprendre des réformes institutionnelles urgentes et des programmes sociaux plus ambitieux.

De fait, depuis la transition vers la démocratie réalisée en novembre 2000, avec le gouvernement de Valentín Paniagua, les gouvernements d'Alejandro Toledo, d'Alan García et maintenant d'Ollanta Humala ne se sont pas vraiment préoccupés de reconstruire un système démocratique qui fait défaut dans le pays depuis quarante ans. Rappelons en effet que les militaires ont gouverné le pays entre 1968 et 1980, que le président Belaunde attribua les pleins pouvoirs aux militaires dans la lutte anti subversive en décembre 1982, et que ceux-ci les ont conservés jusqu'en 2000. Souvenons-nous aussi qu'Alberto Fujimori a imposé un gouvernement autoritaire et corrompu entre avril 1992 et novembre 2000. On voit bien que depuis une quarantaine d'années, le Pérou a été plus ou moins contrôlé par les militaires, et que, dans ce processus aggravé par la corruption, par le trafic de drogue et par la violence senderiste, les partis politiques ont fini par disparaître. Toledo et García ont gouverné sans parti et en s'appuyant sur des technocrates ; il en va de même du gouvernement actuel. Après le retour à la démocratie formelle, en novembre 2000, aucun gouvernement n'a adopté les recommandations de la Commission pour la vérité et la réconciliation (CVR) pour réformer l'État et ses institutions, et réaliser une véritable démocratie respectueuse des droits humains et des droits citoyens. Aucune campagne nationale n'a été entreprise afin de diffuser les résultats du Rapport final de la CVR, explicitant les crimes commis par les acteurs armés (militaires, subversifs et milices civiles) et les dangers des idéologies communistes et extrémistes. Des milliers de jeunes gens nés au cours de la guerre interne, ou pendant le gouvernement corrompu de Fujimori, ignorent tout de la violence extrême répandue dans le pays par le Parti communiste du Pérou, Sentier Lumineux (PCP-SL), et des manières autoritaires et mafieuses du dictateur Fujimori. Il en résulte une polarisation des idéologies extrémistes de gauche et de droite, déployée en toile de fond de l'ordre politique péruvien, mettant en danger la faible démocratie nationale. Les néo senderistes, qui revendiquent l'idéologie propagée par le pathétique Abimael Guzmán, ont fondé le Mouvement pour l'amnistie et les droits fondamentaux (MOVADEF), dont la demande d'inscription au registre électoral a été rejetée, mais qui se développe toujours dans le pays et à l'étranger. De leur côté, les fujimoristes, qui n'ont jamais cessé d'exister, ont lancé une campagne nationale pour l'amnistie de Fujimori « pour des raisons humanitaires » en septembre 2012. Une demande qui rejoint celle du MOVADEF qui prétend obtenir également la grâce présidentielle pour Guzmán.

D'autres faits ont marqué l'année 2012. La lutte militaire contre les attaques terroristes dans la région de la VRAEM et du Huallaga a été particulièrement forte et elle a provoqué la mort d'une vingtaine de soldats et d'un nombre indéterminé de terroristes. L'année avait bien commencé avec la capture, le 11 février, du terroriste « Artemio », Eleuterio Flores, chef des bandes armées du Huallaga et proche de Guzmán. Cependant, le groupe armé installé dans la VRAEM a consolidé ses positions et s'est étendu vers le sud, dans la province de La Convención, Cusco. Le manque d'expérience et d'équipement des militaires a été flagrant et des changements dans le commandement des zones déclarées en état d'urgence ont été effectués pour tenter de palier cette situation.

Dans le cadre de la lutte antisubversive, le pouvoir exécutif a procédé à plusieurs restructurations au cœur des hiérarchies militaires et de la police destinées à améliorer les compétences de ce secteur clé, un mouvement qui a entraîné des réactions sur la politisation des nouvelles nominations. Par ailleurs, après une campagne nationale très rapide, le projet de loi contre le négationnisme a été accepté par les commissions du Congrès chargées de son examen ; le chemin est donc ouvert pour son vote par les congressistes et sa promulgation à court terme. Cela étant posé, il reste beaucoup à faire dans le cadre des droits de l'homme : plusieurs civils ont été tués durant des manifestations à la suite d'un excès de violence policière, les réparations individuelles aux victimes de la violence n'ont pas été distribuées, et de nombreux dirigeants ont été poursuivis injustement par un pouvoir judiciaire douteux.

Sur le plan politique global, le Congrès a été durement critiqué pour sa lenteur à nommer les autorités indispensables au bon fonctionnement de l'administration étatique, dont le Défenseur du Peuple, six magistrats du Tribunal constitutionnel et trois directeurs de la Banque centrale de réserve. Il faut souligner que l'élection du Défenseur du peuple, dont le rôle est la défense des citoyens face aux erreurs de l'État ou des entités privées, est en attente depuis novembre 2010, date à laquelle Beatriz Merino cessa d'assumer son mandat ; en mars 2011, elle laissa son poste à son adjoint Eduardo Vega Luna, qui remplit depuis lors le rôle de Défenseur par intérim. Des organisations indigènes (AIDESEP, CORPI) et des ONG de défense des droits de l'homme (IDL, Servindi) ont exprimé leur préoccupation face à la probable nomination d'une personnalité apriste, Walter Gutiérrez Camacho, au poste de Défenseur. On lui reproche en effet son manque d'indépendance politique et sa mauvaise gestion de l'affaire de Bagua — une manifestation indigène contre la concession de leurs terres que le président García avait accordée aux entreprises pétrolières, et qui fut réprimée dans le sang le 5 juin 2009 ; on releva 34 morts, dont 24 policiers et 10 dirigeants amazoniens).
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Congrès péruvien, Archives La República

L'ancien président du Congrès, Henry Pease García, juge négativement les législatures de l'année 2012, et il trouve scandaleux qu'après 17 mois de travail les autorités élues n'aient toujours pas été nommées, et que le Congrès ait accepté une augmentation des frais de représentation des congressistes (qui sont passés de 7 600 à 15 200 soles). Un ancien congressiste, José Elice, considère que le Congrès doit retrouver ses fonctions d'assemblée représentative du peuple péruvien, au sein de laquelle les congressistes discutent et proposent des solutions sur les grands thèmes sociaux, dont la sécurité citoyenne, thème qui n'a pas été abordé au cours de la législature précédente. Un autre thème mal traité par le Congrès a été celui de l'éducation : formation des enseignants et études universitaires sont urgents pour améliorer la compétitivité du pays. Elice considère également que les problèmes du Congrès sont associés aux luttes entre groupes politiques qui tentent, chacun de leur côté, de placer leurs partisans aux postes clés, ce qui bloque les décisions indispensables au bon fonctionnement de l'administration (El Comercio du 30 décembre). De fait, en l'absence de partis politiques, les divisions entre les divers courants de gauche et de droite n'ont fait que compliquer davantage une situation déjà fortement problématique. Rappelons en effet que suite aux revirements vers la droite et à l'autoritarisme du gouvernement de Valdés (de décembre 2011 à juillet 2012), les congressistes progressistes et de gauche avaient abandonné la majorité présidentielle du Partido nacionalista pour se regrouper, au mois d'avril, autour de l'ancien Premier ministre Salomón Lerner Guittis dans le groupe Ciudadanos por el Cambio. En septembre, se créa un front plus large, Fuerza ciudadana, formé par des hommes politiques de gauche, des personnalités progressistes et des dirigeants syndicaux, dont l'objectif est de présenter une candidature aux élections présidentielles de 2016. En novembre, le président de la région de Cajamarca, Gregorio Santos, a annoncé la création du Movimiento de afirmación social (MAS), qui se donne comme tâche de construire un mouvement de gauche opposé au néo libéralisme. Certes, ces groupes qui s'organisent autour des revendications sociales présentées lors de la campagne présidentielle d'Humala sont très hétérogène, n'ont pas encore des dirigeants reconnus, ni une structure de parti sur le plan national ; ils représentent néanmoins, du moins pour le moment, la seule instance de contrepouvoir au gouvernement.
La réforme de l'éducation nationale a été également adoptée contre l'avis des syndicats d'enseignants qui refusaient sa mise en application. Le bilan du secteur de l'emploi a été positif avec l'augmentation du salaire minimum (750 soles), qui bénéficie à environ 630 000 personnes, dont 25 000 travaillent dans le secteur public et 605 000 dans le secteur privé [El Comercio du 31 décembre). Cependant, la loi générale du travail n'a pas encore été proposée au Congrès, et il en va de même d'une loi destinée à assurer la santé pour tous.

Dans un cadre de politique restreinte, le président a dû affronter les problèmes récurrents posés par sa famille — ses parents et son frère qui purge une peine en prison —, et utilisés sur la scène politique pour s'opposer à lui. D'autre part, les rumeurs constantes sur la possible candidature de son épouse, Nadine Heredia, aux élections présidentielles de 2016 sont revenues aussi régulièrement dans les médias avec l'objectif évident d'affaiblir la présidence actuelle. De fait, le rôle politique joué par la première dame paraît dérangeant alors qu'elle n'a pas été élue, et qu'elle ne dispose même pas d'un bureau indépendant ; elle affirme cependant n'avoir aucune ambition politique.
En outre, les dénonciations contre des personnalités politiques ont été fréquentes, souvent sans la moindre pertinence et à des fins de politique politicienne, notamment au Congrès (par exemple contre Javier Diez Canseco qui a été exclu pendant 90 jours suite à des dénonciations de fujimoristes), au sein du gouvernement (les ministres de Défense et de l'Intérieur ont été changés en avril), et à l'encontre de la maire progressiste de Lima, Susana Villarán. Des groupes de pression politique et d'affaires s'opposent en effet à sa gestion et surtout aux réformes du transport public qu'elle a entreprises depuis 2011, et ils ont obtenu, de manière surprenante, que le Jury national des élections (JNE) organise un référendum pour la confirmer ou la révoquer au poste de maire de Lima, le 17 mars 2013.

Sur le plan international, l'exposé de la demande de révision des limites maritimes entre le Pérou et le Chili à la Cour de La Haye, a occupé une partie essentielle de la scène politique les derniers mois de l'année passée. La sentence sera connue au cours du premier semestre 2013. Le Pérou a renforcé sa position internationale, concrétisant la volonté du président de placer le pays dans une position d'avant-garde au niveau sud-américain et international. Humala a effectué pour cela un nombre important de visites d'État en Europe, en Asie et en Amérique Latine. Il a rencontré le président Hollande lors de sa visite en France les 14-16 novembre, avec comme objectif central de son voyage la promotion de la bonne santé économique du pays et la volonté d'attirer des investisseurs. Il s'est rendu ensuite en Espagne où il a participé au 22e Sommet ibéro-américain qui tente de réactiver les échanges entre les deux espaces économiques (Le Monde du 18-19 novembre). En outre, le Pérou a accueilli deux conférences internationales, celle des pays de l'Amérique du Sud et des Pays arabes (ASPA), en octobre, et celle de l'Union des pays sud-américains (UNASUR), en décembre.

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Humala et Hollande, Archives La República, novembre 2012

On doit rappeler que Fernando Lugo, président du Paraguay et président de l'UNASUR, a été destitué de son poste par le congrès paraguayen le 22 juin dernier, ce qui provoqua l'exclusion du Paraguay de l'UNASUR. Le Pérou prit alors la présidence de l'UNASUR et, lors de la réunion de Lima, plusieurs projets ont été annoncés : la création d'un conseil de sécurité, d'un institut de santé et d'un centre d'études en matière de défense. On a également progressé dans la création de la future citoyenneté sud-américaine en facilitant les séjours et la demande de résidence des citoyens de la région. Cependant, comme le note Diez Canseco (La República du 3 décembre), le sommet de Lima a souligné la persistance de problèmes de fond. Les problèmes de limites de frontières (Chili et Pérou en cours, Nicaragua et Colombie qui refusent le jugement de la Cour de La Haye, les revendications de la Bolivie en matière de sortie à la mer), et l'impasse de la situation au Paraguay qui refuse que l'UNASUR envoie une mission d'observation lors des élections du 15 août 2013. Il n'y a pas non plus d'accord sur la protection ou non des marchés internes face aux traités de libre commerce signés par le Pérou, le Chili et la Colombie. Le projet de création d'un système bancaire unifié, avec une monnaie unique n'a pas avancé, et il en va de même de la création d'un Conseil de Défense sud-américain indépendant des États-Unis. Les relations entre le Brésil et le Pérou se sont par ailleurs refroidies après le choix péruvien d'acheter des avions coréens à la place des Tucanos brésiliens ; de plus, le Pérou a refusé d'élargir le délai pour l'exploration de gaz par l'entreprise Petrobras dans la zone du Camisea. Ainsi, Dilma Roussef n'est pas venue à Lima pour le sommet, non plus que Cristina Fernández, Evo Morales ou Hugo Chávez [le Venezuela est entré à l'UNASUR le 31 juillet 2012]. Ces absences ont diminué l'importance du sommet et laissent supposer que les Brésiliens et d'autres sud-américains sont prêts à considérer que le Pérou privilégie désormais l'Alliance du Pacifique (Mexique, Colombie, Pérou, Chili et États-Unis) au détriment de l'UNASUR.

Enfin, le Pérou a reçu une distinction internationale (Forbes) comme première destination gastronomique du monde, et tout le monde s'en félicite ; il en va de même pour la réédition, en janvier, de la course « Paris-Dakar » qui suit depuis 2012 un itinéraire Pérou-Chili-Argentine [après la mort de 4 Français des mains de terroristes d'AQMI en Mauritanie]. Cette course fait mieux connaître le pays dans le monde, ce qui remplit de fierté les Péruviens.

Ainsi, malgré les problèmes présents et futurs, la nouvelle conjoncture fait sortir le pays du cadre morose des années précédentes, et contribue à l'optimisme avec lequel la majorité des Péruviens entament l'année 2013.

La lutte contre la subversion continue : la branche armée et la branche idéologique du terrorisme senderiste
La capture du dirigeant senderiste du Huallaga, « Artemio », en février 2012 a été fondamentale pour lancer la première phase de la lutte contre la subversion du gouvernement d'Humala. Un autre point positif a été la rapidité avec laquelle le pouvoir judiciaire a commencé le procès contre Eleuterio Flores au mois de novembre dernier. Le Ministère public a demandé la perpétuité et le payement de 10 mille millions de soles à l'État. Il a été formellement accusé d'attentats, d'assassinats sélectifs (131 morts, dont 32 civils), de trafic de drogue et de violences sexuelles sur mineurs. Selon les témoignages recueillis par le Procureur Luis Landa Burgos, en 1986, Abimael Guzmán, chef du PCP-SL, demanda à Eleuterio Flores de contacter les narcotrafiquants du Huallaga et d'exiger des quotes-parts pour financer leurs activités terroristes. Les liens avec les narcotrafiquants ont été aussi dénoncés par le dirigeant senderiste « Feliciano », Oscar Ramírez Durand [qui purge une peine de prison de 25 ans] ; il a déclaré que « Artemio » apportait de l'argent liquide directement à Guzmán. [Voir la Chronique politique du Pérou, mai 2012]. Le nombre de témoins dans ce procès est assez important, le Ministère public dispose d'environ 80 personnes, parmi lesquelles se trouvent des collaborateurs de la Police, des terroristes repentis et des narcotrafiquants, dont Walberto Espinoza Pajuelo, « Chocolate », considéré comme l'une des pièces clés de l'organisation de Flores. Lors de ses comparutions devant les juges, dans la base navale du Callao où il est emprisonné, Flores a nié tout lien avec les narcotrafiquants et n'a reconnu que les attentats et les assassinats sélectifs [La República du 1er novembre 2012). Les sessions publiques du procès ont commencé le 26 décembre, mais Flores a refusé de répondre aux questions des juges, la séance du 28 décembre dû également être suspendue à cause de son silence. Les juges ont déclaré que cela n'affecte en rien le procès, si ce n'est qu'il sera plus rapide et la sentence pourra intervenir dans les 90 jours qui suivront la dernière séance ; la prochaine est prévue pour le 9 janvier 2013 (El Comercio du 27 décembre).
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« Artemio », La República, novembre 2012
Ces résultats positifs sont cependant nuancés par la permanence des cartels de la drogue dans la région du Huallaga. En effet, l'ancien ministre de la Défense Roberto Chiabra a déclaré que les forces armées devraient tenir compte du fait que la priorité ne se réduit pas à la capture des dirigeants senderistes mais qu'elle inclut le démantèlement des cartels qui opèrent dans le pays. Au Huallaga, les laboratoires et les routes d'entrée et de sortie de cocaïne sont restés en place et restent contrôlés par les organisations criminelles. L'ancien ministre de l'Intérieur Octavio Salazar a affirmé que les frères Quispe Palomino, dirigeants de la faction senderiste de la VRAEM, ont envoyé le dirigeant « Hector » et 26 senderistes dans la région du Monzón pour prendre possession des activités laissées par « Artemio ». Des nouvelles « bases de apoyo » seraient ainsi en train d'être créées dans le Huallaga avec comme objectif le contrôle de la population et de la chaîne du trafic de drogue (El Comercio du 31 décembre).

Les affrontements continuent dans la région de la VRAEM
Dans la région de la Vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro (VRAEM), les affrontements entre les forces de l'ordre et les senderistes du clan des frères Quispe Palomino ont été très importants au long de l'année 2012. Les stratégies employées par les militaires et par les Sinchis (corps spécial de la police anti subversive) n'étaient pas à la hauteur de la menace représentée par les francs-tireurs et les habiles embuscades tendues contre eux. Le manque d'équipements adéquats ainsi que la pauvreté des moyens logistiques, y compris la nourriture, ont été aussi flagrants. De plus, les activités terroristes se sont considérablement étendues vers le département du Cusco ; c'est dans la province de La Convención, à Kepashiato, qu'a eu lieu la prise d'otages de 36 ouvriers le 9 avril, et que 8 militaires trouvèrent la mort au cours des opérations menées pour les libérer. Ce fiasco coûta leurs postes aux ministres de Défense et de l'Intérieur [voir la Chronique politique du mois de mai]. Au total, 24 agents des forces de l'ordre, et un nombre indéterminé de terroristes et de civils, trouvèrent la mort durant l'année 2012. L'analyste Rubén Vargas a déclaré que le gouvernement n'a pas de stratégie correcte pour affronter l'avancée du terrorisme et du trafic des drogues dans la VRAEM, et dans les régions de Cusco et de Jauja (Junín), et qu'il faudrait reprendre celle qui fut appliquée dans le Huallaga par la police en s'appuyant sur des travaux de renseignements. Il considère que l'avancée senderiste dans ces zones menace la région de la vallée du Camisea, cœur énergétique du pays, qui produit 40% de l'énergie actuelle et qui est en train d'être mise en valeur pour augmenter encore la production de gaz (El Comercio du 31 décembre 2012). En effet, le Camisea a été attaqué à six reprises en 2012 (9 avril, 14 avril, 29 mai, 6 juin, 26 septembre) ; et le 7 octobre une colonne senderiste a incendié trois hélicoptères à Kiteni, ce qui a provoqué le départ d'environ 500 ingénieurs, techniciens et ouvriers des entreprises de la zone (La República du 11 octobre).

Cela étant posé, il semble que le gouvernement ait pris conscience des faiblesses de son organisation anti-terroriste, et qu'il ait adopté des mesures qui devraient renverser la situation. En effet, en octobre a été créée une Brigade spéciale anti-terroriste de la Police destinée à la capture des dirigeants senderistes de la VRAEM. Entre juillet et septembre, elle a mené quatre actions au cours desquelles elle a capturé 12 terroristes, récupéré 11 enfants-soldats, démantelé 3 campements et tué le dirigeant « William », Víctor Castro Ramírez, numéro quatre dans l'organisation terroriste. [Voir la Note du mois de juillet 2012]. Cette Brigade d'élite est une version nouvelle du Groupe spécial de renseignements (GEIN) qui captura Abimael Guzmán le 12 septembre 1992. Ses bases se trouvent à Pichari (Cusco) et à Mazamari (Satipo, Junín), base centrale des Sinchis (Angel Páez, La República du 15 octobre 2012). De son côté, le 27 novembre, un groupe de renseignements de l'Armée basé à Pichari a capturé quatre senderistes, dont le dirigeant « Willy », Freddy Leandro Candia, aux ordres du sanguinaire « Alipio », Orlando Borda Casafranca. La capture a été réalisée sur la route Pichihuillca-San Agustín (San Miguel, La Mar, Ayacucho) (La República du 27 novembre 2012).
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Senderistes capturés dans la forêt d'Ayacucho
Les Forces armées ont également avancé dans l'identification des dirigeants senderistes de la VRAEM. Selon un rapport de novembre, il y aurait 130 senderistes identifiés et 5 chefs principaux (Víctor Quispe Palomino, « José » ; Jorge Quispe Palomino « Raúl » ; Carlos Quispe Palomino « Gabriel » ; « Alipio », Orlando Borda Casafranca ; et Tarcela Luya Quispe, « Valia », « Silvia » ou « Rita », inconnue jusque là). Le rapport identifie également 55 combattants hommes, 56 combattantes femmes, et une « masse captive » composée de 13 femmes et de 45 enfants. En outre, le chef du commandement des forces armées, l'Amiral José Cueto, a annoncé la construction de 30 nouvelles bases militaires dont les 10 premières seront situées à La Convención (Cusco) (Caretas du 28 novembre). Par ailleurs, on a appris en novembre que l'Armée avait acheté en secret des armes et des équipements pour la VRAEM pour un montant d'environ 5,8 millions de dollars, et des camions de transport de soldats shaanxy à la Chine pour une valeur de 948 000 dollars. Le ministre de Défense, Pedro Cateriano, a justifié ces achats placés sous secret défense (Décret suprême n° 205-2010-EF) en affirmant que cela favorisera l'équipement rapide des forces de l'ordre dans leur lutte contre le terrorisme. Il a rappelé également que des achats militaires furent entachés de corruption durant le régime de Fujimori, mais que cela n'arriverait pas avec le gouvernement actuel car l'entité responsable de contrôler les acquisitions de l'État, la Contraloría general de la República, sera chargée d'exercer sa surveillance. Or, comme le signale la journaliste María Elena Hidalgo, des achats secrets et des rations de combat viciés ont été effectués en 2009 et en 2010, durant le gouvernement de García. Cela dit, le directeur de la Contraloría, Genaro Matute, a déclaré que son bureau procédera aux contrôles de rigueur car les achats « secrets » n'impliquent pas qu'ils n'y soient pas soumis comme tout autre achat public (La República du 2 novembre).

Après un rapport de la Contraloría general de la República publié en décembre, et révélant les problèmes d'équipement de la Police dans la région de la VRAEM, le gouvernement a décidé d'investir 83 millions de soles pour l'année 2013. Ce budget servira à acquérir des équipements logistiques et de communication, des armes, et des rations alimentaires pour les régions de la VRAEM et du Huallaga. Les investissements commenceront par la construction et la restauration de commissariats, l'achat d'armes et d'uniformes. Ils concernent quatre commissariats à Ayacucho (Ayna, San Francisco, Tambo, Humanguilla et Huanta) ; trois commissariats à La Convención, Cusco (Kepashiato, Kiteni et Camisea), et la base du front de police du VRAEM de Pichari (Cusco) (Hidalgo, La República du 26 décembre). Il faut souligner que malgré les graves problèmes d'équipement que la police connaît depuis de longues années, le travail effectué est important. Ainsi, au cours de l'année 2012, la Direction de lutte contre le terrorisme (DIRCOTE), dirigée par le colonel Eduardo Solis, a capturé 232 terroristes, dont le dernier est l'ancien dirigeant senderiste Hugo Felipe Loayza Gonzales, « Yuri », qui s'était évadé de la prison San Fermín de Huancavelica le 10 octobre 1992. Il était responsable d'une embuscade tendue le 23 octobre 1989 à Huancavelica, et qui s'était soldée par la mort de 14 militaires. On lui attribue également l'assassinat sélectif de 10 autorités de Huancavelica entre le 4 juin 1990 et le 5 octobre 1995. Loayza a été capturé à Lima le 7 novembre 2012 (La República du 8 novembre).

Le MOVADEF et la menace persistante de l'intoxication neo senderiste
Le Mouvement pour l'amnistie et les droits fondamentaux (MOVADEF) est un groupe politique informel qui se revendique de la « pensée Gonzalo », nie les crimes commis par le PCP-SL durant la guerre interne et prétend obtenir l'amnistie pour Guzmán et pour les dirigeants senderistes. En janvier 2012, ses membres ont essayé de devenir un parti légal auprès du Jury national des élections, qui a rejeté la demande car leur idéologie prône la violence et reste incompatible avec les valeurs démocratiques [voir les Chroniques de janvier et d'octobre 2012]. Le groupe est apparu sur la scène publique en 2009, cependant l'on sait maintenant que c'est Guzmán lui-même qui fonda le MOVADEF après sa capture, et le discours qu'il improvisa le 24 septembre 1992 annonçait les contours de la « nouvelle étape » du PCP-SL. Lors de sa présentation publique, habillé avec une tenue de prisonnier rayé, Guzmán déclara : « Camarades, certains pensent que [ceci] est un échec. Mais nous leur disons aujourd'hui que ce n'est qu'une étape du chemin, rien d'autre ! (…) Nous passerons des temps de guerre à des temps de paix, mais sans laisser la lutte, en la changeant selon les [nouvelles] modalités concrètes…jusqu'à atteindre les conditions politiques et militaires pour recommencer la guerre populaire. » (La República du 18 novembre).
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Guzmán lors de sa présentation publique, le 24 septembre 1992

Les actions du MOVADEF ont été au devant de la scène politique du pays durant le mois de novembre, soulevant des débats sur l'intégration du mouvement dans le cadre démocratique, ou son rejet complet et immédiat. La situation a beaucoup avancée depuis lors, et l'on s'achemine vers la mise à l'écart du mouvement par voie légale.

Le 2 novembre, les médias annoncèrent la nouvelle surprenante que l'ambassadeur du Pérou en Argentine, Nicolas Lynch, ancien ministre de l'Éducation et conseiller du président Humala, avait reçu des militants du MOVADEF à Buenos Aires ; ils lui avaient transmis une lettre demandant la légalisation du MOVADEF comme parti politique. Le fait fut jugé si grave que le gouvernement exigea la démission de l'ambassadeur, ce qu'il fit non sans s'expliquer longuement sur les véritables dessous de cette affaire. Lynch, professeur de sociologie et homme de gauche, qui faisait partie de l'équipe de conseillers du président Humala et qui devint ambassadeur en octobre 2011, a précisé qu'il avait reçu 9 militants du MOVADEF le 17 janvier 2012 et qu'il en avait informé la chancellerie, comme il est habituel dans ces cas. Le 11 mars, une radio argentine réalisa une interview dans laquelle Lynch précisait qu'il avait reçu la délégation du MOVADEF, comme d'autres délégations péruviennes (des groupes opposés à Conga par exemple), qui demandaient à le voir personnellement pour lui transmettre leurs requêtes à l'État péruvien. Tous ces faits étaient connus du ministère des relations extérieures. Or, abruptement, début novembre, l'enregistrement audio de l'entretien du mois de mars fut rendu public, précipitant le scandale diplomatique. D'après Lynch, cela relève d'une attaque menée par l'extrême droite fujimoriste qui a instrumentalisé sa réunion avec les militants du MOVADEF afin d'affaiblir la position du gouvernement péruvien dans le cadre des relations avec l'Argentine et l'UNASUR. Pour quelle raison ? Parce que le processus d'intégration régionale qui est en train d'être renforcé par le président Humala et la présidente Kichner, tous deux progressistes, dérange le modèle ultra libéral de la droite extrême. Le fait que Lynch soit un homme de gauche constituait aussi une aubaine pour le présenter comme pro senderiste, alors que son parcours professionnel et politique était sans tâche. D'après Lynch, dans cette affaire, c'est le gouvernement qui a fait preuve de faiblesse car au lieu de mettre les choses au point, il a préféré céder aux médias au service de l'extrême droite et renforcer l'argument mensonger d'un ambassadeur supposé avoir commis la faute grave d'entrer en relation avec un mouvement terroriste. Néanmoins, même si la position de l'ex-ambassadeur semble tout à fait honorable, on peut trouver qu'il a manqué de discernement en traitant des militants du MOVADEF comme n'importe quelle autre délégation péruvienne à l'étranger. La lenteur du gouvernement dans le contrôle de ces bases senderistes à l'étranger est aussi à déplorer car il a fallu le scandale de la démission de Lynch pour qu'on lance un mandat d'arrêt à l'encontre du principal dirigeant du MOVADEF en Argentine, Rolando Echarri (ex-prisonnier pour crime de terrorisme, qui est sous le coup de trois mandat d'arrêt au Pérou). Il a été arrêté par la police argentine le 12 décembre et il attend son extradition. [Voir http://www.larepublica.pe/03-11-2012/futuro-de-nicolas-lynch-es-incierto-por-recibir-movadef ; http://www.larepublica.pe/04-11-2012/nicolas-lynch-se-fue-negando-simpatia-por-sendero-luminoso ; http://www.larepublica.pe/05-11-2012/lynch-cuando-uno-recibe-una-carta-no-es-que-este-de-acuerdo-con-su-contenido].

Le MOVADEF a poursuivi ses activités publiques à Lima. Ainsi, le 6 novembre, une cinquantaine de militants du MOVADEF dirigés par l'avocat Carlos Gamero Quispe ont manifesté devant l'Institut national des prisons (INPE) pour dénoncer le régime spécial des prisonnières pour terrorisme de la Prison de femmes de Chorrillos, et demander le respect de leurs droits fondamentaux (La República du 6 novembre). Quelques jours plus tard, le 12 novembre, la DIRCOTE accusa l'avocat Alfredo Crespo d'apologie de terrorisme devant la Tercera Fiscalía penal supraprovincial de Lima, le rendant responsable de la transmission des directives données par Abimael Guzmán aux militants du MOVADEF (La República du 12 novembre).
Une année de stabilisation politique difficile au Pérou sur fond de polarisation opposant les néo senderistes et les fujimoristes aux valeurs démocratiques

Alfredo Crespo, dirigeant MOVADEF, La República

Le visage senderiste du MOVADEF est devenu une évidence. En effet, une enquête récente de la police anti-terroriste (DIRCOTE), menée durant 18 mois, a constaté que le MOVADEF est un organisme de façade du PCP-SL dont le noyau est formé par des terroristes libérés grâce aux démarches des avocats Alfredo Crespo et Manuel Fajardo, dirigeants du MOVADEF, par des proches des subversifs en prison, disparus ou morts, et par des jeunes recrues des universités publiques du pays (La República du 18 novembre). Les militants sont revenus sur la scène politique au mois de septembre pour « fêter » les vingt ans de la capture de Guzmán en organisant une réunion dans le village de Cora (Ayacucho). A cette occasion, Fajardo et Crespo ont déclaré que le PCP-SL était un « parti politique » avec une idéologie et un programme destinés à conquérir le pouvoir et à réaliser la « transformation révolutionnaire de la société » (Caretas du 20 septembre). Depuis lors, les activités du MOVADEF ont redoublé d'intensité dans les universités (San Marcos, Villareal, Universidad nacional del Callao, La Cantuta), où les militants ont organisé — à l'insu des autorités —des ateliers et des conférences pour attirer de nouvelles recrues. Le MOVADEF compterait actuellement 2 500 militants, répartis sur 13 bases à Lima, 9 comités régionaux (Junín, Ancash, Puno, Ayacucho, Arequipa, Apurímac, Tumbes, Lambayeque et Piura) et à 4 à l'étranger, en Argentine, au Chili, en Bolivie et en France, où le comité est dirigé par Alberto Ruíz Eldredge Goicochea
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Infographie des dirigeants du MOVADEF, La República

Le rapport de la DIRCOTE publié en novembre, fait état des liaisons existantes entre Guzmán, Elena Iparraguirre (« Miriam », ancienne numéro deux du PCP-SL), des dirigeants senderistes en prison et les avocats du MOVADEF qui se chargent en fait des transmissions des lettres. Lors des interventions dans la prison Castro Castro et la prison de femmes de Chorrillos, on a découvert des documents envoyés par Guzmán et Iparaguirre aux prisonniers, avec des consignes revendiquées par le MOVADEF. Parmi celles-ci, on citera : « Combattre pour la solution politique aux problèmes issus de la guerre, amnistie générale en vue d'une future réconciliation nationale, démocratisation de la société péruvienne, production nationale et travail pour le peuple, et fermeture de la prison militaire de la Base navale du Callao [où sont emprisonnés Guzmán et les principaux dirigeants senderistes, ainsi que Polay Campos et Vladimiro Montesinos, l'homme de main de Fujimori]. En outre, la relation étroite entre Guzmán et le MOVADEF a été rendue publique le 11 septembre 2010, lorsque Crespo, Fajardo et d'autres membres de cette organisation ont présenté le livre de Guzmán « De puño y letra », revendiquant les actions terroristes du fondateur du PCP-SL. Tous ces documents ont été présentés par la DIRCOTE au Ministère public au mois de novembre pour qu'il lance une procédure pénale (Doris Aguirre, La República du 18 novembre).

Dans ce contexte, le 20 novembre a eu lieu à Lima la première « Marche pour la paix » contre les agissements du MOVADEF, organisée par un collectif d'étudiants des universités de San Marcos, Villareal et La Cantuta, à laquelle participèrent près de 8 000 personnes, dont plusieurs personnalités politiques (Partido nacionalista, APRA, Perú posible, Partido socialista et Acción popular). Le recteur de l'Université de San Marcos, Pedro Cotillo, déclara qu'il allait coordonner des actions entre l'assemblée nationale de recteurs et le gouvernement pour mettre en œuvre une politique commune destinée à faire face à l'avancée du MOVADEF dans les universités.
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Marche pour la paix, contre MOVADEF. La República du 20 novembre


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