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Emprunts toxiques : Dexia condamnée ?

Publié le 13 février 2013 par Copeau @Contrepoints

Dexia condamnée pour ses emprunts toxiques ? La vérité semble plus nuancée.
Par Thibault Doidy de Kerguelen.

Siège de Dexia

Le TGI de Nanterre ramène les intérêts de trois emprunts aux taux légaux

Vous avez certainement lu dans la grande presse cette information reprise en cœur par les abonnés à une grande agence de presse : « La Seine St-Denis remporte une victoire » (Le Monde), « La Seine St-Denis l’emporte contre Dexia » (Le Point), qu’en est-il exactement ?

Tout d’abord, rappelons que le département de Seine St-Denis avait assigné Dexia au civil en février 2011 à propos de 11 emprunts toxiques, souscrits à l’époque de la majorité communiste. Cette assignation est intervenue après que la banque ait refusé de renégocier les emprunts concernés. Le jugement qui vient d’être rendu ne concerne que trois d’entre eux.

Pour ces trois emprunts, le Tribunal de grande instance de Nanterre a annulé les taux d’intérêts prévus contractuellement et les a remplacés par le taux d’intérêt légal en vigueur. Contrairement aux cris et aux chants de victoire des élus du 93 et de leurs avocats, complaisamment relayés par la grande presse, il ne s’agit pas d’un jugement sur le fond, mais d’une décision prise sur la forme.

En effet, le Tribunal de grande instance de Nanterre a estimé que les télécopies qui ont précédé la signature des contrats définitifs pouvaient être qualifiées de « contrat de prêt » et que l’absence de mention du Taux Effectif Global (TEG) dans ces télécopies entraînait l’application du taux d’intérêt légal.

Un jugement en demi-teinte alors que s’exerçait la pression des médias et des politiques

Les juges donnent clairement l’impression de s’être engouffrés dans ce qui peut sembler une faille formelle afin de donner satisfaction aux politiques, alors que sur le fond, le dossier était juridiquement inattaquable. Rien ne permet donc d’affirmer, comme certains, que cette décision permettra à des dizaines de collectivités de gagner à leur tour si elles saisissent les tribunaux. Outre que les demandes du Conseil Général portaient sur 11 emprunts et seuls trois sont concernés par le jugement, le département réclamait que les taux de la banque Dexia soient déclarés usuraires et, par voie de conséquence, que les emprunts soient annulés et, cerise sur la gâteau, que lui soit versé par la banque des dommages et intérêts. Rien de tout cela ne lui a été accordé par le tribunal et le Conseil Général se voit au contraire contraint de reprendre sine die le remboursement de l’intégralité de ses emprunts, trois au taux légal (ce qui constitue tout de même une belle économie) et huit aux taux réclamés par Dexia.

Cette affaire appelle quelques réflexions

Tout d’abord le principe d’irresponsabilité qui prévaut décidément de plus en plus souvent, pour ne pas dire de manière constante chez les élus politiques de France. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, les collectivités locales, en particulier les gros départements comme la Seine St-Denis, un des plus riches de France, disposent d’équipes et de conseillers très bien formés qui sont tout à fait capables de déchiffrer un contrat d’emprunt et qui savent pertinemment en tirer les tenants et les aboutissants. Venir dire, quelques années après, parce que la conjoncture a tourné en leur défaveur, qu’ils ont été trompés est un mensonge. Ils ont souscrit en toute connaissance de cause. Mais, d’une part, les commerciaux de chez Dexia avaient des arguments auxquels peu d’élus restent insensibles et d’autre part le réflexe du « après le déluge » est presque un réflexe conditionné chez les élus de la république. De faibles taux pendant que je suis élu qui risquent d’enfler une fois que je serai parti, c’est plutôt vu comme une bonne affaire par la majorité des élus.

Ensuite, que dire des collectivités qui ne sont pas du tout perdantes au jeu des taux d’intérêts indexés sur des indices ou des paniers de valeurs ou de monnaies ? Voici une carte de France des collectivités qui ont souscrit ce type d’emprunt auprès de Dexia. Est-ce que celles qui s’en tirent plutôt bien devront payer pour les autres ? Va-t-on les obliger à payer plus parce que celles qui ont choisi de mauvaises options bénéficieraient de dégrèvements ? Après tout, l’idéologie de l’égalité ne voudrait-elle pas que toutes les collectivités paient le même taux ?

Enfin, voyons en face de qui il s’agit. Dexia est moribonde et ne survit que par les aides des États français et belge. Ce sont 5,5Md€ (dont 2,6 rien que pour la France) que les deux États ont versé en novembre 2012 à l’ex banque franco luxembourgo belge. Et tout laisse à penser qu’il va falloir repasser au pot en 2013. C’est-à-dire que toute « victoire » d’une collectivité locale française ne fait qu’accroître le déficit de la banque (publique…) et donc accroître la part d’impôt que les contribuables français et belges devront verser à l’établissement. Autrement dit, ce que les contribuables des départements mal gérés croiront avoir économisé sera en fait répartis sur l’ensemble des contribuables. Une « sacrée victoire », n’est-ce pas ?

Il serait temps que les élus assument leurs responsabilités. Si les collectivités estiment avoir été flouées par des engagements trop importants mais néanmoins légaux, qu’elles se retournent contre les responsables, les vrais, ceux qui ont souscrit, les élus signataires. Mais qu’ils cessent d’agir en irresponsables et de reporter en permanence le coût de leur mauvaise gestion sur les contribuables…

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