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Procrastinocratie

Publié le 13 février 2013 par Virtuosemarket @virtuosemarket

Article invité rédigé par Alexandre Philippe du blog C’Éclair.

Avez-vous déjà entendu parler de la procrastination ?

Vous savez : cette manie qui consiste à tout remettre au lendemain.

D’après les experts, la procrastination toucherait 90% des étudiants et 20% des Américains avouent en souffrir de manière chronique.

Pire : la procrastination gagnerait du terrain. Car nous avons de plus en plus de mal à nous discipliner devant la prolifération des distractions modernes :

  • médias sociaux
  • jeux vidéos
  • wikipédia

Autant de délices bien plus appétissants que de rester concentré sur sa tâche !

Le terme « procrastination », encore inconnu en France il y a quelques années est devenu le symbole de l’action « molle ». Le procrastinateur est impitoyablement accusé de fuir ses responsabilités.

François Hollande en a fait les frais récemment, lui qu’on traitait de maître en procrastination en septembre 2012 devant le manque d’empressement dont il faisait preuve pour trouver des solutions à la crise.

Pourtant une question subsiste : peut-on considérer la procrastination comme une vertu plutôt qu’un vice ?

argancel, alexandre philippe, céclair

Arrêtez de procrastiner

Procrasti-Nation

Si Procrasti-Nation était le pays de tous les procrastinateurs, alors l’élite de ce pays, j’ai nommé : « le procrastinocrate » serait l’ambassadeur le plus distingué de la Culture Procrastinatrice.

Vous avez forcément déjà croisé un procrastinocrate sur le web, au détour d’un article sur la procrastination, occupé à répondre fièrement à l’auteur : « Je le ferai demain »  (et toc !)

Si vous parlez procrastination avec un procrastinocrate, il ne manquera pas d’idées pour justifier cette noble activité :

  • J’ai besoin de temps pour mûrir mes idées
  • Je travaille mieux sous pression
  • Je suis un explorateur, j’ai besoin de diversité !

Aussi, les savants de cette fière nation ont tôt fait d’élaborer des théories prouvant que la procrastination était en réalité une vertu.

Revenons sur les derniers coups d’éclat de ce mouvement…

La procrastination active

En 2005 Jin N. Choi et Angela H. Chun Chu publient un papier scientifique vantant les mérites de ce qu’ils appellent la procrastination active :

“Alors que les procrastinateurs passifs sont paralysés par l’indécision et n’arrivent pas à rendre leur travail dans les temps, les procrastinateurs actifs sont un type de procrastinateur positif. Ils préfèrent travailler sous pression, et ils prennent la décision délibérée de procrastiner. »

En 2009, ils publient même une échelle destinée à identifier les procrastinateurs actifs.

Wait : l’art de la procrastination utile

Ensuite il y a ce livre : Wait : l’Art de la Procrastination Utile.  Selon l’auteur : Frank Partnoy, nous prenons nos décisions trop vite, alors que nous devrions profiter du temps disponible pour trouver la meilleure décision.

Frank prend l’exemple des joueurs de tennis. Selon des recherches, le principal secret des joueurs professionnels à succès est de se donner davantage de temps pour analyser la trajectoire de la balle, chose qu’ils peuvent se permettre car leur maîtrise physique leur permet de frapper au dernier moment. Grâce à cette stratégie, ils frappent la balle efficacement pour décrocher la victoire.

Frank nous conseille donc d’attendre le temps maximum acceptable avant de passer à l’action. Si l’on a une seconde pour réagir, il faudrait attendre pendant neuf dixième de seconde, si l’on a une semaine, on devrait attendre le dernier jour pour se mettre au travail.

La procrastination structurée

Enfin, le philosophe John Perry a sorti en septembre dernier un livre intitulé : La procrastination : L’art de reporter au lendemain.

Dans ce livre, John reprend les idées d’un de ses essais les plus populaires où il introduisait sur un ton humoristique la notion de Procrastination Structurée. Cette stratégie consiste à se motiver grâce à la procrastination.

Lorsque nous repoussons une tâche importante, c’est généralement pour s’adonner à d’autres activités. John propose d’utiliser ce temps de procrastination comme motivation pour venir à bout d’autres tâches : des tâches à faire mais un peu moins importantes que la tâche qu’on repousse.

Seulement voilà, comment vient-on à bout de la tâche qu’on repousse ? John ne semble pas s’en inquiéter puisque selon lui, beaucoup de tâches qui nous semblent importantes ne sont finalement pas si importantes.

En clair, il s’agit donc de se persuader qu’une tâche est importante alors qu’elle ne l’est pas…

C’est sans doute pour cela que cette idée a valu à John Perry le prix Ig Noble de littérature en 2011 !

Les illusions de la procrastination

Malgré toutes leurs subtilités, ces tentatives de justifier la procrastination ne me satisfont pas. Pourquoi ?

Tout d’abord, en ce qui concerne la procrastination active, la recherche prouve que nous ne travaillons pas plus efficacement sous pression. Donc même si c’est une excuse courante, profiter des dernières heures allouées pour terminer un devoir n’est pas plus efficace que de commencer bien à l’avance.

Ensuite, comprenons bien que tout délai n’est pas de la procrastination. Reporter une date limite est une activité courante lorsqu’on organise son planning. Parfois nous n’avons pas une idée claire de la charge de travail et des imprévus qui vont survenir. Donc le délai peut être justifié pour corriger un planning trop optimiste. Par contre, lorsqu’on repousse de manière irrationnelle (sans raison valable), là on peut parler de procrastination.

Enfin, je ne suis pas partisan des stratégies d’auto-manipulation telles que la procrastination structurée. Vouloir utiliser la ruse pour se piéger me semble contre-productif car cela donne une image négative de soi-même. Même si cela marche pendant quelque temps, il ne s’agit que d’une stratégie à court terme. Car vous connaissez la maxime : chassez le naturel, il revient au galop !

La procrastination : fléau ou vertu ?

Même si je ne suis pas de l’avis des partisans de la procrastination, je reconnais que la procrastination est un penchant naturel indissociable de l’homme.

Après tout, nous ne sommes pas des robots. Nous sommes des êtres de chair et de sang sensibles aux émotions. Et en tant que tels, nous avons besoin parfois de souffler et de satisfaire à nos envies.

La procrastination peut aussi être utile lorsqu’elle fait office de radar pour se rendre compte que nos tâches ne nous inspirent plus et qu’il est temps de prendre le large.

Cela dit, lorsque la procrastination se reproduit trop fréquemment, elle devient une habitude handicapante aux effets catastrophiques :

  • carrière ruinée
  • échec scolaire
  • retraite compromise
  • perte de données (blogueurs, vous avez de quoi je parle !)
  • maladies incurables (dépistage tardif du cancer)
  • projets personnels avortés
  • etc.

Si vous êtes dans ce cas, je vous encourage à prendre des mesures pour encadrer votre penchant pour la procrastination. C’est d’ailleurs la mission que je me suis donnée dans mon nouveau projet d’écriture : Agir pour de bon (cliquez !)

Petit exercice de déprocrastination

Pour commencer sur de bonnes bases, je vais vous donner un conseil tout simple : lorsque vous éprouvez une résistance pour une tâche, ignorez votre instinct et commencez, tout simplement. Vous verrez que cette résistance ne tardera pas à s’évaporer lorsque vous serez dans le bain.

D’ailleurs on va le faire tous ensemble tout de suite : pensez à une tâche que vous repoussez depuis des lustres, et voyez ce que vous pouvez faire MAINTENANT pour commencer à la réaliser.

Vous m’en direz des nouvelles :)

Article invité rédigé par Alexandre Philippe du blog C’Éclair.

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