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Réforme bancaire, le débat continue dans la douleur

Publié le 15 février 2013 par Juan
Réforme bancaire, le débat continue dans la douleur La réforme bancaire est au Parlement. Deux trois jours, les députés en débattent, après le vote de la loi sur le mariage pour tous. Le ministre des finances a commencé par nous énerver, en déclarant, pour sa première journée de débat avec les députés: "en régulant la finance, j’ai le sentiment d’être dans mon rôle de ministre de l’économie et des finances".
Déminage
On a pu lire combien le gouvernement tentait de "déminer" le sujet auprès de sa propre majorité parlementaire. Dans une tribune publiée dans Libération, quelques éminents signataires revendiquent leur soutien au texte tout en reconnaissant qu'il n'est qu'une "première étape". Sans régulation européenne plus ample, cette loi sera insuffisante. Un député UMP s'est empressé, mercredi dans l'hémicycle, de s'inquiéter des "distorsions de concurrence entre notre système bancaire et les systèmes bancaires étrangers, et notamment européens." A l'inverse, l'un de ses collègue, Yves Censi, fustigeait l'insuffisance de la séparation des activités bancaires. Le dit député sert la même critique que les plus critiques du Front de gauche: "vous voulez séparer les activités de détail et les activités de marché, mais c’est une séparation a minima, truffée d’exceptions, qui portera sur à peine 1% des activités bancaires. Est-ce cela que vous appelez un projet ambitieux ?" Mais on peine à comprendre l'argument quand il ajoute quelques instants plus tard: "à l’heure où nos banques doivent s’adapter à une série de réglementations lourdes, notamment Bâle III, ce texte risque de leur apporter un certain nombre de contraintes supplémentaires." Pauvre homme...
Que pouvions nous comprendre ? Cette loi était-elle "trop" ou "pas assez" ?
Le point de désaccord, à gauche, sur son insuffisance par rapport à la promesse présidentielle de "séparer les activités bancaires", banques de marché versus banques de dépôts. On mesure bien que la séparation stricto sensu retenue par les auteurs de ce projet de loi est limitée. On comprend tout autant combien la mixité de nos établissements bancaires a posé et posera problème sans davantage de régulation.
L'ancien monarque excellait à brailler qu'il allait régler son compte à ce capitalisme financier qui nous avait fait tant de tort. On connait la fin de cette histoire.
Les Economistes Atterrés, sur leur blog de Rue89, détaillent pourquoi ils restent effrayés par cette loi. "Succombant à la pression des lobbies bancaires, les auteurs du projet de loi ont retenu des dispositions qui vont permettre aux banques… de continuer à fonctionner comme avant la crise !"
Les auteurs reconnaissent les efforts des parlementaires de gauche, incarnés par de multiples amendements. Mais ils persistent: il faut démanteler, démembrer, détruire nos banques nationales: "Le bilan cumulé des trois plus grandes banques françaises est supérieur à 2,5 fois le PIB ! Seule une séparation complète de la banque de détail et de la banque d’investissement permettrait de réduire la taille des banques".
Mosco se défend
Il n'a aucune chance. A gauche, Pierre Moscovici est étiqueté, marqué, condamné. C'est au mieux un ancien strauss-kahnien(*), au pire un néo-libéral. Sa réputation le précède. D'ailleurs, il se défend: "j’y ai réfléchi évidemment, que la séparation stricte était la solution à la crise financière dans le cas français, soyez certains que nous l’aurions appliquée ! Je n’avais pas, et je n’ai pas, d’a priori sur ce sujet."
Pierre Moscovici, mercredi 13 février 2013, était presque tout sourire, tout ouvert à tous les amendements... sur certains sujets: "Concernant les amendements socialistes relatifs à la tenue de marché, je veux dire, pour lever toute ambiguïté, qu’il n’y a pas d’un côté ceux qui cherchent à durcir le texte et de l’autre un ministre qui serait modéré. Ces amendements me conviennent absolument, totalement."
Le ministre avait même une défense sur le sujet du Glass Steagal Act, la loi iconique de FD Roosevelt des années trente... "Il suffit d’examiner la liste des institutions, banques ou autres, qui ont failli pendant la crise. Aucune de ces faillites, à ma connaissance, n’aurait pu être évitée par une séparation de type Glass-Steagall." Car, ajoute-t-il, "La vérité, malheureusement, est que l’étincelle de la crise est venue des subprimes ou encore des cajas espagnoles. L’expérience nous montre que, même une banque purement d’investissement peut avoir des effets systémiques si elle est trop liée au reste de l’économie."
Ah... mince...
Le ministre n'était pas content qu'on sous-estime le périmètre des activités bancaires de marché effectivement séparées du reste: "J’ajoute que les chiffres rendus publics par certains banquiers – je n’ai pas trouvé cela follement adroit – n’étaient pas les miens, et le sont encore moins maintenant. Après les décisions que nous avons prises, la taille des filiales, en fonction de la volonté du politique comme de la situation spéculative, pourra croître. On ne fait pas une loi pour un instant t. En 2006, nous aurions eu des filiales d’une taille beaucoup plus importante. Une autre année, si une spéculation exubérante réapparaissait, nous aurions évidemment autre chose."
Et le reste ?
Mais l'on est tenté d'insister sur deux autres questions: (1) la séparation est-elle techniquement faisable sans conséquence négative sur le financement de l'économie ? (2) N'accorde-t-on pas trop d'importance à la question des moyens (la séparation) aux détriments de la fin (la régulation) ?
On a peu commenter combien la réforme prévoyait comment se résoudrait les crises bancaires à venir. Qui va payer ? La loi prévoit d'imputer "les dépréciations sur les actions et sur tous les titres représentatifs d’une fraction de capital social". Autrement dit, voici donc les actionnaires qui seraient convoqués.
Autre sujet pas si connexe que cela, la réforme bancaire doit améliorer le sort des particuliers clients des banques. Jeudi 14 février, jour de Saint-Valentin, l'Assemblée nationale a ainsi adopté le "plafonnement pour tous", pour reprendre l'expression de notre confrère Bembelly. Une mesure qui fait grincer des dents chez les grandes banques. En l'occurence, le plafonnement du montant mensuel des commissions d’intervention pour les populations fragiles. Et pour les autres ?
Il y avait cette députée socialiste de l'Ariège, Frédérique Massat, mercredi dans l'hémicycle, pour s'inquiéter encore: "il faudra se pencher sur les frais bancaires, qui pèsent plus de 15 milliards d’euros et peuvent représenter plus de 40 % des revenus des banques de détail, mais dont la transparence problématique des tarifs et leur inégale augmentation soulèvent des questions." La même élue insistait sur une autre lacune du projet: "Il faudra aussi limiter, pour les publics fragiles, l’attribution des cartes bancaires à option paiement à crédit car la possibilité de déclencher un crédit renouvelable au moment du paiement sans aucune autre formalité est la porte ouverte à la spirale infernale du surendettement."
D'un autre député vient l'explication. Un autre texte sur la consommation complètera l'actuel projet de loi  qui traitera du surendettement, notamment des crédits renouvelables.
Bon.
(*) Une espèce disparue mais démembrée dans les colonnes de ce blog.

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