Energie/Eolien : vers une révision des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) ?

Publié le 17 février 2013 par Arnaudgossement

Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Brottes relative à la transition vers un système énergétique sobre, le Sénat vient de voter une nouvelle disposition prévoyant la révision des SRCAE. Une nouvelle contrainte pour le développement de l'éolien ?


Le texte de la "petite loi" telle que votée par le Sénat peut être consulté ici.

Les sénateurs ont ajouté une nouvelle disposition, soit un "c)" au sein de l'article 12 bis du texte, ainsi rédigé :

"c (nouveau)) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les schémas régionaux éoliens adoptés avant la promulgation de la loi n°   du   visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes sont révisés. »"

 Cette disposition procède d'un amendement n°95 qui peut être consulté ici.

Pour bien comprendre le sens de cette nouvelle disposition, il convient de se référer aux travaux parlementaires préalables.

En premier lieu, il est utile de consulter la position de la Commission des affaires économiques du Sénat qui s'est opposée au vote de l'article 12 portant suppression des ZDE. Le rapport déposé par le sénateur Daniel Raoul précise ici :

"IV. La position de votre commission

Du point de vue de votre rapporteur, les nombreux défauts des ZDE justifient leur suppression - dès lors, du moins, qu'on apporte une solution au seul inconvénient manifeste qui pourrait accompagner cette suppression, à savoir une déconnexion complète entre les orientations stratégiques fixées par les schémas régionaux éoliens (SRE) et le choix d'implantation des projets.

C'est pourquoi votre rapporteur approuve l'introduction, déjà proposée par M. Roland Courteau lors de l'examen du présent texte en première lecture devant votre commission, d'une prise en compte du schéma régional éolien par la décision d'autorisation ICPE.

La suppression des ZDE, en brisant la chaîne qui va des schémas régionaux de l'éolien aux projets d'implantation, risque en effet de priver les SRE d'une partie de leur force. Grâce à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, les schémas régionaux de l'éolien deviennent explicitement des documents de référence dans l'instruction des autorisations ICPE. Le préfet pourra s'appuyer sur eux pour justifier ses décisions d'autorisation ou de refus. Il pourra également s'en écarter s'il estime que tel ou tel projet d'implantation, bien que ne correspondant pas au zonage du schéma, présente néanmoins un réel intérêt qui justifie qu'il soit autorisé.

Votre commission a considéré toutefois que la suppression des ZDE constituait un véritable risque pour les territoires concernés. En particulier, les schémas régionaux, souvent conçus en fonction des ZDE, ne sont plus nécessairement adaptés si les ZDE sont supprimés et la prise en compte de ces schémas lors de l'accord de l'autorisation ICPE ne peut suffire.

Elle a estimé que, si la situation actuelle est loin d'être idéale, il convenait de débattre des conditions d'implantation des éoliennes dans le cadre du débat national sur la transition énergétique et qu'il n'était donc pas souhaitable de prendre d'ores et déjà des mesures législatives.

A ce stade, elle s'est donc opposée à la suppression des ZDE et en conséquence, cet article n'a pas été adopté."

On notera, aux termes de ce rapport :

  • que, selon la Commission des affaires économiques du Sénat, le Préfet pourra se fonder sur le SRCAE pour refuser une autorisation ICPE éolienne
  • que la Commission est opposée à la suppression des ZDE dés lors que celle-ci supposerait une révision des SRCAE fondés sur ces mêmes ZDE.

Le raisonnement ainsi tenu peut être discuté : en effet, il était possible de distinguer les ZDE existantes des ZDE à venir.

Au demeurant, la position de la Commission du développement durable est sensiblement différent. Ainsi, l'avis déposé par le sénateur Michel Teston précise-t-il : 

"1. Article 12 bis : suppression des zones de développement de l'éolien
Cet article, qui tend à supprimer les zones de développement de l'éolien dans lesquelles les installations éoliennes doivent être implantées pour bénéficier de l'obligation d'achat à un tarif favorable de l'électricité qu'elles produisent, a été adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale sans autre modification que l'ajout de la précision suivante : l'autorisation d'exploiter délivrée dans le cadre de la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) « tient compte » des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien.
Cette précision, qui résulte d'un amendement présenté en séance par le Gouvernement, mais qui reprend une idée qu'avait défendue le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, Roland Courteau, avant que l'ensemble du texte soit rejeté en première lecture, établit un lien juridique souple entre les autorisations ICPE d'installations éoliennes et le zonage prévu par les schémas régionaux éoliens.
Le préfet pourra se référer au schéma régional éolien pour justifier ses décisions d'autorisation ou de refus, mais aussi s'en écarter s'il estime qu'un projet d'implantation concret, bien que ne correspondant pas au zonage du schéma, présente néanmoins un intérêt réel qui justifie qu'il soit autorisé."

Ainsi aux termes de cet avis, le Préfet peut refuse une autorisation ICPE éolienne au regard du SRCAE mais aussi s'écarter du SRCAE. On imagine aisément la critique apportée à cette analyse : à quoi servent les SRCAE si l'on peut s'en écarter ?

L'introduction de cette mauvaise disposition tendant à créer un rappport juridique de "prise en compte" entre les autorisations ICPE et les SRCAE promet de longs débats sémantiques devant les juridictions administratives là où une simplifiation du droit aurait été la bienvenue.

Les débats en séance publique ont été, s'agissant de cet article 12 bis, particulièrement vifs. Plusieurs sénateurs ont ainsi demandé le maintien du dispositif des ZDE.

Une sorte compromis entre partisans et opposants à la suppression des ZDE au moyen de l'amendement n°95 prévoyant la révision des SRCAE. Voici la position de la ministre de l'écologie à l'endroit de cet amendement :

"S’agissant de la révision des schémas régionaux éoliens, je ne peux pas y être favorable, même si je comprends l’esprit de votre proposition.

Il n’y a pas de problème de transition entre le dispositif existant et celui qui résultera de la proposition de loi : la suppression des ZDE ne crée aucune difficulté par rapport aux schémas régionaux éoliens, d’autant moins qu’une disposition introduite par voie d’amendement pose l’obligation, pour la procédure ICPE, de n’implanter des éoliennes que dans les zones favorables fixées par le schéma régional éolien, qui doit d’ailleurs être révisé tous les cinq ans aux termes de la loi actuelle.

Dans la mesure où la présente proposition de loi n’a aucun impact direct sur les schémas régionaux éoliens, il ne me paraît pas indispensable d’imposer leur révision, même si, je le redis, je comprends l’esprit de votre amendement."

L'amendement n°95 a finalement été voté et l'article 12 bis ainsi rédigé également.

Concrètement, si, en lecture définitive, l'assemblée nationale confirme cette rédaction de l'article 12 bis, il sera nécessaire d'engager la révision des SRCAE adoptés et, bien entendu, celle des projets de SRCAE.

Cette révision représente-t-elle un nouvelle contrainte pour le développement de l'éolien ? C'est tout à fait possible.

En premier lieu, les développeurs de parcs éoliens savent bien que l'administration s'est montrée peu empressée à instruire nombre de demandes de création de ZDE dés lors que les SRCAE étaient attendus. Dans l'attente de la révision du volet éolien des SRCAE ou des projets de SRCAE il est à craindre que l'instruction des demandes d'autorisations ICPE qui doivent en tenir compte soit également ralentie.

En second lieu, les travaux parlementaires prélables au vote de la loi Brottes démontrent que le rapport de compatibilité qui devra exister entre autorisations ICPE et SRCAE est loin d'être clairement défini.  Je me permets de vous renvoyer à ce billet sur ce point. 

En troisième lieu, la loi, si elle devait être ainsi votée, est assez laconique sur l'objet exact de cette révision des SRCAE.Tout au plus sait-on qu'il s'agira de les réécrire au motif que le dispositif de la ZDE est supprimé. Toutefois, les SRACE ne sont pas que des simples copiés collés de la carte des ZDE.

Rappelons que l'article L.222-1 du code de l'environnement précise notamment

"Un schéma régional éolien qui constitue un volet annexé à ce document [le SRCAE] définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne."

L'article R.222-2 du code de l'environnement dispose à son tour :

"IV.-Le volet annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, intitulé " schéma régional éolien ", identifie les parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne compte tenu d'une part du potentiel éolien et d'autre part des servitudes, des règles de protection des espaces naturels ainsi que du patrimoine naturel et culturel, des ensembles paysagers, des contraintes techniques et des orientations régionales.

Il établit la liste des communes dans lesquelles sont situées ces zones. Les territoires de ces communes constituent les délimitations territoriales du schéma régional éolien au sens de l'article L. 314-9 du code de l'énergie.

Il peut comporter des documents cartographiques, dont la valeur est indicative, établis à l'échelle prévue au III."

Concrètement, si les ZDE devaient être créées dans le périmètre des zones favorables à l'éolien dessinées par les SRCAE, l'inverse n'était pas vrai : les zones favorables des SRCAE n'étaient pas dessinées en fonction des ZDE.

Le raisonnement qui sous tend l'amemendement desstiné à imposer la révision des SRCAE est donc trés critiquable. La suppression des ZDE n'impose pas la réécriture des SRCAE.

Finalement dés lors que le sens et l'objet même de cette révision des SRCAE ne sont pas clairs, sa procédure risque d'être assez longue et complexe. Ce deuxième round sera une occasion de plus pour les opposants à l'éolien de s'opposer, a fortiori à la technique des listes de communes favorables. Pendant ce temps, les dossiers risquent de patienter.

Espérons que ce contrefeux sera éteint par les députés.

Arnaud Gossement

Avocat associé - Docteur en droit

Selarl Gossement avocats