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Bouteille à la mer.

Publié le 19 février 2013 par Alexcessif

Dans l'édition de ce matin  de Sud-Ouest une nouvelle fraîche du 7 février: "Daniel Sempiana, un Landais de Biscarrosse (Landes), a retrouvé le 7 février dernier sur la plage de la Lagune, à La-Teste-de-Buch (Gironde), une bouteille qui avait été jetée trois ans plus tôt par une Américaine de Knoxville (Tennessee) en vacances sur l'île de Bimini, aux Bahamas. Grâce à Internet, Daniel entretient depuis ce jour une relation épistolaire inédite avec Kimberly." Allez on fait comme tout le monde on va chercher sa bouteille à la mer.
Bouteille à la mer.Faste soirée ! « Dévasté de la cave au grenier », un trou béant à la place du cœur, j’ignorais qu’il me restait de l’espace pour la chance. En solo, ce qui enlevait 50% du charme, j'avais enfin aperçu le rayon vert que je cherchais depuis le siècle dernier.
Peut-on lutter contre le hasard? 
Hasard ou coïncidence, je fredonnais justement "Message in a bottle" à l’instant où j’aperçu la bouteille pensant à la nécessaire et double mise à jour: Référencé par Rohmer 86 pour le ciné et Sting 79 pour la variète, mes sources risquaient de dater pour toucher mon cœur de cible : sexe féminin de préférence, 1.60 d’altitude maxi et 90B/60/90 pour les abaques me suffirait pour lui trouver de l’intelligence ! Je creusais au trente sixième dessous dans l’underground des vils besoins et la noblesse luxueuse  du désir n’était pas dans mon actu. D’autres morts de faims attendaient le flacon romantique rempli de promesses, pointant son goulot ceint d’écume au sommet de la vague dans une baïne qui retardait son échouage. A l’instar du soleil entrant dans la mer je me suis jeté à l’eau pour griller la concurrence à la rencontre de mon convertisseur de fantasme. L’entrée dans la flotte glacée de l'Atlantique à Lacanau un soir de février n’eut pas le même effet que celui de l’astre. Au coucher du soleil, les conditions  d’humidité  et de température requises pour l’effet rayon vert sont assez rarement réunies un peu comme celles permettant la lucidité-trop-tard chez moi. La mer m’a dit poliment: « Bonjour, je suis la réalité! » Tant qu’elle y était elle m’a donné, comme peu de femme le font, l’heure et sa température: H :17.58/4°.  « -Tu es dans une baïne et je vous emporte au large toi et ta pourvoyeuse de promesse »poursuivit-elle, glaciale. Toute résistance est inutile dans cette spécialité locale:  une cuvette formée par la marée qui se remplit à quelques mètres du rivage et se vide au large.  On « a pieds » puis soudainement on part en tourbillonnant vers l’horizon comme un poil pubien dans un lavabo dont on a ouvert la bonde. Il ne faut pas s’épuiser à lutter et attendre le ressac qui te ramènera au bord. En été tu peux décrocher le 06 d’un MNS musclé qui t’as sauvé de la noyade si t’es une fille. Emporté par la foule houle, la bouteille-à-la-mer-à-la-main je maintins la tête hors de l’eau tandis que je spéculais sur son contenu par forcément romantique. Les désespérées sont sur Meetic mais un mannequin solitaire confie exceptionnellement sa prose à l’océan. Dérivant depuis 1628 des caraïbes, elle pouvait contenir une carte aux trésors d’un frère de la côte ou venues des îles Caïmans, le RIB d’un compte numéroté. En provenance des states, ce pouvait être un bon d’achat pour un fusil d’assaut. La température me paralysait lentement mais sûrement et je révisais à la baisse mes spéculations en économisant les battements indispensables à la flottaison sans lâcher le messager de verre. Au lieu de rivages lointains cette missive, si elle existait, pouvait très bien avoir suivie le cours hésitant de la Palue, traversée lentement sur le clapot le lac de Lèon et, portée par le courant d’Huchet, rejoindre l’océan à Moliets et caboter le long de la côte jusqu’à Lacanau. Si je rejoins vivant la plage ne vais-je pas découvrir à l’intérieur une recette de confit de notre Maïté, la matrone de Rion-des Landes? Mettons fin à ce mauvais suspense : pas de noyade puisque je suis au clavier. J’avais pas mal dérivé vers la plage nord, déserte assez loin du Kayock plus fréquentable. Naufragé temporaire, désorienté, titubant je me laissai prendre entre les mâchoires de l’épuisement et de l’hypothermie le temps de dégurgiter l’eau salée. Ma conscience au ralenti se battait contre la somnolence pour me sortir de l’étau du froid. Il me fallait encore ouvrir la fameuse bouteille. De belle facture, un long col,  le fond piqué lui faisait un culot concave, mais le vert très sombre de sa robe et l’obscurité rendait chimérique l’examen de son contenu et le bouchon de liège dilaté par un séjour dans l’eau impossible à estimer et à déboucher. Il me fallait la briser. J’empoignais un galet que j’entourais d’algues pour éviter les éclats et en fit l’usage d’un marteau. La forme bleue qui en jaillit était facile à identifier pour qui connait son Walt Disney par cœur : le génie de la lampe d’Aladin en personne. Il rouscaillait en se massant le crane de la bosse que je lui avais faite avec mon galet. De mauvaise grâce et pour se mettre en conformité avec les contes des mille nuits, il me proposa trois vœux. Ça sentait l’arnaque ! J’attendais de mon investissement natation une adresse et le prolongement d’une rencontre épistolaire et plus si affinités. Sans compter que j’avais du mal à croire au pouvoir d’un gars incapable de sortir d’une bouteille par ses propres moyens et c’est dans la défiance que je lui demandais : ·   un véhicule pour rentrer en ville, ·   L’itinéraire, ·   Et un peu de chaleur humaine. J’ai obtenu : ·   Un vélo, ·   Une boussole, ·   Une polaire. On ne peut pas lutter contre le hasard et les coïncidences et à l’avenir je me contenterais du rayon vert et laisserais les bouteilles à la mer !

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