Je sors du Rer à Chatelet.
Je prends l’escalator, jetant un oeil de l’autre côté pour regarder les gens qui descendent.
J’adore regarder les personnes en face quand je suis dans un escalator. Leurs expressions me passionnent.
Ensuite, je marche dans les Halles en pressant le pas. Je me sens fatiguée, je réfléchis à un truc, un projet que j’ai sur le feu que je suis en train de développer, je me demande ce que cela va donner. Je m’angoisse un peu, je me crispe sur une idée, j’ai un sentiment d’abattement fugace puis je me reprends. Je suis au début, j’aurais certainement quelques refus, ça fait partie du jeu, mais je vais être tenace. Je suis motivée et je ne baisserais pas les bras.
Je croise des gens, en esquive d’autres, mon sac bute sur l’épaule de quelqu’un. Mon épaule en frôle une autre. J’accélère le pas. Le monde me fatigue parfois, j’ai juste envie de rentrer chez moi. Je me dis qu’il ne me reste qu’un petit métro et hop je suis sur mon canapé.
J’avance quand un petit couple attire mon attention.
Tu sais bien, j’adore observer les gens et là je suis attirée par leur gestuelle.
Lui un monsieur entre 55-60 ans, il porte un pantalon en velours, une doudoune bleue marine et une chemise à carreaux en dessous. Il caresse le visage d’une femme. Elle lui parle, le regarde dans les yeux puis l’embrasse, ses yeux pétillent, elle sourit. D’une main maladroite, il tente de repousser une mèche qui tombe sur les yeux de sa chère et tendre. Il doit s’y reprendre à plusieurs fois, mais dans un geste affectueux, il remet cette mèche derrière son oreille. Cette femme d’une cinquantaine d’années, coquette, manteau noir, petits talons, cheveux blonds en mode brushing, elle le dévore des yeux dans un regard qui semble à la fois doux et baigné de sensualité.
Seuls au monde.
Je ralentis le pas, j’ai envie de les regarder plus attentivement, longtemps, mais je ne suis pas loin et j’ai peur de les déranger dans ce moment amoureux. Et puis j’aime regarder les « vieux couples ». Ces personnes qui n’ont plus 20 ans comme on dit, mais qui semblent encore et toujours touchés par la passion amoureuse. J’aime voir que la gestuelle reste tendre, attentionnée et pas mécanique pour des personnes qui semblent avoir fait un bout de chemin ensemble. J’aime voir la sensualité qui émane des regards, des postures chez des personnes de plus de 60 ans et qui semblent être en couple depuis peu de temps.
J’aime cette idée que la passion et la gestuelle amoureuse ne faiblissent pas avec le temps. Cela devient différent, cela évolue d’une autre façon bien sûr. Mais j’aime voir que le fait de ne plus être jeune n’empêche en rien des comportements amoureux pleins d’engouement.
Passé mon petit moment tendre d’observation, j’avance, je leur jette un dernier regard, je les vois sourire et cela me fait du bien.