Monter Cabaret, c'est oser s'attaquer à un fameux morceau et risquer la comparaison avec une des comédies musicales les plus réussies de Broadway et un des meilleurs films de l'histoire de la comédie musicale. Monter Cabaret, c'est immanquablement faire surgir les images de la double interprétation du Maître de cérémonie par Joel Grey, et, plus encore de celle de Sally Bowles par Lisa Minelli.
Le Theater-am-Gärtnerplatz a relevé le gant avec une équipe enthousiaste de musiciens, de comédiens, de chanteurs et de danseurs. La mise en scène de Werner Sobotka efficacement soutenue par les excellentes chorégraphies de Ramesh Nair est tout bonnement épatante. Monter Cabaret, c'est travailler sur un fil: il faut à la fois entretenir la référence à la production d'Harold Field à Broadway et au film de Bob Fosse, et en donner une nouvelle lecture, imprimer un ton nouveau, apporter un regard neuf. Et c'est une réussite totale: Sobotka et Nair ont su réaliser ce travail d'équilibriste avec un ensemble d'acteurs qui fait revivre au public la tragédie de la montée du nazisme dans le Berlin appauvri et décadent des années 30.

La traduction en langue allemande ne pose évidemment dans ce cas pas de problème, tout au contraire puisque elle contribue au réalisme: on parle allemand dans le Berlin des années charleston.. Judicieusement, quelques chansons des plus connues ont cependant, dans la même logique, été conservées en anglais, Sally Bowles étant anglaise et le jeune écrivain Cliff Bradeshaw américain. Qui plus est la diction des acteurs est à l'aune de leur naturel, excellente!
Si la musique nous est connue, l'adaptation musicale présente quelques effets intéressants par des jeux de répétition ou d'accentuation de lenteurs. Andreas Kowalewitz joue à bon escient du rythme et accompagne parfaitement la montée de la tension dramatique avec ses excellents interprètes. L'orchestre, réduit à huit musiciens, fait partie du jeu scénique dans les épisodes de cabaret ou lors des fiançailles de Schultz et de Madame Schneider, pour disparaître en arrière-scène dans d'autres tableaux.

Si les premiers rôles sont parfaitement habités, les autres comédiens ne sont pas en reste de talent. On oublie rapidement les conventions théâtrales pour vivre l'action comme si on en était. Quand à la fin du premier acte résonne le chant patriotique nazi dans la voix pure et flûtée d'un jeune chanteur dans le rôle d'un jeune hitlérien, quand la vitrine de Schultz est brisée parce qu'il est Juif et quand le monde s'effondre au deuxième acte, cela nous semble tout proche de notre réalité, et on se dit que le danger totalitaire est peut-être à nos portes, même si la réalité du cocon munichois en semble artificiellement éloignée. Le salut nazi du jeune hitlérien qui clôt le spectacle nous est adressé, et ce n'est pas une provocation.
A voir et à revoir à la Reithalle jusqu'au 10 mars, puis du 18 au 27 juillet. Réservations: cliquer ici puis sur Tickets.