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Le nouveau Camilien Houde

Publié le 22 février 2013 par Jclauded
Il y a dans la démarche de Denis Coderre des choses qui me font penser à Camilien Houde, l’ex-maire de Montréal.
Et, il y a quelques jours, un autre ex-maire, Jean Doré élu en 1986, plus contemporain, est venu salir Coderre de façon simpliste en le dénigrant méchamment. Doré a dit : Coderre est « bon pour faire son auto-promotion mais comme maire de la ville de Montréal, ce n’est pas le genre de personne que ça prend! ».
Camilien Houde, fils d’ouvrier d’une famille de 10 enfants, perd son père à 9 ans et voit sa mère devenir couturière dans une usine de textiles pour subvenir aux besoins de la famille. Voulant l’aider, il travaille comme livreur pour une boucherie, tout en poursuivant difficilement ses études qui se terminent par le diplôme de cours commercial du collège Lasalle de Longueuil, dirigé par les Frères des écoles chrétiennes. Il a 16 ans et devient caissier de la banque d’Hochelaga et 10 ans plus tard en est le gérant. Il épouse la fille d’Urgel Bourgie, entrepreneur de pompes funèbres, qui décède après avoir mis-au-monde deux enfants. Il se remarie et quitte la banque pour tenter sa chance dans différents commerces, où il n’a pas de succès. Il devient représentant d’une biscuiterie, ça ne va pas et crée un commerce d’importation de charbon. Il échoue lamentablement. Il devient agent d’assurance et connaît encore des déceptions et lâche ce métier. Entretemps, il s’intéresse au parti conservateur du Québec. Son mentor et ancien patron de la biscuiterie, un de 5 députés conservateurs, l’enjoint à devenir candidat du parti dans le comté de Ste-Marie dont le député-sortant est appuyé par la forte machine électorale du maire de Montréal, Médéric Martin. C’est un difficile défi. Durant la campagne, il se dévoile comme un orateur flamboyant, un tribun hors de l’ordinaire qui électrise les foules. À la surprise générale, après plusieurs déboires, Camilien gagne et devient député conservateur. À 33 ans, le plus jeune député provincial est « le p’tit gars de Ste-Marie ». Jean Doré aurait sûrement dit du candidat Camilien Houde, « il n’a pas les qualités pour devenir député ».
Denis Coderre est un mordu de la politique depuis sa jeune enfance. Il est volontaire et travailleur pour le parti libéral du Canada. Il obtient avec grand succès son baccalauréat en science politique de l'Université de Montréal et, plus tard, une maitrise en administration des affaires pour cadres (Executive MBA) de l'Université d'Ottawa. Né à Joliette, il a 25 ans lorsqu’il convainc son parti et les Joliettains libéraux de le choisir candidat pour l’élection fédérale de 1988. Mais Brian Mulroney est au sommet de sa gloire et Joliette est progressiste-conservateur depuis toujours grâce à l’ex-Ministre Roch Lasalle. Qu’importe la difficulté, Denis y voit un premier pas vers un éventuel siège à la Chambre des Communes. Il perd. En 1990, il y a une élection partielle dans le comté Ste-Marie. Encore-là, la conjoncture n’est pas favorable. Coderre reçoit la bénédiction des libéraux du comté et devient leur candidat contre Gilles Duceppe qui fait sa rentrée en politique. Coderre se lance dans une élection à la Camilien. Il attire et enthousiasme les foules de tous les coins du comté avec des discours flamboyants, en chemise avec ses larges bretelles rouges. Mais ce n’est pas suffisant pour les nombreux séparatistes de ce comté qui endossent solidement Duceppe. Mais qu’importe, c’est l’expérience qui entre et Denis pense déjà à la prochaine élection générale. Elle arrive en 1993, et il choisit sa circonscription électorale de Bourassa pour briguer à nouveau les suffrages. Le Bloc a le vent dans les voiles et son candidat l’emporte sur Denis. Mais qu’à cela ne tienne, il sait maintenant que ce comté l’élira un jour député. Dès le lendemain de sa défaite, il s’attèle pour gagner la prochaine et en 1997, il récolte enfin les efforts des 10 dernières années et devient député fédéral de Bourassa devant le bloquiste tout surpris de sa défaite. Denis Coderre a 33 ans, comme Camilien Houde.
En 1927, quatre ans après avoir été élu, Camilien est battu lors de la nouvelle élection. Doré dirait « Ah, je vous l’avais bien dit ». Le parti conservateur voit sa députation coupée en deux. Mais Camilien sait que le libéral a volé l’élection. Il la conteste en cours. Elle est annulée par le juge et après plusieurs mois doit être reprise. Entretemps, une élection municipale doit se tenir en 1928 à Montréal. Le maire Martin occupe son siège de premier magistrat depuis 15 ans, mais Camilien qui le sait responsable de la fraude qui a occasionné sa défaite, décide de se porter candidat à la mairie et monte une équipe solide pour l’appuyer. Il accuse, entre autres, Martin d’avoir mal négocié l’achat du réseau d’aqueduc de la compagnie Montreal Water and Power. Camilien récolte 60% des suffrages et devient maire de Montréal. La charte de Montréal, à ce moment–là, donne le pouvoir à l’exécutif qui est composé d’amis de Martin. Il ne reste à Camilien que le prestige attaché au titre de maire. A l’élection partielle dans son comté, il décide d’être candidat à nouveau et regagne son siège de député. Il a donc deux tâches politiques et avec la renommée qu’elles lui rapportent, il devient un des politiciens les plus écoutés au Québec. Quelque temps plus tard, le chef du parti conservateur, Arthur Sauvé, démissionne et Camilien est élu nouveau chef. A l’élection municipale qui suit en 1930, l’équipe de Camilien obtient la majorité au conseil municipal et à l’exécutif. Le peuple lui fait de plus en plus confiance.
Denis Coderre arrive à Ottawa et s’initie aux travaux parlementaires et à son poste de député fédéral. Deux ans plus tard, le PM Jean Chrétien l’invite à siéger au conseil des ministres comme responsable du sport amateur et il contribue à l’implantation de l’agence internationale anti-dopage à Montréal. Et en 2003, le PM Paul Martin le nomme président du conseil privé et responsable de plusieurs dossiers, comme la création de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, interlocuteur fédéral auprès des Métis et ministre responsable de la Francophonie. Il est réélu député de Bourassa nonobstant les vagues bloquistes ou néo-démocrates en 2004, 2006, 2008, 2011 et toujours avec de grosses majorités. Il est un député qui travaille, qui connait bien les besoins des gens de son comté, qui sait écouter et agir pour le peuple. Et le peuple, comme jadis pour Camillien Houde, lui rend bien sa confiance puisqu’il est député de Bourassa depuis 16 ans.
Camilien Houde a été maire de Montréal pour un total de 18 ans, député provincial de Ste-Marie durant 12 ans et député fédéral de Papineau durant 4 ans. Il a eu le privilège d’obtenir la faveur de ses commettants pour la raison que ces derniers le voyaient comme un des leurs qui les comprenait bien. Certes, Camilien Houde est devenu une très grande idole à cause de sa peine en prison suite à son objection publique à la conscription obligatoire durant la deuxième guerre mondiale. Mais mis à part cet important fait, arrivé à la fin de sa carrière politique, le reste de sa vie politicienne à été remarquable et de longue durée.
Quant à Jean Doré, il aura été maire de Montréal durant 8 ans. Élu en 1986 grâce au Rassemblement des Citoyens et Citoyennes de Montréal (RCM) qui, à ce moment-là, comptait 25 000 membres actifs dédiés à remplacer le Parti Civique au pouvoir depuis 30 ans, il est réélu en 1990 mais le parti n’a plus que 5 000 membres. Par la suite, il renie le RCM qui l’a porté au pouvoir et s’engage dans une dernière campagne électorale en créant un nouveau parti, Équipe Montréal. C’est un désastre. Il est battu à plat de couture n’obtenant que 10,3 % du vote, dépassé même par Michel Prescott, chef du RCM, qui récolte 14,8 %. Il ne fait élire aucun conseiller et son parti finit la campagne avec des dettes de 300 000 $, selon les médias. Il s’est avéré être un piètre maire, loin du peuple et celui-ci l’a sanctionné durement ainsi que ceux qui le suivaient. Voilà pourquoi les Montréalais l’ont si brusquement rejeté. Jamais un ancien maire n’a été ainsi châtié et humilié depuis Camilien Houde.
De toute évidence, Jean Doré n’a pas de leçon a donné aux Montréalais et Montréalaises en rapport avec les candidats à la prochaine élection municipale. Surtout pas en rapport à Denis Coderre, un gagnant en politique à laquelle il a dédié sa vie et qui fait un très bon travail de député. Il est un populiste comme Camilien Houde l’était et il n’y a rien de mal à ça, car de tels personnages sont près du peuple, le comprenne, le serve bien et la ville devient plus dynamique et mieux connue. Le maire La Beaume de Québec, est un autre bon exemple.
En politique municipale, comme ailleurs, le passé est garant de l’avenir.
Claude Dupras
Ps. Ce texte laisse peut être entendre que je supporterai Denis Coderre à la prochaine élection municipale. Ce n’est pas le cas car je réserve cette décision pour le jour où tous les candidats seront connus et c’est à ce moment-là que je ferai mon choix, comme tous les Montréalais et Montréalaises. Ma position actuelle n’est que pour faire valoir que la candidature de Denis Coderre est fort acceptable.

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