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malades = coupables, l’ignoble équation

Publié le 22 février 2013 par Mister Gdec

 

Prozac
  J’étais déjà extrêmement choqué par ce genre de discours qui commencent à s ‘insinuer dans les esprits sous l’impulsion de managers pourtant publics mais si peu scrupuleux. Chez moi, je veux dire sur mon lieu de travail,  ils se traduisent par des propos assez ignobles (d’autant plus qu’il s’agit d’un établissement à vocation sociale, censé faire montre de davantage d’humanisme donc) entre dirigeants et cadres sur les arrêts de complaisance, les médecins peu regardants sur les arrêts maladie, et le bon ordre qu’il faudrait mettre dans tout cela pour le plus grand profit du budget de l’état et de l’argent des contribuables que ces inconscients de malades dilapident éhontément.  Parce que bien sûr, du haut de leur importante fonction, de leur savoir supérieur et de leur sublime intelligence, ces cadres si supérieurs savent mieux que les médecins ce qu’ ont les patients, et à quel point ils sont pour tant d’entre eux  malhonnêtes… Salauds de fonctionnaires qui profitent du système, en gros. Et même dans le détail, exemples précis à l’appui, quitte à étaler la vie privée de certains salariés sur la place publique. Honte.

 Même si certains travaux scientifiques sur le sujet viennent contredire ce genre de clichés d’un autre âge,  il ne leur viendrait surtout pas à l’idée, à ces gens si supérieurement intelligents,  de considérer que l’organisation du travail qu’ils imposent, et ses conditions, l’accumulation des tâches, la pression exercée par une  hiérarchie totalement technocratisée et obsédée par les objectifs, les chiffres et les tableaux de bord,  les contraintes administratives aux injonctions paradoxales et de plus en plus rigides et envahissantes (jusqu’à se substituer très clairement aux cœurs de métiers des uns et des autres)  soient la source d’une souffrance au travail qu’il conviendrait d’analyser plus finement que ces vulgaires discussions de café sans intérêts. Sinon de constater la bassesse morale et le cynisme égocentré de certains qui se prennent un peu trop pour le nombril du monde.

 Avec l’histoire de la suppression du jour de carence, le débat a pris un ton nouveau et surprenant, au point que certaines langues se délient, que ce type de propos se sentent plus autorisés à s’exprimer librement (comme on a libéré la parole raciste ?), puisque en plus aujourd’hui  autorisés par des personnages politiques de haut vol qui viennent prendre le relais des plus stupides des libéraux. Et quant la parole politique publique emprunte aux discussions de cafés et aux clichés les plus éculés sa grossièreté, son manque de réflexion et de connaissance du sujet, il n’y a plus grand-chose à en attendre…

  L’absentéisme est donc un fléau, ce qui est effectivement une réalité pour tout gestionnaire d’équipes. Mais ce qui est plus nouveau, c’est qu’ une pression plus aiguë vienne peser sur des arrêts maladie au point qu’on puisse tenir  les malades pour responsables, voire coupables de leur souffrance. Ce discours m’est devenu  ignoble, intolérable, injuste. Et si la cause de cette maladie incriminée sous la pression de l’argent sans autre considération humaine  venait de surcroît à se montrer plus psychique et mentale, donc impalpable, que physiologique, alors là, il faut craindre le pire… de sa hiérarchie. Il convient en effet pour tout manager qui se respecte et veut se montrer crédible de faire la chasse aux « faux malades ». Dépressifs chroniques, choppez vous un bon cancer, ça vous sera beaucoup  plus profitable, en termes d’image  : on vous plaindra davantage, s’apitoiera obséquieusement sur votre sort. Quand bien même, Ô cynique paradoxe, les conditions de travail dans la fonction publique, et notamment hospitalière, sont si dégradées, voire indignes dans certains cas,  et que les agents supportent un volume de travail exponentiel pour un salaire dérisoire et gelé depuis maintenant 3 ans, sans contrepartie d’aucune sorte, ce qui favorise de l’avis même de tout bon spécialiste de la question l’augmentation des risques psycho-sociaux.

 Comme je l’ai déjà dit hier, la suppression du jour de carence était donc le bienvenu. Quant à ceux qui arguent du fait que cela constitue une discrimination intolérable envers les salariés du privé, coupons cela tout net : arrêtons le nivellement par le bas des conditions de travail et de protection sociale dans notre pays, comme le propose hélas cet insupportable Accord Medef/CFDT contre lequel nous luttons ² et faisons plutôt en sorte que les conditions du privé rejoignent celles du public, plutôt que l’inverse, ce qui ne profite qu’ à ceux qui s ‘enrichissent toujours davantage sur le dos d’une crise qui  a elle aussi bon dos.

 Aussi, quand j’entends des gens prétendument de gauche se mettre à dévier le débat vers le même sens que celui du patronat¹,  qui ne fait pourtant quant à lui que défendre ses seuls intérêts et non les intérêts collectifs comme c’est (ou devrait être)  le cas de la fonction publique, où va-t-on ? Mais je savais déjà pour d’autres raisons que Monsieur le maire de Lyon n’était déjà pas franchement de gauche, puisqu’il faisait partie de ceux là qui, plus que coupables à mes yeux, défendaient la curieuse idée de pouvoir cumuler des mandats comme bon leur semble, et qui considéraient Mélenchon comme un dangereux facho, là où précisément il ne fait tout comme moi que défendre les intérêts des plus opprimés, ce que ne fait pas à ma connaissance (mais Blachier me contredira peut-être) malgré sa prétendue gauchitude ce délicieux maire de Lyon, d’une subtilité à toute épreuve… comme il l’a déjà prouvé à maintes reprises.

 Qu’on me permette de préférer une autre gauche,  bien  plus chère à mon cœur : celle qui ne reprend pas les mêmes antiennes que les plus déridés des libéraux. manquerait plus qu’un socialiste vienne reprendre les propos de Taylor,  vu qu’ il n’y a plus très loin, vu le contexte, de la coupe aux larmes… Mes lèvres attendront d’autres cieux plus cléments pour embrasser un destin plus rouge, plus conforme à mes voeux. Poil aux yeux.

  .

¹et qui, il est utile de le rappeler,  n’a aucune légitimité à intervenir dans le débat sur les salariés du public que sont les fonctionnaires puisqu’ ils défendent des intérêts privés : ceux des patrons de grandes entreprises exclusivement.

 ² … et contre lequel nous manifesterons le 5 mars


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