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Rythme scolaire, de quels rythmes parle-t-on ?

Publié le 21 février 2013 par Ecosapiens

Rythme scolaire, de quels rythmes parle-t-on ?

Sur eco-SAPIENS, hors les questions d’éducation à l’environnement, de cartable écologique et autres cahiers en papier recyclé, nous ne parlons que très rarement de l’école. Le débat sur les rythmes scolaires nous offre l’occasion de nous rattraper, pour questionner radicalement les rythmes scolaires.

Car finalement, de quels rythmes parle-t-on ?

Sur le site du ministère de l’éducation nationale, on apprend que :

Les écoliers français subissent des journées plus longues et plus chargées que la plupart des autres élèves dans le monde. Or cette extrême concentration du temps d’enseignement, unique à la France, est inadaptée et préjudiciable aux apprentissages.

Elle est source de fatigue et de difficultés scolaires. La réforme des rythmes scolaires vise à mieux répartir les heures de classe sur la semaine, à alléger la journée de classe et à programmer les enseignements à des moments où la faculté de concentration des élèves est la plus grande.

On pourrait se réjouir de rythmes scolaires plus adaptés aux rythmes biologiques de l’enfant. Malheureusement, il n’en est rien. Car tout cela procède d’une vision technicienne et quantitative de l’éducation, où il est moins question de l’enfant et de son épanouissement, que de ses performances et de sa « faculté de concentration ».

Rythme scolaire, de quels rythmes parle-t-on ?La fatigue évoquée plus haut, n’est pas tant le fait de rythmes scolaires inadaptés à l’enfant, que d’enfants inadaptables au rythme imposé par l’école. Ce n’est pas tant la quantité de temps passé à l’école par jour qui est source de fatigue chez l’enfant. Mais la qualité de ce temps. Il s’agit le plus souvent d’un temps contraint, dirigé, imposé. Donc un temps combattu (avec plus ou moins de discipline, de maîtrise, de contrôle), contre lequel on lutte (intérieurement ou extérieurement), on se débat (consciemment ou inconsciemment) : un temps qui épuise psychiquement l’enfant.

Par conséquent, il ne devrait pas être tant question d’une réforme des rythmes scolaires que de leur suppression.

Laissons les enfants vivre l’école à leurs rythmes.  Propres à chacun. Variables selon l’âge, les saisons, le temps qu’il fait, etc… Laissons-les réguler eux-mêmes leurs temps d’activité et de repos, selon leurs besoins individuels. Laissons-les sentir le moment opportun pour aborder tel apprentissage, découvrir tel concept.

Rythme scolaire, de quels rythmes parle-t-on ?Utopique ? Non.  De telles écoles essaiment de par le monde depuis plus d’un siècle, suite aux recherches de Maria Montessori.

Révolutionnaire ? Sûrement… Car au-delà de la question des rythmes scolaires, cette proposition questionne et fragilise bien des rigidités sur lesquelles notre société et notre psyché se sont construits, et par là même notre rapport à l’autorité, au temps, à la liberté, et à nous-mêmes.

Notre rapport à l’autorité tout d’abord, au travers de la contrainte exercée pour le « bien » de l’enfant, violence ordinaire, psychique, socialement acceptée. Ou quand la violence que l’on rejoue, après l’avoir vécue et refoulée dans nos premières années, fait office de bon sens commun partagé (lire à ce sujet les très bon livres d’Alice Miller). L’école est le premier lieu de la socialisation. Les modèles d’autorité qui y sont pratiqués s’imprègnent en nous et configurent souvent les structures d’organisations sociales rencontrées plus tard.

Notre rapport au temps : temps libre ou contraint. Ou quand la contrainte intériorisée nous empêche de vivre librement et pleinement « notre » temps, le remplissant de devoirs et d’obligations personnelles : « il faut que… » , « je dois… » D’un point de vue sociétal, on peut s’interroger sur la place centrale donnée au travail dans nos vies, et sur la quasi absence d’un temps choisi.

Notre rapport à la liberté, liberté intérieure surtout. Car comment être véritablement et pleinement libre dans nos choix et nos actions, dans notre vie, quand tout nous a conditionnés à suivre les consignes, les ordres, et à passer sous silence nos envies réelles et notre créativité.

Rythme scolaire, de quels rythmes parle-t-on ?Notre rapport à nous-mêmes, car notre relation à l’enfant est aussi relation à notre enfant intérieur, toujours présent en nous. Nous bafouons les besoins profonds de l’enfant comme jadis nos propres besoins ont été bafoués, et comme nous les bafouons encore…

Difficile d’être véritablement connecté à Soi, lorsque nous nous sommes coupés de nous-mêmes dans l’obéissance à la contrainte.

Difficile de s’orienter dans la vie quand très tôt nous avons brisé notre propre boussole. L’école qui devrait accompagner et aider l’enfant à trouver sa place dans la société des hommes, participe de cette désorientation en ne nous laissant ni la place ni le temps pour faire nos propres expériences, pour découvrir et se découvrir.

A quoi s’ajoute les injonctions d’une société dans laquelle chacun risque le déclassement voir l’exclusion, et où les diplômes doivent être « rentables ». Dur d’être en adéquation avec nos besoins profonds dans ces conditions…

Tout ne s’opère pas à l’école, nous en sommes conscients. Néanmoins, en tant que miroir de nos sociétés, lieu de la première socialisation, endroit où s’apprend le vivre ensemble, les modèles d’organisation, d’autorité, et d’apprentissage  à l’école nous disent beaucoup d’une société et des individus qui la composent. Les pratiques qu’on y découvre constitue la norme en vigueur, validée par une communauté donnée.

Penser l’école, c’est aussi penser la société. Une véritable « refondation » de l’école réinterrogerait nos sociétés : les objectifs collectivement poursuivis, les modes d’expressions et de représentations démocratiques, l’organisation politique, etc…

Le mouvement Colibri, s’il arrive à vivre et à essaimer en dehors de la présence tutélaire et nécessaire de Pierre Rabhi, est de ce point de vue intéressant, en ce sens qu’il peut constituer le lieu de débat et de construction d’un autre modèle de société dont nous sommes privés. En espérant qu’il puissent devenir autre chose qu’un simple espace de respiration pour des vies et des désirs trop souvent étouffés.


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