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Djs numériques

Publié le 07 janvier 2008 par Djprimhero
Djs numériques

Les DJ abandonnent leurs disques pour les fichiers numériques

Les DJ avaient sauvé le disque vinyle à la fin des années 1980. Ils sont les premiers à l'enterrer définitivement le disque en ce nouveau siècle. Alors que les ventes de musique digitale peinent à décoller, les disc-jockeys se sont eux massivement convertis à la musique en fichiers. "Tout a vraiment basculé cet été, raconte DJ Chloé, dix ans de carrière entre Paris, Cologne, Londres ou Lisbonne. Jusqu'alors j'avais pu résister à la tendance du tout numérique, mais c'est devenu impossible. Je ne reçois tout simplement presque plus de disques, CD ou vinyles."

Lors de l'édition 2007 du festival des Transmusicales de Rennes, début décembre, le vinyle était d'ailleurs porté disparu, ou presque. De Girl Talk, jeune DJ armé de son seul ordinateur portable, aux deux gamins italiens de Bloody Beetroots qui brandissaient leurs rares CD comme des reliques, il n'y en avait que pour le mixage numérique.

A l'origine de ce mouvement, le passage au digital de nombreux labels face à la baisse des ventes depuis le début des années 2000. Presser des quantités de vinyles pour assurer la promotion d'un maxi qui se vendra en moyenne à 1 500 exemplaires devenait suicidaire. Sans compter les frais postaux. Le téléchargement permet de faire écouter le titre à tous les DJ du monde, en un clic.

Etienne de Crécy, DJ et producteur indépendant, s'est offert le plaisir d'une dernière pochette au format vinyle pour son nouveau maxi, Funk. "C'est la dernière fois, dit-il. Désormais, je me contenterai du fichier. Le support physique, même CD, n'est plus rentable. Et puis la musique en ligne permet aussi de sortir des projets qui n'auraient jamais vu le jour." Il vient ainsi de publier un concert de trente minutes qu'il a donné au château de Versailles en juin 2007. "Six titres, c'était trop court pour espérer sortir en CD. En téléchargement, ça vaut le coup."

Les DJ ont leurs boutiques en ligne : Beatport est la plus célèbre. L'équivalent des magasins très spécialisés qu'ils fréquentaient avant. Les morceaux ne sont pas en fichiers MP3, mais en MP4 ou WAV, des formats plus lourds, mais de meilleure qualité sonore. "La différence, c'est qu'on ne croise plus les copains", regrette Chloé.


"ON SE NOIE"

Elle télécharge beaucoup. A 2 ou 3 euros le morceau, c'est plus avantageux que les maxi vinyles qui contenaient pour 8 ou 10 euros trois ou quatre titres, dont certains ne plaisaient pas forcément. "Le plus perturbant, au départ, c'est la quantité de musique qui nous arrive sur l'ordinateur. Entre ce qu'on télécharge et ce que les labels envoient. On se noie véritablement, et pourtant notre métier nous apprend à écouter vite. Je commence tout juste à trouver mes repères."

La transition ne s'est pas faite sans douleur pour les plus anciens, mais le passage au CD avait préparé les esprits. Longtemps tabou dans la profession, le mix avec les CD s'est généralisé ces dernières années. Les DJ "commerciaux" ont été les premiers convertis.

Moins encombrant, le CD a aussi bénéficié des avancées techniques des platines professionnelles qui, tout en reproduisant les sensations d'un mix avec des disques vinyles, l'ont libéré de ses contraintes en lui ajoutant quelques atouts : possibilité de scratcher (une technique a priori indissociable du vinyle puisqu'il s'agit de faire crisser le diamant sur le sillon), calage au tempo automatique, possibilité de faire des boucles, de ralentir la vitesse sans changer de tonalité (et donc de mélanger des disques incompatibles auparavant).


LA BONNE OREILLE

Le mix numérique va encore plus loin. Le DJ peut séparer les pistes audio d'un morceau ou mélanger un nombre infini de sources sonores. Les platines sont désormais virtuelles, sur l'écran de l'ordinateur, pilotées par une petite console autonome.

"La véritable difficulté, explique Etienne de Crécy, c'est de se repérer dans sa discothèque numérique. Avec les vinyles ou les CD, on ne retenait pas les noms de morceaux, mais la couleur du disque, sa pochette. On écrivait des choses sur l'étiquette centrale, des aide-mémoire. Avec l'ordinateur c'est impossible. J'ai encore du mal à passer à cette étape."
Côté hip-hop, on ne rencontre guère de résistances. Des techniques qui nécessitaient des années d'apprentissage sont accessibles au premier venu. Reste à avoir la bonne oreille. Bien sûr, il y a les réfractaires, comme Jeff Mills, pionnier de la techno de Detroit, qui déclare régulièrement qu'il ne mixera jamais de CD, encore moins de fichiers numériques.
Figure du deejaying, Jeff Mills peut encore imposer ses choix, mais comme l'a remarqué Etienne de Crécy, les clubs ne renouvellent même plus les platines vinyles. "Souvent, elles sont rangées dans le placard, il faut demander de remplacer le diamant. A force, ça lasse."

Surtout, le mix numérique a un ultime allié de choix : la sciatique chronique qui fait des ravages chez les DJ à l'approche de la trentaine. Un sac de disques trop lourd vient encore d'avoir raison de Manu le Malin, grand nom de la techno hardcore, cloué au lit cet automne.


Source : Odile de Plas, 01/01/2008, Le Monde.fr . Merci à Fa d'avoir diffusé cet article.



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