Le manque de logements n'est pas la véritable explication à la crise du logement en France.
Par l'auteur du site LeBlogPatrimoine.com.
Qui n’a pas entendu cet argument fatal : en France, si les prix des logements augmentent, c’est parce qu’il manque 800 000 logements !Ce chiffre est repris par tous : journalistes, promoteurs, vendeurs, agents immobiliers, ministre du logement… Tout le monde connait ce chiffre et personne ne le remet en cause. Pourtant, lorsque l’on creuse un peu, on s’aperçoit que personne ne connait la source de ce calcul. Nous avons donc essayé de comprendre d’où venait ce chiffre.
L’analyse de l’INSEE sur le manque de logement en France
Première source d’information : l’INSEE. Quelle est l’analyse de l’INSEE sur le manque de logement en France ?
Tout d’abord, analysons le nombre de logements en France et leur répartition entre résidence principale, résidence secondaire et logement vacant.
La répartition des logements en France.
En analysant ce tableau de l’INSEE, daté de novembre 2011, on constate qu’il y a en France 33 000 000 de logements dont 3 166 000 résidences secondaires et surtout 2 400 000 logements vacants. Ce chiffre des logements vacants est stable depuis le début des années 2000, pourtant les prix ont considérablement augmenté depuis. Si le manque de logement devait expliquer la hausse des prix, on aurait dû constater une corrélation entre le taux de logements vacants et la hausse des prix. Au contraire, le nombre de logements vacants a augmenté de 400 000 entre 2000 et 2011 : étonnant dans un marché de pénurie de logement, non ? Comment expliquer qu’il manque 800 000 logements en France alors que le nombre de logements vacants augmente de 400 000.
La définition d’un logement vacant est large, n’y voyons pas seulement des logements conservés vides par leur propriétaire. Un logement vacant, au sens de l’INSEE, est un logement inoccupé se trouvant dans l’un des cas suivants :
- proposé à la vente, à la location ;
- déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d’occupation ;
- en attente de règlement de succession ;
- conservé par un employeur pour un usage futur au profit d’un de ses employés ;
- gardé vacant et sans affectation précise par le propriétaire (exemple un logement très vétuste…).
Analysons ensuite le parc locatif social pour comprendre
Au 1er janvier 2010, la France compte 4 508 500 logements sociaux (hors Martinique et Guyane).
- 2,8% des logements sociaux sont vacants, c’est la proportion de logements vacants la plus élevée depuis 2004. Elle n’était que de 2,4% au 1er janvier 2009.
- La vacance de plus de trois mois, dite « vacance structurelle », progresse et atteint 1,4% en 2010 (1,2% un an auparavant). Elle représente, comme les années précédentes, près de la moitié de la vacance totale.
Ainsi, dans le parc locatif social, il y aurait non pas un manque de logement, mais 63 000 logements (1,4%) vacants de plus de trois mois.
Prenons la définition de la vacance locative pour être sûr de comprendre. Le taux de vacance est la part des logements vacants parmi les logements locatifs proposés à la location dans l’ensemble des logements loués ou proposés à la location.
Mais alors, ou est le problème ?
Analysons la part des logements vacants, mais avec un détail géographique pour comprendre :
Clairement, on constate que le taux de logements vacants n’est pas égal partout. Et seuls certains départements sont réellement concernés par une tension locative (les départements en jaune clair sur la carte). Mais, même dans les départements les plus tendus, la part des logements vacants est d’environ 5%. Dans les zones les plus foncées, la part des logements vacants approche les 8% voire plus de 10% dans certaines zones.
Ainsi, même si nous n’avons pas réussi à comprendre comment on pouvait déterminer qu’il manquait 800 000 logements en France, on comprend que certaines zones sont plus tendus que d’autres. Ce phénomène peut s’expliquer par les flux migratoires tels que nous vous le présentions dans cet article :
Mais d’où vient ce chiffre de 800 000 logements manquants ?
Lorsque l’on creuse un peu [1], on retrouve ce chiffre de 800 000 logements dans une études de la Fondation Abbé Pierre de 2006.
La fondation Abbé pierre présente alors un rapport sur le mal logement et explique :
La fondation Abbé Pierre ne constate pas un manque de 800 000 logements mais simplement qu’il y a en France 800 000 personnes en manque de logement. Et cela fait toute la différence, car ce n’est pas en construisant à tour de bras, en subventionnant la construction de Scellier que ces personnes vont trouver un logement. La difficulté pointée du doigt par la fondation Abbé Pierre n’est pas qu’il faut construire plus de logement mais qu’il faut donner les moyens à ces personnes en difficulté de se loger…
Bien évidemment, aujourd’hui, tous ceux qui ont un intérêt financier dans la construction de logements détournent cette caution morale au service de leurs affaires… Mais il semble bien qu’il s’agisse d’une légende urbaine habilement construite par le service marketing de certains promoteurs…
Car les chiffres sont bien différents :
- En moyenne 7% des logements en France, sont des logements vacants, soit plus de 2 000 000.
- Le taux de vacance locative dans les logements en France n’a jamais été aussi fort qu’en 2010 avec 63 000 logements vides depuis plus de 3 mois.
- Il ne manque pas 800 000 logements en France mais 800 000 personnes sont en manque de logement.
- En revanche, la pression est plus forte dans certaines régions, dans lesquelles le taux de logement vacants est le plus fort.
- Le taux de logements vacants est quasi identique depuis 2000 : la hausse des prix ne peut pas s’expliquer par une pression sur le nombre de logements disponibles car ce nombre est stable malgré une hausse considérable des prix. Au contraire le nombre de logements vacants a augmenté de 400 000 entre 2000 et 2011 : constat étonnant dans le contexte d’un marché de l’immobilier guidé par la pénurie de logement.
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Sur le web.
Note :
- Et je tiens à remercier GBL, lecteur attentif du site LeBlogPatrimoine.com pour son aide précieuse. ↩