En chemin vers Liulichang, la rue des
calligraphes, je me retrouve dans la rue des luthiers. J'avais oublié
que c'était ici. Je chine devant les vitrines.
Je
m'arrête devant un luthier chez qui un violoniste âgé essaie un violon.
Un couple entre, elle sa boîte à violon à la main. Le violoniste
s'interromp, sort, vient me parler. Il m'invite à entrer et on bavarde.
La fille a sorti son violon et joue quelques notes, un joli son mais
trop fluet. Du haut de ses cheveux blancs de soixante ans, le violoniste
reprend son violon et fait sa démonstration, avec moult vibrato et
quelques grincements.
On me prête un alto et je joue
une page des Partitas de Bach. L'alto a beaucoup de coffre et peu de
finesse; pas de coussinet. Je trouve mon son, en cafouillant un peu.
On
reste à bavarder, à jouer à tour de rôle. L'initial violoniste tient à
me baragouiner ce qu'il croit être de l'anglais. Un jeune pousse la
porte et essaie un autre violon. Il joue bien, mieux que moi: je joue la
première page de la Campanella, et il relève le gant avec
aisance et caractère. Est-ce parce qu'il est amateur que ce
violoniste chinois joue bien? En y prenant du plaisir, et non de façon triste, parfaite,
mécanique.
Cela ne m'est jamais arrivé en France, ce
genre de moment musical chez un luthier; je m'en vais, à regret, acheter
un jeu de mah-jong et un jeu d'échecs chinois dans un supermarché.