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Défi en direct

Publié le 11 avril 2008 par Raymond Viger

Défi en direct
Gabriel Alexandre Gosselin, Volume 16, no. 4, Avril-Mai 2008

Des enfants sont assis autour d’une table ronde. Des micros sont suspendus devant eux. Le réalisateur donne le signal.
3, 2, 1,
L’émission peut commencer
«Bienvenue sur les ondes de Radio-Enfants!»

Mercredi matin, Montréal. Un groupe d’élèves de 8 à 12 ans envahit la bibliothèque du quar-tier. Après installation du matériel radiophonique, ils se placent devant les micros. 9h tapant, c’est l’heure!: après 6 semaines intensives de préparation, ils se confient enfin aux oreilles de la métropole.

Chaque année, 18 classes de 18 écoles différentes participent au projet Radio-Enfants, une initiative de Radio Centre-Ville, du Programme de soutien à l’école montréalaise et en collaboration avec les bibliothèques de quartier. Les établissements sélectionnés proviennent de milieux défavorisés. Les élèves ont souvent le français comme langue seconde.

L’objectif: une émission de 2 heures en direct sur les ondes du média communautaire. Un défi de taille qui signifie beaucoup pour des jeunes de 8 à 12 ans. Le jour de l’émission, on les sent fébriles dès leur arrivée sur les lieux de l’enregistrement: «C’est vrai que c’est un peu énervant d’être en direct, mais c’est très amusant», raconte Laurie-Simon, 9 ans, qui, avec entrain, se débrouille très bien au micro.

100 % enfant
Radio-Enfants ne constitue pas uniquement une tribune pour ces jeunes. C’est aussi une plateforme éducative enrichissante pour eux. Ils élaborent l’émission de A à Z: «C’est nous qui avons décidé ensemble du sujet. Ensuite, nous avons fait les recherches, écrit les textes, choisi la musique et développé les particularités de notre émission», explique Alex, 9 ans. Certains optent pour la simplicité, d’autres ajoutent un scénario, voire un roman-théâtre, comme à l’époque! «Tout ça nous pousse à nous forcer et à travailler ensemble», ajoute Giuseppe, 9 ans également. Un travail d’équipe où tous prennent la parole chacun à sa façon.

L’étape suivante: la mise en ondes. La compréhension du média est un autre aspect marquant de l’expérience. «Ils découvrent l’univers de la radio. Ça leur permet de décoller de la télévision et de voir autre chose», croit Coralie Dumoulin, réalisatrice de Radio-Enfants. En plus d’avoir à assimiler les aspects techniques nécessaires au bon déroulement de leur émission, chaque enfant tient un rôle et doit l’assumer: animateur, chroniqueur ou technicien à la console.

Abdessamad, lui, a obtenu le poste d’animateur, un contrat qui lui va à merveille: «J’ai toujours voulu avoir la grosse part du gâteau», affirme-t-il, sûr de lui. Il a travaillé ses textes avec ses parents et les a récités devant le miroir, «comme le coordonnateur Marc nous avait dit de le faire. Je suis heureux et fier de mon travail» raconte-t-il alors que sa tâche est accomplie.

La fierté, c’est ce qui anime les jeunes. Carol Tremblay, père de Marie-Ève, l’a vite remarqué: «Le fait de passer en direct donne un sentiment de fierté. Ma fille a consacré beaucoup d’efforts pour cette émission, ça lui tenait à cœur. Ça va avoir un impact sur elle. On ne sait pas quel impact exactement, mais on sait qu’il est positif.»

Pour écouter les jeunes sur les ondes de Radio-Enfants, syntonisez le 102.3 tous les mercredis matin, 9h. L’émission est archivée pendant une semaine sur le site http://www.radiocentreville.com/pages/rae4.htm.

Encadré

Dans la langue de Molière, s.v.p.!
Plusieurs des groupes qui participent au projet Radio-Enfants ont souvent le français comme langue seconde et ne le parlent pas à la maison. Mais pas question de réduire la qualité du message pour autant.

Catherine Desjardins, une enseignante dont le groupe multiethnique vient de terminer son émission sur l’environnement, reconnaît les acquis éducatif et culturel qu’un tel événement peut procurer à ses jeunes: «Dans leur émission, les enfants utilisent un langage plus avancé que celui qu’ils emploient en classe ou dans la cour d’école. Ça les force à employer des mots qu’ils n’ont jamais utilisés», mentionne-t-elle.

À titre d’exemple, Hosan, 8 ans, d’origine iranienne, est au Québec depuis 3 ans. «Elle avait peine à lire 2 mots sans trébucher en début d’année et surtout pas avec une intonation propre à la radio!», note son enseignant. Elle apprend présentement le français dans un groupe d’immersion. Les élèves de sa classe communiquent surtout en anglais, une façon d’échanger plus évidente pour la majorité d’entre eux.

Le jour de la mise en ondes de son groupe, elle surprend son enseignant. Elle s’exprime presque naturellement dans la langue de Molière. «La motivation, c’est fou ce que ça peut faire, et parfois d’élèves dont tu t’y attends le moins», s’étonne son professeur. Très à l’aise, Hosan ne cesse de rire au creux de sa main lorsque du bruitage survient dans l’émission ou encore quand un comparse fait une petite erreur.

Mélomanes en herbe
À Radio Centre-Ville, la musique francophone fait également figure de proue. Radio-Enfants n’échappe pas à cette particularité du média communautaire montréalais. «Les enfants ne connaissent souvent pas très bien la musique francophone. Pour l’émission, ils sont poussés à rechercher uniquement dans ce registre et ainsi à s’ouvrir à autre chose que la pop américaine, croit Coralie Dumoulin. Au début, ils ne savent pas vraiment où chercher, mais ils finissent toujours par trouver ce dont ils ont besoin.» Un pari réussi sur tout la ligne pour Radio-Enfants et la langue française.


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