Stéphane Hessel avait su, avec son petit livre, donner du sens et une certaine visibilité au mouvement des indignés, jacquerie moderne sans autre programme qu'une certaine rage. Lui disparu, qu'en reste-t-il? Pas grand chose, malheureusement. Aucune idée, aucune organisation, aucune utopie, aucune filiation non plus. Rien à voir avec le gauchisme de la fin des années soixante qui a formé toute une génération de responsables et imposé ses thèmes libertaires à la société pendant au moins une vingtaine d'années. Reste sans doute la désespérance et la rage. Mais elles peuvent virer de bord et fournir des troupes au populisme ou à la dérision comme en Italie.
Faute d'armature théorique, d'utopie, de slogans fédérateurs, de structures pour accueillir, encadrer les plus déterminés, cette rage et cette désespérance tournent en rond, butent contre les murs, les plus engagés se démobilisent, de dispersent. Le texte, assez faible pour être franc de Stéphane Hessel, avait donné un semblant de cohérence à un mouvement social qui se cherchait, il est aujourd'hui comme passé à la machine à décerveler. Et l'on ne voit pas bien d'où pourrait venir la relève.