Première interview de cette nouvelle année 2013, totalement dans l’actualité du Blog fraichement partenaire de la Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne, Yann Fabès, directeur de l’ESADSE, Ecole Supérieure d’Art et Design Saint-Etienne a accepté de répondre à mes questions.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours en quelques mots ?
Après un BAC scientifique j’ai intégré une école de photographie avant de suivre un cursus en école d’art durant 5 années. A partir de là j’ai débuté une activité d’artiste.
Au bout de trois ans j’ai parallèlement commencé à enseigner en école d’art, puis à l’université, J’ai donc toujours été acteur de l’enseignement supérieur et de la formation des créateurs et des artistes.
Je vois que vous avez été Artistes plasticien, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette période de votre vie ?
C’est un travail que j’ai débuté en 1989 à la fin de mes études et qui marquait un intérêt certain pour la structure de l’image, en partant du postulat que la représentation photographique partageait certaines choses avec la peinture, son histoire et ses courants modernistes.
Avant de me consacrer pleinement à mes nouvelles missions dévolues à l’enseignement j’ai pu produire et présenter ce travail jusqu’en 2002 dans des galeries et des musées, en France comme à l’étranger.
L’ESADSE, école supérieur d’art et design de Saint-Etienne, pouvez-vous nous expliquer les formations proposées ?
Notre école forme des artistes, des auteurs et des designers avec un diplôme à trois ans (DNAP) et à cinq ans (DNSEP).
En art nous marquons un intérêt particulier autour des questions liés à l’image, la picturalité et aussi le rapport que l’art peut induire à l’espace, à l’objet et à l’installation.
En design, les trois axes majeurs de formation sont constitués par le design de produit, le design d’espace et d’information et le design de médias.
En plus de ces filières qui rassemblent à peu près 350 étudiants sur l’ensemble du cursus, nous avons un Post diplôme Design et recherche et nous collaborons à un Master Espaces publics en lien avec l’université Jean-Monet et l’école Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne.
Enfin, depuis cette année, nous sommes également impliqués dans le Master d’architecture de l’information en partenariat avec l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.
Actuellement directeur de l’ESADSE, votre expérience vous permet-elle d’avoir un œil différent sur vos élèves et comment diriger / orienter votre école ?
Le fait d’avoir enseigné l’art pendant plus de 10 ans et d’avoir eu une pratique artistique marque forcément différemment la perception que l’on peut avoir d’un établissement d’enseignement artistique. Cette expérience m’a permis de considérer que devenir artiste ou designer nécessite des temps d’apprentissages différenciés où les compétences s’acquièrent aussi en passant par des circonvolutions paradoxales.
Le temps, le hasard, l’erreur ont, comme nul par ailleurs, ne leur place dans la conception pédagogique de nos écoles. Néanmoins le défi à relever pour les prochaines années consiste à accompagner nos étudiants vis-à-vis des évolutions et des nouvelles exigences en ce qui concerne les métiers de la création en art comme en design.
En quoi l’ESADSE se démarque-t-elle des autres cursus en Design ?
Nous ne sommes pas une école de design, mais bel et bien une école d’art et design avec de la porosité.
C’est bien ce qui caractérise le plus fortement la formation de nos designers. La dimension artistique propre à notre école traverse l’ensemble des cursus y compris celui des designers. Par ailleurs, la présence de la Cité, de la Biennale et de l’école au sein d’un même établissement donne une coloration particulière à la façon dont le design est appréhendé par nos étudiants.
La vocation culturelle et économique de la structure, les liens forts avec le territoire constituent la possibilité de penser le design à l’échelle 1 avec des pratiques créatives qui trouvent des répondants justes, entre exigence, professionnalisation et expérimentation pour l’ensemble des acteurs (entreprises, usagers, collectivités…).
A quoi ressemble votre journée type ?
Cafés, rendez-vous, mails, réunions, déplacements… Comme au travail en fait !
A quoi ressemble votre bureau ?
Arrivez-vous à trouver du temps pour créer ?
Plus du tout vis-à-vis de ma pratique artistique. En revanche, le fait de diriger une école d’art comme celle de Saint-Etienne comporte une dimension créative pour moi évidente.
Orientation, agencement, projection, intuition et vision font parties d’un langage commun me semble-t-il.
Quels sont les designers qui vous inspirent ?
Ceux qui développent une permanence forte au gré de l’évolution des projets et des évolutions de société. Je pense par exemple aux photographies d’Ettore Sottsass, je me suis longtemps interrogé sur la signification presque obsessionnelle de leur caractère thématique et décalé.
J’ai fini par comprendre récemment qu’il s’agissait d’une façon de manifester cette permanence au-delà du travail du designer qui nécessite obligatoirement de la compromission.
Comment voyez-vous le métier de directeur d’école de design de nos jours ?
Je viens de l’art et de ses pratiques, si mes acquis me poussent à considérer que la connaissance de la création est absolument primordiale et nécessaire, il faut tout de même considérer que le monde de l’enseignement supérieur artistique est aujourd’hui plus que jamais confronté à une prise de conscience concernant son rôle à jouer dans la société au regard des enjeux de l’enseignement supérieur.
Il s’agit donc de maintenir les équilibres entre une formation qui favorise le développement de l’individu et sa créativité, qui intègre la complexité de l’évolution des systèmes (productifs, sociétaux…) et qui ne néglige pas la réalité économique environnante. Rajoutons à cela la psychologie et la stratégie et vous avez le prototype du directeur qui sera à sa place.
Directeur depuis 2007 du côté de Saint-Etienne, de quoi êtes-vous particulièrement fier ?
D’avoir privilégié le collectif à l’individuel.
Où vous voyez-vous dans 5 ans ? 10 ans ?
Dans cinq ans à la direction de l’ESADSE car il faut du temps pour développer une ambition.
Dans 10 ans, dans mon atelier d’artiste ou à la direction d’une autre école en France ou à l’étranger.
Pensez-vous qu’il y ait un problème pour les designers en France ?
Assurément, les entreprises françaises considèrent encore trop souvent que le design n’est que la résultante d’un besoin final associé au produit.
A contrario, la formation des designers ne prépare pas encore suffisamment à assumer l’ensemble des fonctions assignées au design qui vont de la stratégie de marketing à la conception du service ou du produit. Tant que la chaine de l’innovation sera incomplète, le redressement créatif annoncé prendra du retard vis-à-vis des modèles étrangers bien plus lucides sur de tels mécanismes.
Merci à Yann FABES, pour sa disponibilité en répondant favorablement à ma demande, ainsi qu’à Eugénie BARDET, pour son rôle d’intermédiaire en tant que Chargée des relations presse.
Pour plus d’informations sur l’école : ESADSE
By Blog Esprit Design