Dans notre série "Que Sont-Ils Devenus", aujourd'hui je vous propose de nous pencher sur ce que fait notre Assemblée Nationale. En effet, le "débat" sur le mariage homosexuel est liquidéterminé. Le budget, plaisanterie à classer dans le comique de répétition, n'y est pas encore en discussion avant plusieurs mois et, à vrai dire, n'intéresse personne d'autant qu'il n'y a que le volet "impôts" à gonfler. Alors, que font donc nos députés ?
Eh bien ils turbinent dur pour notre avenir ! On les sent, tendus comme des cordes de piano, en résonance avec le battement rythmé de la démocratie française frémissante, prêts à en découdre et à défendre les moindres amendements, les plus petits alinéas pour s'assurer que chaque citoyen sera correctement dorloté, que chaque intérêt qui leur a été confié, en juin 2012, par un peuple haletant d'impatience socialiste, sera respecté scrupuleusement et porté haut vers les fonds baptismaux de l'adoption parlementaire. Trop chou.
Oui, bon, en pratique, ils font un peu de présence, et continuent sur la lancée actuelle : tant que les indemnités tombent, ils produisent de la loi, régulièrement, comme une bonne longueur d'intestin grêle suivie d'une autre bonne longueur de gros intestin en pleine digestion continue. Et la production obtenue est exactement à l'image de la tuyauterie évoquée, avec par exemple cette semaine l'adoption sans tambours ni trompettes de la réforme des élections anciennement cantonales et maintenant départementales.
À présent, on dira "Conseil départemental" au lieu de conseil général, on fera des élections départementales au lieu de cantonales, et les modes de scrutins seront un peu plus simples. Il y a quelques modifications dans la répartition et le nombre des élus municipaux dans la capitale, des bricolages plus ou moins pratiques ici ou là, et voilà, on a fait le tour. Une grande avancée de la démocratie, tsoin tsoin, un pas en avant pour la simplification administrative (et puis ça évitera aux journalistes de se perdre entre conseil général et régional), emballez, c'est pesé.
Comme on peut le voir, c'est du solide, du dur, du concret, du qui tache.
Bien sûr, au moment même où la France enregistre un quasi-record de chômeurs, le citoyen tatillon pourrait se demander pourquoi il n'y a pas un vrai travail de fond mené par toute cette brochette de clowns onéreux les députés afin de comprendre pourquoi on en est arrivé là. Il peut objecter qu'il est probablement plus urgent de simplifier le code du travail que celui des procédures de votes pour les élections truc machin. Mais le citoyen est bête, il ne comprend pas à quel point cette réforme était in-dis-pen-sa-ble à la survie de la démocratie en France. Donc le citoyen, il va fermer sa grande jatte, payer ses impôts et passer aux autres lois votées.
Parce que bon, faut pas croire, mais les députés, ils ont du pain sur la planche, hein. À part la réforme des élections départementales, ils ne chôment pas, eux (au contraire d'un nombre croissant de ces citoyens qui pourraient faire un peu amende honorable devant ces fiers élus bosseurs, des fois, hein, merde, non mais dites à la fin).
Ainsi ont-ils compris le message des incompétents élus happés dans l'enfer des prêts trop complexes (sans rire), comme ce pauvre Bartolone ou cet encore plus pauvre Gatignon, qui, emberlificotés dans des explications vasouillardes pour expliquer l'inexplicable (leur signature en bas de contrats très clairs mais très risqués), réclament maintenant et comme d'habitude une bonne socialisation de leurs pertes (de lucidité et de toute honte). Et devant leur désarroi, pourquoi ne pas voter une bonne petite loi de derrière les fagots qui obligera les emprunts souscrits par les collectivités territoriales à respecter quelques critères simples pour éviter toute méchante complexification introduite par de vilains banquiers avides d'horribles profits ?
Eh bien on va faire juste ça, tiens ! On va proposer de l'amendement sur la régulation bancaire, pour bien tout spécifier ce qu'il faut en terme de prêts, et interdire les montages bizarres. Bon, certes, les clauses de limitation d'évolution des prix dans les contrats existent en droit public depuis déjà pas mal de temps, et il suffit de se référer à la jurisprudence du Conseil d’État pour s'en convaincre, mais baste, passons : les zélus voulaient de la loi, ils ont eu de la loi. Et maintenant, ça y est : finis les méchants prêts toxiques ! Les communes vont être sages, à présent. Hat Tip Bartolone et bisous Gatignon.
Pfiou. Voilà. C'était essentiel. Pour les retraites dont on sent confusément qu'elles vont partir en sucette dans peu de temps genre hier ou même avant, on verra ça, mais plus tard. Il y a plus essentiel et le branlomètre est à 90, ce n'est pas le moment de faiblir.
Par exemple, on pourrait ... On pourrait ... Mmmmh... Tiens, si on interdisait les concours de Mini-Miss ?
Comme le reporte avec un titre joliment trouvé le MidiLibre (et d'autres fines feuilles du web qui reproduisent avec plus ou moins de fidélité la prose soporifique de l'AFP), Chantal Jouanno, la député dont la coloration politique a -- un temps -- pu s'apparenter à ce qu'on appelle "opposition" en France, propose donc d'interdire les concours de "Miss" aux gamines de moins de 16 ans, afin "de les protéger de l'hypersexualisation".En substance, il faut absolument intervenir dans la vie des enfants dont les parents (ces fous) ne savent pas s'occuper, et surtout, interdire tout ça parce que ces concours comportent plein de risques "tant du point de vue psycho-affectif pour le développement des enfants que sociétal, du point de vue de l'apprentissage de l'égalité entre les sexes". Comprenez-bien la brave Chantal : si les concours de Miss se déroulaient avec des fillettes habillées en camionneurs ou en grutiers, on pourrait discuter. Mais des fillettes maquillées et habillées en princesse, c'est, de toute évidence, une atteinte manifeste à l'égalité des sexes. L’État doit dire stop : les Mini-Miss ne doivent plus avoir le droit de se pavaner devant tout le monde !
(On ne m'ôtera pas de l'idée que Jouanno veut ainsi tout faire pour interdire à Taubira de rentrer dans l'hémicycle, mais bref...)
Et pour la violence quotidienne ? Eh bien mes petits amis, tout ceci n'est pas simple, il faudrait pouvoir insérer ce délicat sujet entre les importantes matières évoquées précédemment (les emprunts capés, les Mini-Miss, les élections départementales) et un autre sujet, bien plus prégnant actuellement, et qui va, soyons-en sûr, mobiliser une partie de nos élus à un nouveau marathon parlementaire : bientôt, l'Assemblée Nationale devra accueillir une crèche pour ses jeunes parents !
Mais voilà (snif snif) : ce n'est pas simple, pour des députés jeunes papas ou jeunes mamans, ou pour le personnel de l'Assemblée, de trouver des gens pour s'occuper de leur progéniture ! Les locaux de l'Assemblée sont exigus et peu adaptés à ce genre d'activités (encore qu'avec le niveau général de nos élus, la garderie semble fonctionner sans problème), et on comprend qu'avec les émoluments d'un député ou d'un personnel statutaire de l'institution républicaine, démocratique et détendue du slip quand il s'agit de claquer nos thunes, ce n'est pas toujours simple de prendre une nounou.
Bref : comme vous le voyez, nos députés travaillent d'arrache-pied à nos vrais problèmes de Français. On les sent, le devoir chevillé au corps, prêts à déplacer des montagnes pour rendre notre avenir plus scintillant qu'il ne l'est encore. Avec un tel dévouement de leur part, avec autant de courage et d'abnégation chez nos élus, pas de doute, ce pays est foutu.
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