Le modèle français pèse de plus en plus lourd sur une économie de plus en plus fragile. Les prélèvements colossaux rongent la compétitivité des entreprises françaises à l'international et mettent en péril leur rentabilité, rendant de plus en plus difficile la création de nouvelles activités.
L'orientation de l'économie, décidée à grands renforts d'investissements subventionnés, ne fonctionne pas ; ni l'économie verte, ni l'économie sociale et solidaire, ni les nombreux emplois aidés ne tiendront leurs promesses, pas plus que ne seront tenues les promesses de campagne de François Hollande. Ce n'est pas tant les choix politiques qui sont à mettre en cause – bien qu'ils soient calamiteux – mais l'idée même que l’État peut orienter dans la bonne direction l'économie d'un pays et qu'il est légitime qu'il le fasse.
On peut agir sans tenir compte de la réalité, mais on ne peut pas s'affranchir de la réalité ; les décisions déconnectées du réel et le déni de plus en plus manifeste auront des conséquences désastreuses qu'anticipent depuis des années les plus lucides sans trouver auprès des politiques, des médias et de l'opinion l'écho que devraient avoir leurs constats et prévisions.
La situation actuelle n'est pas rose en France, et on peine à comprendre comment un retour prochain de la croissance pourrait survenir. Le chômage augmente, l'économie tourne au ralenti, les consommateurs ne consomment plus alors même que n'ont pas été entamées les mesures d'économie nécessaires à l'assainissement des finances publiques et de la dette. Les mécanismes qui pourraient permettre de se rendre compte d'un impossible équilibre entre dépenses croissantes et recettes en berne interviennent tardivement, et il faut longtemps aux plus grands spécialistes d'une vision biaisée de l'économie pour se rendre compte que leurs modèles ne fonctionnent pas malgré leurs fréquents ajustements.
On ne peut savoir avec précision ce qu'il va se passer, mais on sait d'avance que ça ne sera pas beau à voir. L'ajustement longtemps repoussé le sera peut-être encore pour un temps, mais il surviendra et sera dur. L'assainissement des finances publiques prendra longtemps, si tant est qu'il survienne – convaincus que l’État est la solution plutôt que le problème et peu sensibles à la liberté, les Français pourraient choisir un autre chemin. Mais c'est le seul chemin pour renouer un jour avec la prospérité et la croissance.
Ce chemin suppose avant tout un retour à des valeurs saines et à des interactions fondées sur le libre consentement. L'individualisme ne doit pas être décrié, au contraire, à condition qu'il soit rationnel ; c'est en agissant dans leur intérêt propre que les individus prennent les décisions qui créeront le plus de valeur et contribuent à une plus grande prospérité, et c'est aussi ainsi qu'ils sont les plus heureux.
L'individualisme suppose le respect des droits fondamentaux des autres individus ; il ne s'agit pas de faire régner la loi de la jungle, mais au contraire de faire régner la raison. Il requiert des individus qu'ils cherchent à connaître leur intérêt à long terme et à comprendre l'origine rationnelle de leurs émotions ; l'intégrité vis-à-vis de leurs valeurs en est une conséquence logique.
J'ai personnellement découvert l'importance de la raison et de la réalité en jouant aux dames. J'y jouais régulièrement avec ma grand-mère étant enfant et, systématiquement, je perdais. Frustré, je commençais à penser qu'elle ne m'aimait pas assez pour me laisser gagner ; lorsque je m'en suis plains auprès d'elle, elle m'a, en quelques mots, donné une leçon que je n'oublierai jamais : elle m'a fait comprendre que je ne tirerais aucun réel plaisir d'une victoire en sachant qu'elle m'avait laissé gagner – et qu'à l'inverse, je saurai, le jour où je la battrai, que ma victoire serait méritée.
Je n'ai jamais gagné aux dames contre ma grand-mère, mais peu importe ; je sais depuis ce jour, qu'on ne tire de réel plaisir et ne peut être réellement heureux que si on peut rationnellement comprendre la source de nos émotions et les ancrer dans la réalité.
Aujourd'hui, cet ancrage dans la réalité permettrait aux Français de comprendre que des promesses intenables ne peuvent être tenues, et une analyse rationnelle leur permettrait de savoir que le soutien étatique à la croissance génère une croissance artificielle qui prendra fin quand l'argent public viendra à manquer. Mais ils subiront alors les conséquences de l'élusion de la réalité qui aura été la leur ; ils subiront prochainement l'impact de la crise, la vraie, et devront trouver une solution pour rembourser plus de 1 900 milliards d'euros de dette.
Ceux qui avaient anticipé et expliqué les événements à venir ne tireront pas une grande satisfaction de leur lucidité, mais espèrent ardemment que, cette fois, les Français entendront raison et feront leurs les principes de la liberté et du droit naturel.