Vous n'avez encore rien vu // De Alain Resnais. Avec Mathieu Amalric, Pierre Arditi, Anne Consigny et Sabine Azéma.
Je dois avouer que j'ai toujours trouvé le cinéma d'Alain Resnais un peu expérimental. Ce mélange de cinéma et de théâtre dans un film est un pari qu'il risquera tout au long de
sa carrière. Bien que je suis plus fan de Pas sur la Bouche que de Smoking / No Smoking (pour parler de ses précédentes oeuvres), j'étais curieux de voir comment
il allait se démerder avec le sujet de Vous n'avez encore rien vu. Je suis tellement curieux que comme le personnage sur l'affiche, il me fallait espionner cela de mes propres
yeux. Mais au fond, peu importe si l'on aime ou pas le style d'Alain Resnais, il y a toujours ce côté tellement bizarre qui donne envie d'aller jusqu'au bout. Et ce malgré
quelques grosses longueurs et des passages un peu pâles. Mais le but de Vous n'avez encore rien vu était clairement de tenter quelque chose de différent dans sa filmographie, un
peu comme il peut le faire avec le reste de ses films certes. Mais ici encore plus.
Antoine d’Anthac, célèbre auteur dramatique, convoque par-delà sa mort, tous les amis qui ont interprété sa pièce "Eurydice". Ces comédiens ont pour mission de visionner une captation de
cette œuvre par une jeune troupe, la compagnie de la Colombe. L’amour, la vie, la mort, l’amour après la mort ont-ils encore leur place sur une scène de théâtre ? C’est à eux d’en décider. Ils ne
sont pas au bout de leurs surprises…
Le mariage entre la pièce de théâtre que l'on voit jouer et celle qui est rejouée par les acteurs du film est particulièrement étrange. Du début à la fin nous avons l'impression de vivre une
expérience hors du commun et ce malgré le côté pèchu du truc qui malheureusement n'accroche pas le spectateur du début à la fin. La rencontre entre le cinéma et le théâtre se fait très souvent
dans des vaudevilles (comme Le Prénom récemment). Mais le mariage est différent. C'est un mariage beaucoup plus polissé, notamment grâce à une histoire très bien transposé dans
le monde du cinéma. Alors qu'Alain Resnais préfère lui créer quelque chose de différent, partir de l'oeuvre brute pour en faire quelque chose de cinématographique. C'est très
complexe, surtout dans la manière dont le tout est orchestré. Mais je suis assez d'accord avec la manière dont il introduit le sujet (l'appel téléphonique, le rassemblement des acteurs autour
d'une cause). Et puis nous avons la chute de l'histoire, très astucieuse, qui permet de chambouler en quelque sorte tout ce qui avait été fait lors de l'introduction.
Le décor de la maison perdue en haut des montagnes, le décor de cette veillée funèbre étrange et à l'arrière goût de séance de cinéma (alors que nous assistons à la représentation d'une pièce de
théâtre). Le but de Vous n'avez encore rien vu était de marier en plus de cela deux pièces de théâtre en une seule (et ce n'était pas non plus une des choses les plus simplistes
qu'il soit). Jean Anouilh, dont je ne connaissais pas encore le travail (avant de voir son nom au générique et donc le film), voilà que Resnais prouve que le
cinéma français peut encore faire des choses étonnantes (bien que cela soit très fermé en termes de cinéma). Ce n'est pas grand public et il est assez complexe de rentrer dedans dès les premières
minutes (surtout quand l'on sait qu'au beau milieu du film certains creux viennent ennuyer le spectateur). Mais en grand amateur de théâtre (et accessoirement ancien acteur de théâtre amateur),
je me devais de voir ce que Vous n'avez encore rien vu avait à nous proposer. Pour moi c'est réussi. Merci Alain Resnais.
Note : 7/10. En bref, un cinéma audacieux qui tente un mariage impossible entre le théâtre et le cinéma de façon brutale et peu orthodoxe. Du Alain Resnais dans
toute sa splendeur et certainement l'une de ses oeuvres les plus complexes et les plus fascinantes. Il retrouve même son duo fétiche (Pierre Arditi / Sabine
Azéma) pour le meilleur.