Magazine Humeur

L'histoire avec un petit "h"

Publié le 12 avril 2008 par Jlhuss

histoire-dun-allemand-1.1207563808.jpgCurieuse confrontation que celle de l’Histoire avec un grand “H” décortiquée par les spécialistes et celle ressentie et vécue par les “humbles” et ceux qui là subissent. Le décalage est profond. Ce qui apparaîtra déterminant aux professionnels est souvent passé inaperçu des “figurants” du moment.

Sébastien Haffner décrit avec talent son vécu de l’entre deux guerres, la montée des nazis en Allemagne. Il le fait avant l’éxil, avant la guerre, la voyant venir. Il essaye sans se faire aucune illusion de prévenir l’issue “fatale”. Son manuscrit sera retrouvé bien plus tard, dans un tiroir de bureau, après sa mort, alors que revenu en Allemagne il est devernu un journaliste et un historien de renom.

Histoire d’un Allemand ne fut jamais publié avant la mort de son auteur, survenue il y a quelques années. Pourtant peu de témoignages ont décrit avec tant de justesse ce gigantesque “crime sans criminels” (sic) qu’est le IIIe Reich.

Ce sont ses descendants qui publieront l’ouvrage en 2000 ! Pourquoi cette pudeur ? L’historien “professionnel” récusait-il ses observations d’étudiant ? Cette édition retardée est en elle-même une énigme, une question. L’auteur refusait-il, sur le tard, d’assumer le “décalage” ?
“Je vais conter l’histoire d’un duel. C’est un duel entre deux adversaires très inégaux : un Etat extrèmement puissant, fort, impitoyable - et un petit individu anonyme et inconnu.”
“On y verra que tel “événement historique” passe sur la vie privée -qui est la vraie vie- comme un nuage au dessus d’un lac : rien ne bouge, on aperçoit tout juste un reflet fugitif. Tel autre agite l’eau à la façon d’un ouragan, au point que le paysage en devient méconnaissable. Quand au troisième, il sera peut-être capable d’assècher tous les lacs.
Je crois qu’on ne peut pas comprendre correctement l’histoire si on oublie cette dimension -et on l’oublie presque toujours.”
Face à la “résistible ascension” d’Adolf Hitler, Sebastian Haffner fait preuve d’une luciditéhistoire-dun-allemand-2.1207563826.jpg

pour le moins extraordinaire - à tel point qu’on crut un moment ses écrits, débutés à Londres en 1938, pour apocryphes. Il se trouva totalement désemparé face au naufrage de sa nation. Il vit impuissant se déliter l’Allemagne, s’effondrer le masque des “hommes ordinaires” montrant la transformation de pères de famille allemands en bouchers du front de l’Est. Il ne trouvera de salut que dans l’exil, où il rédigera ce chef-d’œuvre historique… et littéraire.

Au delà des desciptions “épiques” comme celle de l’inflation de 1923, avec sa grotesque et tragique valse des zéros, celle de la fascination des enfants pour la comptabilité macabre mais abstraite de la guerre ( la grande), c’est ce ressenti du peuple, son abdication progressive, sa passivité se transformant en bienveillance qui fait froid dans le dos. On assiste à l’arrivée du désastre, étape par étape en percevant que rien pourtant n’est jamais une “fatalité”.

“Vingt ans d’histoire Allemande vue par le bout de ma lorgnette” écrit l’auteur dans son prologue après avoir cité Goethe : “L’Allemagne n’est rien. Mais chaque Allemand pris en lui-même est beaucoup” . Ainsi les responsabilités individuelles ne sont pas évacuées.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jlhuss 148 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines