Magazine Culture

Ils étaient 1200 pour défendre Brocéliande !

Publié le 04 mars 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

Devezh mat, Metz, mont a ra ? J’aurais pu vous raconter, pour faire comme dans les textes de notre grand ami Cédric Boyon, que samedi dernier, j’ai taillé de la route au volant d’une Chrysler décapotable sous le ciel étoilé menant vers une grande cité qui ne dort jamais, avec une bouteille de whisky à portée de main et une superbe créature vêtue d’une robe moulante et échancrée ne laissant ignorer aucune de ses courbes à mes côtés, le tout au son de l’intégrale de Sinatra… Mais la réalité est un petit peu plus nuancée : j’ai bien taillé la route, mais dans une Twingo ; j’avais bien une bouteille à portée de main, mais elle ne contenait que de l’eau ; faute de lecteur CD, l’autoradio ne faisait entendre que les braiements des têtes de cul de la chanson française, et encore, quand il daignait marcher ; il y avait bien une superbe créature à mes côtés, mais comme je n’ai pas mon permis, c’est elle qui conduisait, et ses charmes étaient emmitouflés dans de bon gros lainages, vu qu’en fait de ciel étoilé, nous n’avions que le froid persistant de l’hiver et une fine pellicule blanche que le soleil semblait vouloir percer sans jamais y arriver ; de toute façon, nous n’allions pas dans une cité qui ne dort jamais mais vers le petit village de Concoret dans le Morbihan (département 56).

Cliquez pour agrandir.

Cliquez pour agrandir.

J’aurais aussi pu vous raconter, pour faire comme dans les reportages du journal de Jean-Pierre Pernault, que nous allions goûter au charme délicat et désuet de ce petit village paisible ; mais une fois encore, la réalité n’est pas aussi douce qu’on le souhaiterait : si j’allais là-bas avec mon amie Marjorie (c’est juste une amie, ben oui, hey, what did you expect ?), c’était pour participer à la manifestation organisée pour protester contre l’installation, prévue la préfecture, d’installer une décharge géante et une usine de traitement des déchets…à la lisière de la forêt de Brocéliande ! Et oui, vous avez bien lu ! La forêt mythique de la Bretagne, celle de Merlin et du roi Arthur est considérée par l’État comme une poubelle ! Ça va faire joli dans le paysage, tiens ! Sans parler des problèmes que ça risque de poser pour la santé des gens du coin ! Voilà bien l’humanisme de façade de la Ripoublique française : par-devant, on met en avant le patrimoine pour attirer les touristes, par-derrière on le saccage sur l’autel du profit ! Par-devant, on prend douze milliards de précautions pour la santé publique, par-derrière, les pauvres Bretons ruraux peuvent bien crever tant que ça rapporte ! Par-devant, c’est « sauvons la nature », par derrière c’est « sauvons nos dividendes » !

Cliquez pour agrandir.

Cliquez pour agrandir.

Rien d’étonnant à ce qu’il y ait eu plus un millier de personnes, samedi dernier à 14h00, sur la place de l’Église de Concoret, effectivement un charmant village, pour protester contre cette aberration ; ils venaient essentiellement des communes concernées par cette menace, à savoir Concoret évidemment mais aussi Gaël et Muël ; il y en avait de tous les âges, depuis les plus vieux jusqu’aux petits enfants, lesquels ont pu profiter des poneys qui étaient sur place ainsi que d’autres animaux comme une chèvre naine des ânes tirant une petite carriole ; les motivations étaient relativement diverses, depuis les bretonnants à chapeau rond et à drapeau noir et blanc (au passage, ça m’aura au moins rappelé qu’il existe un parti breton) qui tiennent à sauvegarder Brocéliande en tant que partie intégrante de l’identité bretonne jusqu’aux citoyens chez qui les préoccupations écologistes vont de pair avec le refus de voir le paysage gâché en passant par les maires des communes qui gardent en travers de la gorge le peu de cas que fait la préfecture de la vie de leurs électeurs, les gens qui vivent toute l’année aux alentours de ce que des guignols ministériels, sous leur lambris dorés, ne voient plus que comme une future décharge…

Cliquez pour agrandir.

Cliquez pour agrandir.

On entendait mal le laïus qui précède habituellement chaque manifestation, couvert par les conversations des manifestants, d’autant que l’orateur n’avait pas le dernier cri en matière de matériel sonore à sa disposition, mais qu’importe ! Ces discours ne prêchent jamais que des convertis : l’aspect militant s’est vite effacé au profit de l’aspect citoyen et à 14h45, comme un seul homme, ce cortège bigarré et pas funèbre pour un sou s’est mis en marche vers le lieu-dit le Point-Clos où est prévue sur l’installation de l’usine, sans marquer de pause avant d’être arrivé sur place, malgré le froid de canard auquel les littoraux comme moi ne sont guère habitués… Il y eut peu de cris, cela aurait été peu utile dans ce cadre rural où il y avait peu d’habitations et donc peu de gens à faire sortir ; pas beaucoup de chants non plus, au grand dam de Marjorie, mais il n’est pas aisé de chanter en marchant par ce froid, surtout dans les montées, je peux l’attester : ceux qui ont joué de l’accordéon et, surtout, de la clarinette, avaient bien du mérite… Pas de violence non plus, la gendarmerie escortait le cortège qui se déplaçait pacifiquement sur la voie carrossable : la presse était là et n’a pas manqué de relayer la nouvelle de la manif, pour le plus grand plaisir des organisateurs dont la pétition a d’ailleurs recueilli plus de 25.000 signatures à l’heure où j’écris ces lignes. En revanche, une certaine imagination dan les slogans et aussi dans les pancartes elles-mêmes, comme peuvent l’attester les photos que j’ai prises.

Cliquez pour agrandir.

Cliquez pour agrandir.

À 16h00, les manifestants étaient déjà tous arrivés à la lisière de la forêt, au Point-Clos, et purent ainsi regarder de leurs propres yeux quel paysage les affreux vieillards au pouvoir veulent sacrifier ; ils purent aussi en profiter pour se désaltérer avec un coup de cidre ou de jus de pomme bio : pour ma part, je n’ai pas pu m’empêcher de donner des coups de pied dans le panneau, portant le blason de la République, annonçant les travaux, qui était planté là comme un étendard de l’empire romain au milieu d’un village gaulois… Fin de la grande marche, les participants purent soit regagner leur pénates soit rester sur place profiter d’une campagne non encore saccagée par des fossiles ennemis de la vie dont la mentalité n’a fait aucun progrès depuis les années 1970… Cette action citoyenne les fera-t-elle reculer ? On l’espère sans trop y croire… Kenavo, les aminches !

Cliquez pour agrandir.

Cliquez pour agrandir.

Share

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Legraoully 29555 partages Voir son profil
Voir son blog