Nous avons rendez-vous ce soir à 20 heures à l’Hôtel des Variétés, chambre 802. Le hall est plutôt cosy et l’ambiance feutrée, parfaite pour ce genre de rencontres.
J ‘apporte à boire comme elle me l’a demandé. J’ai choisi une bouteille de champagne, du Dom Pérignon pour être sûr de ne pas me tromper. Le petit détail qui fait mouche. Mais je n’amène pas de fleurs, jamais, c’est beaucoup trop convenu.
Je me demande comment elle sera habillée, une tenue sexy avec string et porte jarretelles comme je les aime, ou bien une
tenue beaucoup plus sage ? J’espère simplement que ça ne sera pas une chemise de nuit comme la dernière fois, même en dentelle, il ne faut quand même pas exagérer. Sera-t-elle maquillée, les
lèvres outrageusement ornées d’un rouge brillant ou restera-t-elle plus naturelle ? J’adore ces moments où l’imagination est encore reine, où tout est possible. C’est à chaque fois la
surprise et c’est le plaisir de ce genre de soirée. Ma seule demande est d’ailleurs de garder la lumière éteinte, elle doit m’attendre et m'accueillir dans la pénombre pour que je puisse choisir
le moment où je la découvrirai enfin.
Je l’imagine qui regarde sa montre et s’impatiente, qui m’attend en fouillant la chambre du regard pour vérifier que tout est bien rangé, que tout est prêt. Je ne suis jamais en retard mais je ne
frapperai à la porte de la chambre qu’à l’heure dite, même si je dois rester quelques minutes dans le couloir. La ponctualité est la politesse des rois et l’attente crée un climat particulier,
propice à ces rendez-vous secrets. Lorsque je suis très en avance, il m’arrive même quelquefois d’écouter à la porte, l’oreille collée contre le battant, à l’affût du moindre bruit qui me
donnerait une indication sur le programme de la soirée.
J’arrive devant la chambre 802 et la porte est entrouverte, comme convenu. Il est 20 heures piles, je pousse la porte et j’entre doucement. La moquette étouffe le bruit de mes pas mais je sais qu’elle m’entend. J’enlève ma veste en cuir qui couine dans la semi-obscurité et la pose avec la bouteille sur le guéridon que j’ai repéré en entrant. Je distingue dans la pénombre une forme allongée sur le lit. Immobile. Offerte ? Sa voix au téléphone était grave et sensuelle, la voix d’une femme plutôt mûre. Je sens flotter dans la pièce une douce odeur vanillée et épicée, Angel je crois. Un de mes parfums de femme préférés.
Il est temps pour moi de confronter l’image que je me suis créée d’elle à partir de sa voix et de son odeur à la réalité. Mais il n’y aura aucune surprise pour elle qui m’a choisi sur photo, dans le catalogue de l’agence. J’allume enfin la lumière…
Fiat Lux...
Sur le lit gît à la façon d’une baleine échouée sur la plage, une femme (enfin je crois…) qui me sourit de ses dernières dents. Elle est habillée de portes jarretelles qui ne réussissent
cependant en aucune façon à la rendre ni sexy, ni désirable. Elle ne porte hélas rien d’autre, notamment pas de chemise de nuit dont j’aurais pourtant préféré, ce soir, juste ce soir, la
présence. Certaines surprises ne sont pas bonnes !
J’ai la réputation de faire passer une nuit de rêve à toutes les femmes qui s’offrent mes services. Je n’ai jamais été mis en défaut. Dans les situations désespérées, et c’est le cas ce soir, j’ai avec moi la pilule bleue magique qui me permettra de faire passer une nuit agréable à ma cliente.
Ensuite je boirai la bouteille de Dom Pérignon . Il me faudra bien ça pour me remettre !
.
Je vous mets en ligne le poème dans l'après-midi.