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Audition du général Henri Bentégeat sur la politique de défense et l'Europe de la défense par le Sénat

Publié le 04 mars 2013 par Egea
  • Défense
  • France
  • Livre blanc

Le 12 février, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a auditionné le général Henri BENTEGEAT, ancien chef d'état-major des armées, sur la politique de défense et l'Europe de la défense. Pascal Tran-Huu nous rend compte des débats, merci à lui.

Audition du général Henri Bentégeat sur la politique de défense et l'Europe de la défense par le Sénat
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Pour l’ancien président du Comité militaire de l'Union européenne, depuis 2008, année de la parution du dernier Livre blanc, le contexte stratégique a connu 4 évolutions majeures :

  1. 1. La crise économique et financière qui a surtout touché l'Europe et les Etats-Unis et qui a eu pour effet de réduire significativement les budgets de la défense partout en Europe alors que les dépenses militaires des puissances émergentes ont continué à s'accroître ;
  2. 2. Le« printemps arabe », dont les développements restent encore très incertains, mais qui produisent déjà certains effets avec la crise de la gouvernance mondiale ;
  3. 3. Le rebond de l'OTAN, avec le succès de l'intervention en Libye, le retour de la France au sein du commandement militaire intégré et le lancement de deux grands projets : la défense anti-missiles et la « smart defence » ;
  4. 4. Le retour de l'Afrique illustré par l’opération Serval.

De ces principales évolutions, Bentégeat tire 4 conclusions :

  1. 1. Un repli des Etats-Unis qui estiment que les Européens devraient jouer un plus grand rôle pour assurer la sécurité dans leur voisinage ;
  2. 2. Les évènements en cours dans l’Afrique subsaharienne ont démontré la pertinence de nos bases prépositionnées, gage d’une intervention rapide ;
  3. 3. Les Européens manquent de plus en plus de moyens mais aussi et surtout de volonté politique pour bâtir l'Europe de la défense ;
  4. 4. Un nouveau mode d'action de la communauté internationale caractérisé par une « guerre aérienne » en évitant d’engager des troupes au sol (cf. l’Affaire libyenne) alors que chaque crise, chaque intervention est spécifique.

« la principale conclusion que je retire est qu'il n'y a pas de changements majeurs dans la typologie des conflits auxquels nous pourrions être confrontés, que nos lacunes capacitaires sont bien identifiées, et que les foyers de tension restent toujours aussi vifs et qu'ils se sont même accentués avec des facteurs nouveaux d'incertitude, comme la crise de la gouvernance mondiale, la nouvelle attitude américaine ou les conséquences du « printemps arabe ». »

Face à ce constat, Bentégeat estime que l’OTAN reste indispensable sans « s'illusionner sur le renforcement de la place et de l'influence des Européens au sein de l'Alliance ou sur la création d'un « caucus européen » que les Américains ne pourront jamais accepter. » Sans non plus se laisser dévorer par l’Organisation surtout du point de vue budgétaire. A ce propos, l’ancien CEMA a précisé que « pour financer les projets de l'OTAN, nous devions renoncer chaque année à l'équivalent de trois hélicoptères de combat. »

L'Union européenne reste indispensable et un atout incontestable pour la France et l’ancien Président du Comité militaire de l’UE de préciser que « L'Union européenne est aussi la seule organisation au monde capable d'agir globalement sur une crise, de mobiliser un ensemble des moyens - militaires ou civils, tels que l'aide au développement ou en matière de police, de justice ou de douanes - pour faire face à une situation de crise, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui une « approche globale ». »

Comment faire pour relancer l’Europe de la défense ? Pour Bentégeat il faut :

  1. 1. Mettre en œuvre le Service européen pour l’action extérieure qui ne dispose toujours pas de procédures, de structures de gestion de crise, de procédures financières ;
  2. 2. Soutenir plus fortement l'agence européenne de défense

En matière de capacité de la défense française, l’ancien CEMA a rappelé que l'idée générale qui guidait le Livre blanc de 2008 en matière de capacités militaires répondait à trois logiques :

  1. 1. dissuader toute menace majeure ;
  2. 2. être capable d'exercer le « leadership » sur une opération militaire de moyenne envergure ;
  3. 3. être en mesure de participer à une vaste opération militaire avec nos alliés en étant capable d'influer et de peser sur la stratégie d'ensemble.

Logiques qui restent globalement valables, toutefois la mise en œuvre se heurte, et se heurtera à un problème budgétaire qui imposera de réfléchir sur le poids de l’outil dont l’arme nucléaire.

« La dissuasion nucléaire représente aujourd'hui environ 20 % des crédits d'investissement en matière de défense. Mais, dans l'éventualité d'une diminution du budget de la défense, notamment en matière de dépenses d'investissement, cette proportion pourrait augmenter pour atteindre 25 à 30 %. Est-ce qu'un tel poids de la dissuasion au sein de notre effort de défense est supportable ? Ne risque-t-il pas d'avoir un « effet d'éviction » insupportable sur l'équipement des forces classiques ? C'est un vrai sujet. »

Plus loin, Bentégeat estime que « Si l'on cherche vraiment à réaliser des économies, je pense qu'il faudra passer à plus de « rusticité » dans nos équipements, ce qui demande un effort conjoint de la part des chefs d'état-major des armées, de la direction générale de l'armement et des industriels. »

Concernant la réorganisation du ministère de la défense etla redéfinition du rôle du CEMA que prépare le cabinet du Ministre de la défense, Bentégeat avertit que « l'organisation du ministère de la défense passant ainsi d'une finalité opérationnelle à une finalité administrative et gestionnaire… Or, en retirant au chef d'état-major des armées les bases de son autorité sur les trois chefs d'état-majors de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, on relancera inévitablement les guerres intestines interarmées, les querelles stériles et incessantes entre les uns et les autres, qui avaient cours avant la réforme de 2005, avec les incohérences et les distorsions qui en résulteront »

Un exposé qui s’est conclu par des réponses, à découvrir dans le document joint, à une salve de questions posées par nos sénateurs…

Pascal TRAN-HUU


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