Le 23 février 1981, le lieutenant-colonel Tejero prenait la tête d’un coup d’Etat militaire à Madrid
L’Europe se disloque. En Bulgarie et bientôt peut-être en Slovénie le gouvernement a du démissionner sous la pression de la rue, en Grèce on fait appel à des mercenaires et on flirte avec les nazis, l’Italie est ingouvernable et Beppe Grillo prédit son effondrement en mois de six mois, au Portugal les manifestations monstres se succèdent.
Et pendant ce temps, le eurocrates poursuivent leur chemin, comme si de rien était, persistant dans leur entêtement et leur rejet des nations, seuls comptent la construction européenne et l’euro.
En Espagne, malgré « le talent » de Rajoy, les espagnols s’enfoncent tous les jours dans la misère, avec un taux de chômage de 26% de la population active et près de 60% chez les jeunes. Une génération sacrifiée. L’Etat de déliquescence du gouvernement espagnol et même de la royauté, tous deux impliqués dans des affaires de corruption, ne fait qu’empirer les choses.
Mais des bruits de bottes pourraient troubler davantage le chaos de la Troïka dans la péninsule ibérique.
« Jusqu’à il y a quelques années, le risque politique était considéré comme quasiment inexistant en Europe. Cependant la crise de la dette souveraine est venue changer brutalement la donne. Le spectre des défauts de paiement sur le Vieux-Continent est réapparu et avec lui les mesures d’austérité qui entraînent toujours les mêmes fléaux: mouvements sociaux, rejet de la démocratie et repli sur le populisme…pouvant jusqu’à entraîner un changement de régime.
On a tort de croire que la paix et la démocratie sont définitivement installées dans la zone euro. C’est une croyance qui fait fi des nombreux défis de l’Union. Il suffit par exemple de s’arrêter sur la situation de l’Espagne pour se rendre compte qu’un changement de paradigme est possible à tout moment.
Le taux de chômage dans le pays est autour de 26%, avec un taux de chômage des jeunes qui est à près de 60% selon les derniers chiffres. L’actuel gouvernement est aux prises avec un scandale massif de corruption qui semble toucher tous les niveaux de décision au sein du Partido Popular et, enfin, le 23 janvier dernier, l’Assemblée de Catalogne a déclaré solennellement que la région est une « entité légale et politique souveraine« . En d’autres termes, la Catalogne est prête à faire sécession. Bref, l’Espagne est au bord du précipice même si on l’oublie trop souvent.
De nombreux observateurs pourront toujours affirmer que les principes démocratiques sont bien ancrés dans le pays et que le risque d’un changement de régime est infinitésimal. Pourtant, c’est faire l’impasse sur l’histoire récente de la péninsule que de croire cela. Le dernier coup d’Etat remonte en effet au début des années 80 et a échoué seulement grâce à l’aura du roi Juan Carlos qui a beaucoup terni depuis.
Ainsi, une conférence organisée le 6 février denier par un centre de réflexion à Madrid et qui portait sur les forces armées et la Constitution a mis en lumière un certain malaise au sein d’une partie des officiers supérieurs de l’armée, notamment face à la gestion de la question catalane. Plusieurs officiers à la retraite ont pris la parole à l’occasion de ce colloque. Rien d’inhabituel à cela jusqu’à l’intervention du Général Juan Antonio Chicharo qui a commandé le corps d’élite de la marine jusqu’en 2010 et fait désormais partie de la réserve.
Il a notamment fait part « d’un sentiment général de préoccupation, de peur, d’incertitude et de confusion » au sein de l’armée espagnole au sujet de la sécession possible de la Catalogne, allant jusqu’à regretter la démission en 2006 du Général José Mena qui s’était publiquement prononcé en faveur de la possibilité d’une intervention militaire afin de mettre un terme aux demandes d’autonomie plus importante de la région.
Il a demandé ensuite, pendant son discours, d’imaginer un scénario qui a de grandes chances d’arriver: si le parti au pouvoir perd sa majorité absolue lors des prochaines élections générales et que les Catalans, en échange de leur soutien, demandent à abroger dans la Constitution la doctrine de « l’indissoluble unité » de l’Espagne, que pourra-faire alors l’armée, s’est-il interrogé. Il n’a pas apporté de réponse mais tout le monde a plus ou moins compris ce qu’il sous-entendait.
Depuis, le général a été réprimandé par sa hiérarchie mais, les propos qu’il a tenu montrent en tout cas une déstabilisation évidente du cadre institutionnel dans le pays sous l’effet des manifestations quasi-quotidiennes contre l’austérité, d’un rejet grandissant de la Maison Royale et du gouvernement et sous les coups de boutoir de la Catalogne. Une situation tout simplement explosive.
Le pays est entré dans une ère de difficultés croissantes et l’évolution actuelle de la situation n’augure rien de bon. Jusqu’à présent, la figure du roi Juan Carlos servait d’unité à la Nation mais ce n’est désormais plus le cas puisque même la monarchie constitutionnelle est de plus en plus critiquée en tant que système de gouvernement. L’armée qui est garante de l’unité de la Nation et du respect de la Constitution pourrait tout à fait intervenir en cas de total discrédit des gouvernants et de risque réel d’implosion de l’unité espagnole. Ce n’est évidemment pas le scénario le plus probable mais, dans tous les cas, on aurait tort de croire que l’Espagne est sur le chemin de la stabilisation. Le pays peut à tout moment s’enflammer, et faire avec lui basculer toute la zone euro dans un cycle infernal. »
Source: Forex