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A propos de la série Vis à Vis de Robert Charlotte par Jean – Baptiste Barret

Publié le 07 mars 2013 par Aicasc @aica_sc

Du 16 mars au 26 avril, l’espace d’art 14°N61°W présente  une exposition de portraits photographiques de Robert Charlotte, Vis à vis. L’AICA Caraïbe du Sud vous propose des Regards Croisés avant et pendant l’exposition.

Robert Charlotte

Robert Charlotte

Robert Charlotte présente dans Vis à Vis une série de portraits de jeunes adultes. D’une facture plutôt classique, ils sont figés et puissants, de face, neutres et sans décor alentour. Certains sont en noir et blanc  et d’autres en couleur, sans que cela ne nuise réellement à la cohérence de l’ensemble.

On les suppose martiniquais ou caribéens mais il n’y pas ou peu d’indices certains. Qu’importe, la revendication nationale ne semble pas le propos majeur. La volonté de mettre en évidence une catégorie sociale populaire est plus manifeste. Les bijoux et certaines attitudes semblent correspondre à des codes culturels que l’on a déjà pu reconnaître dans d’autres d’images fixes ou animées qui nous viennent du monde entier. Des jeunes des quartiers dirait-on, laissant chacun se débrouiller avec cette expression aseptisée. Mais ces images ne sont pas réellement des images documentaires ou sociologiques. Il y a autre chose.

Le véritable lieu du discours semble plutôt se situer dans la force des regards et des postures. Une fois de plus un photographe fait fi des remarques baudelairiennes sur la triviale image et nous confronte à l’humanité. En effet si on ne sait pas grand-chose de ces garçons et filles, leur présence nous est donnée à voir. Ce n’est pas rien. C’est même le principe de force du portrait photographique. C’est quand le spectateur a le sentiment d’être confronté à l’image, quand il ne peut plus s’identifier au sujet que le portrait photo devient une œuvre. La générosité de l’acte photographique qui a produit les images de Vis à Vis a su ménager un espace pour laisser l’autre advenir, pour lui donner vie. La fragilité de l’être humain et sa précarité sont à l’évidence le véritable propos de ces images. Vulnérabilité sociale, mais aussi instabilité biologique des êtres qui redeviendront poussière. C’est cela qui nous touche tous. Si l’homme multiplie les représentations humaines (au moyen de la photographie entre autre), c’est qu’ il est inquiet face à sa condition d’être charnel. C’est la part humaine qui nous est commune à tous que nous recherchons dans les portraits…  La fascination qu’engendre la contemplation des portraits résident dans cette subconscience là . Bien sur cela n’est pas sans rapport avec la transcendance qu’implique toute mise en image.

Robert Charlotte

Robert Charlotte

Ces portraits sont posés. Ils sont donc le résultat d’une relation qui s’est établie entre le photographe et les modèles. Précisément, la magie des portraits posés tient aussi au fait qu’un portrait est en réalité un double autoportrait, celui du photographe et celui du photographié. Le photographe se manifeste par ses choix et ses manières de faire (sa technique). Le portraituré est plus subtil. Il délègue à l’autre le soin de fabriquer l’image de lui qu’il voudra montrer au monde, mais aussi à lui même. Dans le cas de Vis a Vis on imagine que pour l’un et l’autre la démarche n’allait pas de soi. C’est cette tension entre les deux désirs d’image, celui de l’opérateur et celui du sujet qui crée la force des figures de Vis a Vis. Ici point de mutisme ou de neutralité conceptuelle, point de misérabilisme social, la plupart de ces hommes parlent, simplement, avec force, voir avec douceur.

La technique peut nous paraître des plus simples, pourtant tous ceux qui ont déjà photographié leurs amis savent que ce n’est pas si facile. On remarquera donc les cadrages serrés, les lumières choisies ou travaillées, les profondeurs de champs variées ou le grain des épidermes…  Travail à la chambre.

C’est en observant ces techniques photographiques que l’on remarque que les sujets n’ont pas tous reçu le même traitement. Pourquoi ? Est-ce une légère négligence ou au contraire le parti pris de la série ? Cela irait à l’encontre d’une tradition photographique répandue depuis le XIXe siècle (Garanger, Ruff, pour n’en citer que deux). Les cadrages les plus serrés semblent réservés aux plus jeunes qui n’ont pas de bijoux (les plus troublants). Les cadrages qui montrent les épaules mettent-ils en scène des personnes plus sûres de leur statut social ? Peut-être ? Quoiqu’il en soit cela permet à notre regard de faire des différences, d’aller d’une représentation à l’autre et de découvrir un discours formel, apparemment choisi que l’on peut apprécier ou pas.

Depuis Nadar, le catalogue des portraits photographiques n’a cessé de s’enrichir. Robert  Charlotte y apporte une contribution qui n’est pas à négliger. A chacun d’écouter les mots qu’il pourra entendre en regardant ces images. A chacun d’y croire.

Sur le Portrait on pourra consulter entre autres, JM Schaeffer, Ph. Arbaïzar et les nombreux documents de la BNF.

 Jean – Baptiste Barret


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