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Pourquoi je ne m'y ferai jamais ?

Par Jeuneanecdotique
10 mars 2013

Pourquoi je ne m'y ferai jamais ?

Cet article sera triste.

Durant mon enfance et adolescence, je n'ai pas à eu à déplorer la moindre perte humaine. Mon plus gros chagrin fut la mort du chien de mes grands-parents, et ça avait beau être la fin du monde pour moi à l'époque, ce n'était sans doute pas grand-chose.

En grandissant, je me suis souvent dit que j'avais de la chance. J'avais encore trois grands-parents, mes parents, et je n'avais jamais eu à subir la mort d'un être proche. Tout au plus un oncle à qui je n'avais jamais adressé la parole de ma vie et dont la mort m'attristait davantage pour ses proches que pour sa disparition en elle-même.

Et puis, le 18 janvier 2013, j'ai connu mon premier choc. La belle-mère de mon ex avait eu une attaque, son cœur n'avait pas supporté une énième opération. Je n'ai pas voulu y croire. Pour moi, c'était impossible. J'étais déjà partie en vacances avec elle, elle m'avait prêtée plusieurs livres et un mois avant nous étions ensemble autour d'une table à manger de la choucroute. Elle ne pouvait pas être morte.

Je n'ai pas bien réalisé, jusqu'à ce que j'aille à son enterrement. J'ai vu le cercueil, et j'ai compris qu'elle était dedans. J'ai pris conscience de ce qui s'était passé. Elle n'était plus qu'un corps. Et j'ai pleuré. Pleuré. Pleuré.

J'ai trouvé ça tellement injuste. Elle n'était pas si vieille. Elle était si gentille. Elle m'aimait bien. Elle nous avait acheté des glaces Mars et Twix, à mon ex-petit-ami et moi, lorsque nous étions en vacances avec elle. Elle avait un petit fils qu'elle bichonnait, et qui maintenant grandirait sans sa grand-mère. Elle était avec le père de mon ex depuis dix ans, et ils étaient toujours aussi amoureux. Il ne fait aucun doute qu'ils se seraient sûrement aimés pour toujours.

Lorsque j'ai vu son « homme » s'effondrer en nous remerciant tous d'être venus, ce jour-là, j'ai eu envie de rentrer sous terre. Je n'assume pas la mort, la fin définitive de personnes qui auraient mérité une vie bien plus longue et plus belle. Je n'assume pas du tout.

C'est comme ça, la vie. Les gens meurent. Ça arrive, qu'on m'a dit. Toutes sortes de choses tristes arrivent et je ne suis pas le genre à savoir les affronter dignement. Je garde mon contrôle devant mes proches, mais en coulisses, je me liquéfie, pleure, maudis la vie d'être aussi stupide.

J'ai mis quelques semaines à m'en remettre et à pouvoir penser à elle sans avoir les larmes aux yeux.

Il y a quelques jours, un grand oncle à moi est mort. Deuxième gros choc. Ce n'était plus seulement une personne que je connaissais. C'était une personne de ma famille. Une personne avec qui j'avais passé beaucoup de moments durant mon enfance.

Je me rassure en me disant qu'il était vraiment vieux et qu'au bout d'un moment, il faut bien partir plutôt que de se traîner avec 1001 problèmes de santé. Il est mort dans son sommeil, sans souffrance, il a eu une longue vie, il profitait depuis longtemps de sa retraite, son existence de solitaire lui plaisait, il s'occupait bien de son petit chien, bref, il était bien. Il n'est sans doute pas mort tristement. Sauf pour nous, la famille. Parce que c'est la fin de quelque chose.

C'est la première fois qu'une personne de ma famille avec qui j'avais un vrai lien meurt. Il est sans doute celui, parmi les membres « âgés » de ma famille, avec qui j'avais le moins d’interaction. Et pourtant, je suis très triste. Je n'assume toujours pas. Comment assumerai-je le décès du premier membre de ma famille avec qui j'ai un lien, et EN PLUS que j'aime vraiment fort ? Je ne sais pas. J'y pense mais il vaudrait mieux que non. Car je me rends compte que la mort me terrifie. La mort des autres. Bien sûr que je n'aimerais pas mourir, mais c'est la mort des gens que j'aime qui me fait réellement peur. Ils partent, tranquillement, et nous, nous sommes là, derrière, à ramasser notre chagrin.

C'est la vie, n'est-ce pas ?

Je me rends compte que je suis incapable d'affronter la mort d'un proche sans m'infliger le poids de la culpabilité.

Je me sens coupable d'avoir été timide avec Evelyne, de ne pas lui avoir dit à quel point je la trouvais gentille. Je m'en veux de n'avoir pas osé proposer de faire la vaisselle, pendant les vacances. Je m'en veux d'avoir pensé, parfois, qu'elle me faisait chier à fumer à l'intérieur. Je m'en veux d'avoir perdu le livre qu'elle m'avait prêtée, de ne lui avoir jamais dit ni même rendu. Je m'en veux de ne lui avoir jamais dit merci d'être une femme si bienveillante.

Je m'en veux de n'être pas allée voir mon oncle plus souvent. Je m'en veux d'avoir pensé, quand j'étais ado, que je m'ennuyais grave quand on allait chez lui et que ça m'emmerdait. Je m'en veux d'avoir, pendant trois ans et depuis mes 16 ans, consacré mes vacances à partir avec mon ex plutôt qu'à aller voir ma famille en Normandie. Je m'en veux de n'avoir jamais été très bavarde avec lui. Je m'en veux, car je l'appréciais, au fond. Il était marrant, dans sa manière d'être. Il n'avait pas la langue dans sa poche. Il aimait être seul. Nous étions un peu pareils, en fait.

J'ai du mal à accepter qu'une personne que j'aimais, que j'ai souvent vu, puisse ne plus exister. Je trouve ça tellement con, comme concept. On vit, et un jour, on n'existe plus. On existe plus qu'à travers les souvenirs qu'ont les gens de nous. C'est quand même sacrément horrible, comme idée.

Tout se perd. L'âme, la personnalité, le corps. Juste réduits à néant. Alors que peu de temps avant, ce corps bougeait, riait, parlait.

Je ne m'y ferai jamais.

Pourquoi je ne m'y ferai jamais ?


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