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"Sako" d'après Martine Pouchain au Théâtre du Concert à Neuchâtel

Publié le 10 mars 2013 par Francisrichard @francisrichard

Martine Pouchain a écrit un livre, Sako, qui a été adapté au théâtre sous le titre de... Sako.

Sako est publié chez Oskar Editions, une maison d'éditions spécialisée dans les livres pour la jeunesse.

Sako est une pièce de théâtre tous publics, à partir de 10 ans.

Et, comme je suis resté un grand enfant - pas grand par la taille, mais par le coeur -, ce spectacle est tout ce qu'il fallait à mon âme en cet après-midi de chien et je ne regrette donc pas d'avoir fait un aller-retour express Lausanne-Neuchâtel pour y assister.

Mado (Christiane Margraitner) a 80 ans. Elle habite un coquet pavillon de banlieue avec jardin. Elle a bien un fils, Patrice, et des petits-enfants, mais ils ne viennent troubler sa solitude qu'une fois l'an.

De l'autre côté de la haie du jardin de Mado, qu'elle entretient péniblement, il y a un terrain privé, ou plutôt un terrain communal destiné à la construction de logements sociaux. En attendant s'y trouvent des caravanes déglinguées qui servent d'habitations d'infortune à des immigrés africains.

Ce voisinage ne laisse pas d'inquiéter Mado, qui se rassure en se disant que, si ces voisins avaient voulu lui faire un mauvais sort, ils l'auraient fait depuis longtemps. Et puis, qu'a-t-elle à perdre à son âge, à part la vie?

Sako (Sarah Anthony) est une petite fille de dix ans et demi. Elle et sa maman, Niouma (Christine Brammeier), viennent de Kayes, au Mali. La France est imaginée là-bas comme le paradis terrestre. Toutes deux doivent accomplir une mission pour grand-père, oncles et tantes, leur envoyer de France quelque argent pour vivre mieux au Mali.

Mais la France n'est pas tout à fait ce qui s'y disait et elles se heurtent aux incohérences de l'administration française qui exige que les immigrés aient des papiers pour travailler et qui ne les leur accordent que s'ils ont déjà travaillé plusieurs années...

Comme un formulaire l'indique, il faut que l'immigré, s'il veut rester en France, n'ait plus de lien avec le pays dont il est originaire. Aussi Niouma fait-elle cette recommandation à Sako:

"Mets le Mali au fond de ton coeur, tout au fond, et recouvre-le-bien. Recouvre-le avec des mots français."

En clair cela signifie a fortiori qu'elle ne doit surtout plus parler bambara...

Niouma et Sako s'installent sur le terrain communal voisin du jardin de Mado.

Sako a soif d'apprendre et veut devenir médecin. Niouma veut bien faire les travaux que les Français ne veulent plus faire - manutentionnaire de caisses dans un supermarché, puis "technicienne de surface" -, mais elle se heurte à ceux qui ont des papiers, qui payent la sécu et qui lui reprochent de leur ôter le pain de la bouche ...

Mado a de la prévention à l'égard de la petite Sako qui est décidément bien noire et qui a le toupet de la regarder, à travers la haie, se servir de sa binette pour cultiver son jardin et soigner ses framboisiers. Très vite, cependant, elle se rend compte que Sako est une gentille fille, qu'elle est jolie et qu'elle peuple sa solitude.

Sako, très nature, s'adresse sans détour à Mado et lui rend des services. En contrepartie Mado lui donne des livres, puis un petit chien qui marche tout seul, un jouet dont ne se soucie plus son fils de 40 ans. Sako et Mado s'entendent si bien qu'elles font naître de la prévention de la part de Niouma qui se demande ce que la vieille dame veut faire de sa fille...

L'histoire se termine comme dans un conte pour enfants. Ce qui me convient très bien.

A un moment donné Mado voulait jeter un vieux pot de fleurs qui semblaient bien mortes. Sako lui avait suggéré d'égayer le pot en le mettant vis-à-vis d'une feuille ornée de découpages aux couleurs vives, qu'elles avaient faits ensemble. A la fin de la pièce, le pot donne des fleurs et Sako peut dire:

"Je savais bien qu'il fallait lui donner sa chance."...

Christine Brammeier, qui interprète Niouma, est un grand brin de fille, nettement plus grande que Sarah Anthony, qui interprète Sako. Cette différence de taille rend crédible que l'une soit la mère de l'autre. Christiane Margraitner, vieillie pour la circonstance, est une vieille dame réussie, mais le spectateur a du mal pour son dos de le voir ainsi courbé tout le temps ...

Toutes trois jouent très bien cette comédie, qui dure 75 mn, mais il faut reconnaître que Sarah Anthony crève la scène, si je puis employer cette expression consacrée d'ordinaire - et de manière plus appropriée -, à l'écran de cinéma. Elle incarne avec un naturel désarmant cette petite fille, avec ses gestes de gamine, son grand sourire et sa petite voix d'enfant, et surtout sa fraîcheur inébranlable, qui ravit non seulement la vieille Mado, mais le public, de petits et grands.

Francis Richard

Prochaines représentations au Théâtre du Concert: jeudi 14 et vendredi 15 mars 2013 à 20 heures, samedi 16 et dimanche 17 mars 2013 à 17 heures.


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