Magazine Société

Et si le Grand-Paris avait aussi un maire ? ou retour sur le Rapport Dallier

Publié le 13 avril 2008 par Jean-Paul Chapon

conference-de-presse-rapport-dallier.1208105685.jpgAprès une campagne médiatique particulièrement riche, Philippe Dallier a finalement présenté son rapport mercredi 9 avril dans la salle Médicis du Sénat. Du coup, il n’est peut-être pas la peine de revenir en détail sur le scénario proposé par le sénateur UMP de la Seine-Saint-Denis chargé par l’Observatoire de la Décentralisation du Sénat d’un rapport sur le Grand-Paris, mais d’en relever certains points forts. Et puisqu’il le dit lui-même, « le Grand-Paris inquiète », en préalable à sa proposition Philippe Dallier pose 6 grands principes. 1) Un Grand-Paris qui ne peut se financer aux dépens des autres et doit s’autofinancer, 2) qui ne doit pas tourner le dos à la grande couronne et à la région, 3) qui doit s’appuyer sur les communes, 4) qui doit pouvoir compter sur l’Etat, notamment pour les investissements d’intérêt national, 5) qui devra avoir des compétences limitées, et 6 ) un Grand-Paris pour assurer la cohésion urbaine et sociale.

Pour résumer le scénario retenu parce que « le plus efficace et le plus pragmatique », Philippe Dallier propose dans une première phase (2010) de fusionner les 4 départements de Paris et Petite Couronne (75+92+93+94) et dans un premier temps de laisser à la nouvelle collectivité ainsi créée le statut de Conseil Général avec les compétences correspondantes. Le budget de cette nouvelle collectivité serait la consolidation des 4 budgets, permettant une « forte péréquation et la réorientation des crédits affectés aux dépenses non obligatoires sur les priorités du Grand-Paris », évaluées à 830 millions d’euros, pour un budget consolidé de 5,47 milliards d’euros sur une base des chiffres 2005. Dans une deuxième phase, très rapprochée (2011), Philippe Dallier propose que ce Conseil Général devienne « une nouvelle collectivité sui generis dotée de compétences limitées à quelques grandes thématiques (transports, logement, développement économique, social, sécurité) et ne dispose pas de la clause de compétence générale. » Les autres compétences étant réparties entre les communes et la région. Avec un budget propre, elle aurait un « Président élu au suffrage universel direct et son conseil serait composé de 120 membres élus au suffrage universel au scrutin majoritaire. » Voilà pour le projet.

Pour plus de détail, on peut regarder la vidéo de la conférence de presse, dans laquelle Philippe Dallier s’exprime après une introduction de Jean Puech, sénateur de l’Aveyron. Pour suivre, vous pouvez télécharger la présentation de Philippe Dallier, et les autres éléments du dossier, la note de synthèse, et la présentation des conclusions du rapport.

On pourra remarquer à l’occasion qu’il ne manie pas vraiment la langue de bois, notamment lorsqu’il passe en revue les autres scénarios possibles et proposés par les autres, ou encore lorsqu’il parle de l’intercommunalité en particulier de Sèvres et Boulogne ou encore de Plaine-Commune… Deux points que je retiens pour donner un éclairage à la réflexion de Philippe Dallier sur le Grand-Paris, l’une sur l’Etat qui dit-il « aime les collectivités locales, petites, nombreuses et affaiblies », et une autre sur le Grand-Paris, clé pour la cohésion sociale et urbaine, car dit-il la ségrégation territoriale s’aggrave, avec l’apparition de ghettos sociaux et de ghettos ethniques, le tout engendrant une augmentation des violences urbaines. Ainsi à propos de la mutualisation des budgets et en particulier celui du 92, il ajoute que « se serait un message très fort envoyé aux jeunes des quartiers, que de dire, oui , nous allons partager la richesse pour financer les politiques sociales. »

Pour compléter quelques points à mettre en avant parmi les 30 propositions du rapport Dallier, et surtout pour sortir du seul débat institutionnel, et rentrer dans les raisons concrètes à la mise en place d’un Grand-Paris. La création d’un Plan du Grand-Paris pour « organiser les transports et contribuer à la construction de logements », l’instauration d’OIM, Opération d’Intérêt Métropolitains, la création d’une agence foncière du Grand-Paris et la possibilité pour le Grand-Paris de devenir un acteur de la politique de la ville : « le projet du Grand-Paris vise précisément à réintroduire de la solidarité métropolitaine et une approche globale des problèmes qui tienne compte tant des aspects relatifs au logement que de ceux concernant le développement économique et la sécurité. Dans cette perspective, le Grand-Paris a vocation a devenir un acteur de la politique de la ville et donc de l’aménagement du territoire urbain. »

Sur les transports, s’il réaffirme la compétence de la région en matière de transports et est également d’accord avec l’extension des compétences du STIF sur tous les modes de déplacements, il propose logiquement une représentation du Grand-Paris au STIF, et l’introduction d’une souplesse dans la politique des transports, notamment envers les communes. Il propose aussi une désignation conjointe du président de la RATP par le gouvernement et le Grand-Paris, le lancement du projet Métrophérique et le passage à deux zones de tarification, la zone 1 correspondant au Grand-Paris.

Des propositions qui risquent de déclencher une rude opposition, avec la suppression des EPCI à fiscalité propre dans le périmètre du Grand-Paris, exit Plaine-Commune par exemple, ou encore l’intégration de l’EPAD au sein du Grand-Paris. Création d’une agence consacrée au développement économique et élaboration d’un Plan de développement économique du Grand-Paris, instauration d’un Contrat de Projet Grand-Paris/Région/Etat, tous les secteurs sont balayés les uns après les autres, puis la sécurité avec la création d’une police métropolitaine et l’éducation avec la mise en place d’une Académie et d’un Rectorat du Grand-Paris. Voir la liste complète des 30 propositions et leur commentaire dans la présentation des conclusions du rapport.

Au mois de février dernier lors d’un petit déjeuner de blogueurs, j’avais demandé à Philippe Dallier comment il voyait les rapports futurs entre le maire de Paris et le président d’un Grand-Paris. « Mauvais » m’avait-il répondu sous forme de boutade. Le point est à nouveau abordé à nouveau par Philippe Dallier lors de la Conférence de Presse : « la vraie question c’est l’étape ultérieure et l’évolution de la ville de Paris, et le fait d’avoir deux têtes, le maire de Paris et le Président du Grand-Paris » et le fait que le maire de Paris pourrait se sentir « dépossédé » face à un Président du Grand-Paris élu par 6 millions de personnes… Et pour quelqu’un qui comme Philippe Dallier trouve non seulement qu’il y a trop de tranches dans le mille-feuille institutionnel mais aussi “trop de pilotes dans l’avion“, ça fait désordre ! Dans les documents distribués, on peut lire que « le rapporteur n’écarte pas pour autant le scénario de la création d’un « maire du Grand-Paris » avec maintien des communes et émancipation des arrondissements. Ce scénario (dit « Morizet » du nom de l’ancien sénateur-maire SFIO de Boulogne-Billancourt dans l’entre deux-guerres) aurait pour avantage d’éviter le choc de légitimités, tout en favorisant la démocratie locale. Il pourrait constituer, dans le futur, l’ultime aboutissement du scénario précédent. » Un point qui pourrait largement changer la position des uns et des autres…

Mais en attendant, aujourd’hui Philippe Dallier présente sa solution du Grand-Paris qu’il qualifie de « scénario le plus efficace et le plus pragmatique », le scénario « Morizet » étant traité de « scénario le plus révolutionnaire » et mis de côté (temporairement au moins). Pragmatisme est donc l’approche revendiquée, et c’est au nom de ce pragmatisme que le périmètre de ce Grand-Paris est limité à la Petite-Couronne, laissant notamment les villes nouvelles en dehors, ce qui est pour moi la faiblesse majeure de ce scénario, qui reste cependant pour Paris est sa banlieue, le plus intéressant aujourd’hui. Parmi les réactions celle de Roger Karoutchi, l’UMP régional qui dans le JDD voit dans ce projet « une domination qui signerait la mort de la région » et celle de Christian Favier, président PC du Conseil Général du 94 qui qualifie le scénario d’”ubuesque“. Attendons la réaction du très silencieux maire de Paris, Bertrand Delanoë ;-)

Jean-Paul Chapon


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jean-Paul Chapon 20 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazine