Dans un peu plus d’une semaine, je serai sur les rives de la Gironde. Avec de nombreux amis et camarades, nous tiendrons notre congrès national, le 3e pour le Parti de gauche. Pour une fois, je ne serai pas délégué mais membre de droit au titre de la commission du débat. Pour toute organisation, le congrès est un temps important qui permet de clore une période politique, d’en tirer la substantifique moelle et de lancer le parti dans une nouvelle séquence. Nous n’échapperons pas à cette règle. Pour le coup, je vais me permettre de vous livrer mes analyses résumées et mes ambitions pour ce congrès.
Depuis notre création en 2008 et plus encore depuis 2010 et notre 2e congrès, nous avons mené de front un profond travail de renouvellement idéologique et une homogénéisation des cultures politiques de nos adhérents. A la base marxiste qui est celle d’une majorité des fondateurs du Parti de gauche, nous avons amalgamé dans un processus cohérent les avancées idéologiques de l’écologie radicale et de l’anti-productivisme. Ce n’était pas une mince affaire mais la réussite est là qui fait du Parti de gauche le premier parti à se revendiquer à juste titre comme éco-socialiste. Continuant à bouleverser nos propres certitudes, nous avons confronté et enrichi les fondamentaux républicains qui animaient l’essentiel des créateurs du PG aux thèses autogestionnaires, notamment.
Sans décerner les bons points ou les titres honorifiques, quelques camarades symbolisent ces apports et cette synthèse politique. Pour l’écologie radicale, Martine Billard, notre co-présidente, a apporté une vision politique élaborée au fil de quarante ans de militantisme. Corinne Morel-Darleux nous a collectivement permis d’assimiler la perspective décroissante et anti-productiviste. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici combien elle a compté dans mon évolution personnelle. Je ne remercierai jamais assez par ailleurs mon ami et quasi voisin François Longérinas dont les travaux sur la socialisation des moyens de production et l’autogestion croisent mes préoccupations de longue date.
Il faut la puissance intellectuelle et la capacité d’abstraction d’un François Delapierre, notre délégué général, pour parvenir à réaliser la synthèse et la mise en cohérence de ces pensées que d’aucuns considèrent comme contradictoires de prime abord. Il faut aussi la capacité à traduire ces mots, parfois abstraits, en actes de mon ami très cher Gabriel Amard pour faire du Parti de Gauche LE parti des radicalités concrètes, du changement radical au profit des habitant-e-s de ce pays.
Il faut se rappeler que ce travail patient, délicat, qui tient compte à chaque étape du rythme de chacun – d’où sa longueur -, nous l’avons mené de concert avec les élections européennes de 2009, régionales de 2010, cantonales de 2011, présidentielles et législatives de 2012… Excusez du peu. A l’image du travail mené par mon ami Alexis Corbière, nous avons aussi tenu la tranchée dans la bataille culturelle âpre et sans pitié que nous mène l’oligarchie de concert avec ses alliés du parti du renoncement. Sans aucun orgueil de parti déplacé, je crois que nous avons fait œuvre utile pour l’ensemble de la gauche. Le renouvellement du logiciel idéologique que nous avons mené à bien profite aujourd’hui bien au-delà de nos rangs propres. Le Front de Gauche, que nous avons – avec nos partenaires du Parti Communiste français – renforcé et élargi, n’est pas la seule sensibilité à bénéficier des avancées que nous avons produites.
Cela étant, le Front de Gauche n’évoluera pas aussi rapidement que nous, au Parti de Gauche, avons voulu le souhaiter. La création d’une version française de die Linke ne correspond pas au rythme de chacune des composantes du Front de Gauche. Du coup, cela oblige le Parti de Gauche à faire évoluer ses propres structures et à définir plus durablement son propre objet.
Pour ce qui me concerne, je considère que nous disposons d’un socle idéologique original, d’un projet politique cohérent, d’une stratégie plus valide que jamais. L’autonomie conquérante face au parti socialiste est bien la clé pour redonner de la crédibilité aux radicalités concrètes que nous proposons. Notre objectif demeurant de réaliser la révolution citoyenne, l’insurrection par les urnes dès 2017, nous devons donc faire émerger une nouvelle génération de militants, de cadres, prêts à exercer partout le pouvoir par et avec le peuple.
L’enjeu de ce congrès est donc bien à ce niveau. De quels outils allons-nous nous doter collectivement pour que cette jeune génération qui nous a rejoints dans la dernière séquence puisse prendre les rênes du parti et, demain, du pays ? Je vous le dis tranquillement, à 43 ans bientôt, avec plus de 25 ans de militantisme au compteur, je ne suis pas l’avenir. Le rôle que je me donne est celui d’un passeur de savoir, d’un transmetteur de mémoire militante, d’un formateur éventuellement. Ma génération – et celle qui l’a précédée – aura bientôt le plaisir de passer la main. En tous les cas, c’est ce à quoi j’aspire.
Ce processus, qui permettra l’arrivée de cette jeune garde rouge aux commandes, passe forcément par une relative stabilité de notre direction actuelle. On ne peut pas former des militants et des cadres en bouleversant – en même temps – toutes les structures du Parti de façon radicale. Une révolution, ça se prépare. Cela exige de la patience et de l’abnégation. La transformation radicale de la société nécessite aussi, et surtout, le renoncement à son propre ego.
Je sais pouvoir compter sur la clairvoyance de mes camarades, à tous les échelons ; sur leur bonne volonté ; sur leur conscience de l’intérêt général, pour que nous réussissions ensemble ce nouveau défi.
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Bonus vidéo : Kill The Young « Origin Of Illness »