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Ce qu'il fallait retenir de la visite de Hollande à Dijon

Publié le 14 mars 2013 par Juan
La poussière est retombée. Les éditocrates ont livré leur jugement sur le déplacement pendant deux jours. Un épisode neigeux a achevé de brouiller l'atmosphère médiatique. Scènes de survie automobile et de cauchemards piétons. Mercredi matin, c'en est fini. Nous sommes dans l'attente d'une fumée blanche au Vatican où quelques cardinaux se sont réunis. Le soir, un nom est lâché, ce sera François Ier, le cardinal choisi est argentin.
Il faut donc revenir sur ce déplacement pour nettoyer nosmémoires, faire le tri après le bruit, retenir l'essentiel,l'inquiétant et le rassurant. En deux jours passés en Côte d'Or, Hollande a beaucoup livré, et, paradoxalement, l'éditocratie s'enest peu régalée.
1. François Hollande a rencontré des Français mécontents de son action. C'est une nouvelle assez folle, si l'on en croit les cotes sondagières de popularité que l'on octroie au capitaine dunavire France. Même l'envoyé spécial du Figaro a été surpris de constater qu'il n'y avait nulle rage ni révolte: « Peu de soutien dans les rues, quelques mécontents, beaucoup d'attente dans les auditoires. » Si vous suiviez l'actualité dans quelques médias dits dominants, votre compte-rendu de ce séjour s'est sans doute arrêté là.
2. Hollande a des objectifs. Pourrait-on parler de cela plutôt que du reste ? « Le cap que j’ai fixé pour la France tient en trois points : rééquilibrer les comptes publics, redresser la production française et réduire le chômage. » Ces trois priorités sont « indissociables », et « doivent être conduites dans le même temps. » Pour ce, il espère la croissance en Europe et de la rigueur en France. Ce n'est pas neutre.
3. Nulle incantation à la mère Reprise qui-réglerait-tout. Hollande semblait tel un mécano devant une voiture qui a coulé une bielle, le capot encore fumant. « Si c’était simple, il n’y aurait qu’à laisser faire, il n’y aurait qu’à rester les bras ballants, il n’y aurait qu’à attendre je ne sais quelle reprise… Elle viendra, mais si nous voulons qu’elle porte le plus d’emplois possibles, alors nous devons anticiper. » Mais il espère quand même que la croissance viendra de l'Europe. Il a pourtant échoué à convaincre Merkel d'un plan de relance - nous y croyions en juillet, mais la réduction budgétaire adoptée en fin d'année dernière a douché tous les espoirs. Hollande croit trop en l'Europe. Sur le fond, il aurait presque raison: le mal vient de là. Pouvait-on lire ou écouter ce diagnostic ? « c’est l’Europe qui connait une panne de moteur qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. (…) En Europe, nous sommes frappés d’un mal qui tient aux dérèglements qui s’y sont produits notamment financier, à la lenteur pour les traiter et à l’accumulation des politiques d’austérité qui ont été imposées à des Etats qui étaient en très grande difficulté. »
4. Hollande reconnait combien son objectif d'inverser l'évolution du chômage d'ici Noël est tendu. On imagine Jean-Michel Aphatie, dans le Grand Journal en clair d'une chaîne crypté agiter encore ses bras de satisfaction: « J’ai fixé un objectif : inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année. C’est difficile, je le sais, et c’est pourquoi j’ai voulu qu’il y ait cette perspective, cet engagement.»
5. Répétons: Hollande croit trop en l'Europe. On a certes oublié qu'on est sorti de la crise de l'euro: « celle qui touchait des pays vulnérable ».  « Le problème n’est plus là. Le problème, il est maintenant dans le bon dosage entre l’ajustement budgétaire et le soutien à la croissance. » expliqua-t-il. Mais que dire de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne, livrés à d'abscons plans de régression économique ?
6. Le programme politique de l'année est incroyablement chargé: une réforme des retraites (printemps ?), une nouvelle loi de décentralisation (été), un plan Logement (bientôt). Ce dernier devrait être un plan de sauvegarde du bâtiment: « La première priorité en ce moment, c’est la construction de logements, c’est l’activité du bâtiment parce que, là, ce sont des emplois localisables, c’est l’activité de beaucoup d’entreprises artisanales ou plus grandes. » Hollande veut qu'on allège les contraintes - comme Sarkozy. Mais pour pour réduire la durée de constructions - plus précis que Sarkozy. Il faut croire que ses prédécesseurs ont mal fait leur travail.
D'ici la fin du mois, le gouvernement redéfinira aussi les « incitations financières dans le cadre d’un plan de rénovation des bâtiments existants aussi bien pour les prêts que pour les dispositifs fiscaux. » L'objectif est d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments existants et à construire. Il y aura aussi ce plan pour le haut-débit, mais avance un chiffre : 20 milliards d'euros pour l'Etat. L'objectif, une couverture à 100% dans 10 ans.
7. Hollande rappelle que le déficit budgétaire de la France ne serait pas ramené à 3% du PIB cette année 2013. Pour la première fois, il a lui-même fixé une prévision: 3,7%. Un effort inédit en si peu de temps, dixit la Cour des Comptes. On se réjouit ? Oui, on se réjouit. La dette est un fardeau, plus de 50 milliards qui aggravent chaque année notre budget. L’endettement de notre pays a doublé en dix ans. Chaque année de déficit budgétaire est un accroissement de dette publique supplémentaire, une tannée.
8. Pour 2014, la rigueur frappera plus les dépenses que les impôts: « je sais que les augmentations d’impôts, qui ont représenté les deux tiers de l’effort [en 2013], doivent être limitées. Nous avons donc à faire plus d’économies. C’est ce que nous ferons en 2014 ». Certains ont cru que 2013 était l'année d'une rigueur social-libérale. Pourtant, rappelle Hollande, cette rigueur a été plus juste que d'autres « les grandes entreprises ont été plus sollicitées que les petites et les moyennes ; les revenus du capital davantage prélevés que ceux du travail et les plus hauts salaires davantage que les plus petits.»
C'est un fait. 
Pour 2014, les trois priorités - éducation, sécurité, emploi - seront épargnées.
9. François Hollande inquiète quand il déclare:  « De même pour les prestations sociales qui sont nécessaire, qui sont indispensables pour assurer la justice et la redistribution, là encore, il y a des évaluations à faire et des choix courageux à engager. »  L'expression fait tâche. Quand un homme politique, fut-il qualifié de pépère, assemble les mots courage et prestations sociales, en général, on sait comment il termine son action. Dans la coupe et la découpe. Sans surprise, on a râlé un peu partout à gauche, y compris parmi des soutiens du chef de l'Etat.
10. Hollande promet donc une réforme des retraites. Puisque Sarkozy nous a menti (« La réforme de 2010 était supposée assurer, pour toujours, pour toute éternité, au moins jusqu’en 2020 – c’est ce qui nous était annoncé –, l’équilibre de notre régime par répartition. »), il faudra se remettre à l'ouvrage. La réforme Sarkozy reposait sur des hypothèses farfelues.
« Alors chacun devra prendre ses responsabilités : l’Etat et c’est pourquoi il a confié à une commission le soin de fixer les pistes que nous devrons emprunter ; mais aussi les partenaires sociaux qui négocient d’ailleurs en ce moment même pour les régimes complémentaires. Ils seront associés à ce processus parce que, sans les partenaires sociaux, il ne peut pas y avoir pas avoir de cohésion. Nous aurons à faire ces choix dans l’année, des décisions à prendre, à la fois, pour régler les urgences financières mais aussi pour assurer une réforme structurelle de nos régimes de répartition en tenant compte de la pénibilité et en réduisant les inégalités. » 
Nos régimes de retraites vont donc subir une nouvelle réforme. Leur financement est insuffisant. Le déficit chronique mais aggravé par la Crise, que Nicolas Sarkozy nous avait assuré avoir réglé, serait encore abyssal. A Dijon, Hollande a choisi un ton grave. La question n'est pas tant de savoir si la réforme est nécessaire mais comment elle sera conduite.
11. La compétitivité, mot qui heurte chez certains à gauche, est plusieurs fois prononcé: « L’investissement, c’est aussi les entreprises, les entreprises privées. » Hollande fait-il du socialisme de l'offre ? On l'entend évoquer les difficultés d'accès au crédit. Il rappelle le crédit impôt recherche (un dispositif créé … il y a 30 ans, mais moultes fois modifié), et son jeune cousin, le Crédit Impôt Compétitivité (CIC), versé dès 2013 « pour toutes les entreprises qui en feront la demande »: « Plus l’entreprise, en réalité, embauchera, plus elle sera soutenue. » C'est bon de le rappeler.
12. La réforme bancaire, sujet sensible. On lui reproche den'avoir pas démembré les banques. Dans son intervention, le paragraphe est court. Il enchaîne: « Toutes les banques ont aujourd’hui les moyens et les ressources pour prêter davantage ». Pour le coup, c'est faux. Il leur manque la confiance ou la coercition, au choix. Car les banques ont la sainte trouille des entreprises, de la crise, et surtout de leurs consoeurs.
13. Hollande n'est pas libéral quand il explique que la compétitivité extérieure n'est pas une question de coût. Il énonce: « Notre commerce extérieur est en fait affecté non pas tant de problème de coût, mais de problème de spécialisation. » La formule devrait donner du baume au coeur chez certains: « nos exportations ne portent pas sur les biens qui sont recherchés par les économies nouvelles.» On applaudit. Il a raison. Hollande s'affiche comme un libéral qui défend l'Etat. Fichtre ! Il veut un Etat fort donc simple ; un Etat puissant donc rapide ; un Etat efficace donc « qui fait confiance et qui inspire confiance.»
14. Sur l’accord du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi, Hollande s'en félicite, sans surprise. « Ce texte (...)  donne des droits nouveaux aux salariés : le droit individuel à la formation, la Complémentaire santé, la représentation des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Il limite la précarité de l’emploi, il renchérit les CDD. Ce sont déjà des avancées que dans une période de crise, nul ne pouvait imaginer. » Il défend cette régulation sociale auto-gérée. Mais il reconnaît que le bas blesse bien quelque part: « Mais c’est vrai qu’il y a une contrepartie, cet accord doit donner plus de souplesse aux entreprises et notamment permettre qu’il puisse y avoir une adaptation. » Il a raison sur un argument: « le droit actuel ne protège personne, il n’empêche aucun plan social, il peut le faire traîner au risque d’ailleurs de sacrifier l’entreprise. » Au passage, il se félicite de l'accord signé chez Renault.
15. Hollande est pressé. L'année 2012 a déjà été chargée en lois et réformes. Mais il s'agace. Il faut « être rapides dans l’action. » Un exemple ? Les emplois d'avenir – 500.000 prévus sur le quinquennat. « 100 000 seront créés à la fin de l’année, et chaque mois je ferai la vérification de la montée en charge de ce dispositif. » Il loue ses contrats de génération, également votés et en place car, en cumulant l'avantage du CIC (4%), « c’est 25% du coût salarial complet, pour un jeune, qui est ainsi allégé pour l’entreprise » Hollande en espère 80.000 à la fin de l'année.
Il martèle: « La bataille contre la lenteur c’est une bataille pour la croissance. » Pour 2013, le gouvernement va procéder par ordonnances, notamment sur le Logement. Comme Mauroy, Fabius, Rocard, Chirac, Balladur, Villepin, et Fillon réunis.
16. Ses trois ennemis sont donc la lenteur, la lourdeur, la torpeur. Trois blocages qu'il dénonce. Sur le dernier, un court paragraphe est là pour tacler certains de ces critiques: « Ce blocage, (...) la torpeur, c’est celui qui saisit les esprits à un moment, dans une crise, et aussi un certain nombre de nos concitoyens qui pensent que cela devient trop dur, que c’est trop difficile, que la France n’a plus de place, qu’elle n’a plus d’avenir, parce qu’ils vivent eux-mêmes un déclassement. Ils pensent que l’on peut se recroqueviller, se barricader, se retrancher dans des frontières, éliminer l’euro, éliminer la mondialisation, comme cela d’un trait de plume, éliminer le chômage aussi.»  D'autres diront que cette courte explication est très sociale-libérale.
Hollande récuse la chasse aux bouc-émissaires,  en France, ou ailleurs; ça nous change d'avant.
Il conclue au contraire sur un rappel à l'ordre de l'éminent Roosevelt: « ce que nous devons craindre le plus, c’est la peur ».
La peur.


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