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Considérations sur le nouveau Pape

Publié le 14 mars 2013 par Copeau @Contrepoints

Après le communiquant Jean-Paul II et l’intellectuel Benoît XVI, voilà avec François l’humilité de la piété.
Par Frédéric Mas.

Considérations sur le nouveau Pape

Les cardinaux ont élu hier le nouvel évêque de Rome et désigné le chef visible de l’Église catholique romaine en la personne de Jorge Mario Bergoglio, un argentin d’origine italienne. La nouvelle a étonné plus d’un commentateur, car si certains espéraient secrètement l’élection d’un pape sud-américain au regard du poids des fidèles sur le sous-continent, tout semblait se jouer entre européens et nord-américains.

Une nouvelle fois, l’emballement médiatique, plutôt que d’offrir une pédagogie sur le fonctionnement de l’Église, a globalement obscurci les problèmes et masqué les enjeux. Avec prudence, il est possible de formuler plusieurs remarques sur cet évènement dont les incidences sociales et politiques dépassent largement la vie spirituelle des chrétiens qui reconnaissent le Pape comme le successeur de Pierre.

Piété et modestie

Premièrement, la personnalité du nouveau pape diffère assez sensiblement de ses deux prédécesseurs. Là où Jean-Paul II privilégiait la rencontre directe avec les fidèles, l’enthousiasme spontané et incarnait la résistance spirituelle contre le matérialisme athée du régime soviétique, Benoît XVI a préféré l’étude, la réforme prudente du Vatican et les questions liturgiques. Après le communiquant, après l’intellectuel, voilà avec François l’humilité de la piété.

En effet, les journalistes ont largement commenté la modestie et la simplicité de ses mœurs, et son élection n’a pas été suivie de longs discours, mais seulement de courtes prières. Le choix du nom « François » pour succéder à Benoît peut lui-même être interprété comme une indication de son état d’esprit, qui l’a longtemps tenu éloigné de la curie romaine. Saint François d’Assise, qui a créé l’ordre franciscain au XIIIe siècle, met au centre de la vie du chrétien la prière et l’esprit de pauvreté, les vertus morales et théologales plus que celles proprement intellectuelles.

Face à la crise de l’Église

Deuxièmement, l’une des raisons invoquées par Benoît XVI pour abandonner sa charge porte sur sa faiblesse face aux diverses crises qui traversent l’Église en ce début de XXIe siècle. Les cardinaux ont peut être jugé que le profil de ce nouveau pape correspondait plus aux enjeux contemporains, que ce soit pour répondre aux scandales financiers, aux problèmes d’organisation hiérarchique ou du dialogue inter-religieux.

L’ampleur de la tâche nécessite une énergie et une volonté que semble détenir ce jésuite de 76 ans. L’un de ses hauts faits d’armes au cours des années 1970 fut de tenir tête à ceux qui voulaient transformer la Compagnie de Jésus en annexe moscoutaire. Face aux idéologues marxistes qui cherchaient à transformer l'institution au nom de la théologie de la libération, l'archevêque de Buenos Aires se fit ennemi de la politisation forcée. La remarquable intelligence du prélat qui s’est révélée au sein de l’Église au début des années 2000 au moment de sa nomination en tant que cardinal, a pu séduire ses pairs au moment du conclave autant que sa volonté.

Un pape anti-capitaliste ?

Troisièmement, François n’a pas encore donné sa première messe qu’il est déjà critiqué, à tort ou à raison, pour ses engagements politiques et syndicaux passés. Certains l’ont trouvé trop complaisant avec la dictature et pas assez avec la théologie de la libération, d’autres observent que sa préférence pour les pauvres n’est pas exempte de teinture socialiste et d’hostilité à un capitalisme débridé plus ou moins imaginaire. S’il s’est déjà expliqué à plusieurs reprises sur sa relation en tant que jésuite avec la dictature argentine, ses propos sur l’économie tendent à confirmer que l’Église en tant qu’institution humaine ne semble pas faire d’effort particulier pour corriger sa relative inculture économique.

L’Église aux yeux des catholiques n’est pas qu’une institution humaine, et sa finalité dépasse la justice des hommes, ce qui la rend parfois un peu légère quand elle s’occupe de leur organisation économique. Là où Benoît XVI a critiqué les errances morales du capitalisme, François en tant qu’archevêque s’est élevé à plusieurs reprises en faveur de la « justice sociale » et contre le « néolibéralisme ».

La prudence demeure de mise, car si l’adresse est de facture morale, et demande avant tout aux chrétiens de s’amender dans un esprit de pauvreté, elle ne débouche pas nécessairement sur un appel aux réformes politiques et institutionnelles en faveur de plus de socialisme. Il nous faut remarquer par exemple qu’une partie des critiques formulées par le Pape s’adresse au capitalisme de connivence, qu’il ne distingue pas réellement du « néolibéralisme » ou du « capitalisme ».

En d’autres termes, les libéraux catholiques auront la charge de conseiller et d’expliquer à leur pasteur qu’il ne faut sans doute pas beaucoup attendre de la justice des hommes contradistinguée de leur politique. La première se contente de régler leur conduite sur le pivot de la propriété, la seconde lui préfère la force et l’expropriation au nom des idoles du moment. Le lecteur critique pourra estimer que cette dernière défense raisonnée du nouveau pape relève de la casuistique. Nous répondrons que l’auteur de ces lignes a sans doute déjà cédé aux charmes de son jésuitisme, qui fait de lui le premier « pape noir » tant attendu de nos faiseurs d’opinion nationaux.


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