Le président de la République procrastine, ajourne ses décisions, dans l’espoir d’opportunités de réformes indolores.
Par Marc Crapez.
Au bout de dix mois d’exercice du pouvoir, il faut se rendre à l’évidence. Tout reste à faire. François Hollande le reconnaît enfin. Après avoir admis qu’il n’inverserait pas la courbe du chômage dès septembre prochain, comme il l’avait promis dans un premier temps, le voici qui veut « forcer l’allure » des réformes. Se voit-il en tortue de la fable ?
Il préconise même un « choix courageux » devant permettre « d’alléger les normes et de raccourcir les délais » et de secouer un peu « l’administration, les banques, les décideurs publics ». Fichtre, c’est le langage de la droite ! Visiblement, Hollande est en train de se faire un mental. Mais est-il capable de passer à l’acte ? On en doute pour plusieurs raisons (je les avais esquissées dans « Hollande entre Mitterrac et Chirand » , puis « Hollande veut être ‘au plus haut’ »).
Primo, si l’on retrace la carrière de Hollande, il ne fut au service du pouvoir exécutif que durant la période archaïque du parti socialiste. Au moment de mettre en application le tournant du réalisme, en 1983, il se déroba pour se réfugier dans le ministère de la parole (comme journaliste puis premier secrétaire du PS). Il ne prend pas le risque de déplaire, n’assume pas ses responsabilités, ne sait pas refuser. C’est son tempérament cette propension à louvoyer, rester évasif, ménager la chèvre et le chou, contourner les difficultés, repousser le moment fatidique de la décision.
Réformer à la dérobée
Secundo, il a prétendu que Gerhart Schröder avait réformé « dans le consensus ». Le leader social-démocrate allemand affronta pourtant des manifestants et même une scission dans son propre parti. Hollande, lui, n’est capable de tenir tête qu’à des opposants au mariage gay. N’a-t-il pas déjà reculé devant les ambulanciers et chauffeurs de taxi ? Pour affronter la colère des corporatismes, il faut l’audace d’un socialiste d’origine ouvrière, tels Schröder ou Göran Persson en Suède, qui surent imprimer un destin à leur pays.
Tertio, il s’est fié aux prédictions d’une économiste, Karine Berger, qui assurait que 2013 serait un nouveau 1997. Hollande se voyait déjà, comme Lionel Jospin, porté par une conjoncture mondiale favorable qui allait le dispenser d’opérer des choix douloureux. Gouverner, c’est choisir. Mais comme l’enfant avec la piqûre de l’infirmière, qui commence à pleurer à la seule vue de l’aiguille, le seul mot de rigueur fait hurler les syndicats comme s’il s’agissait déjà de réelles mesures d’austérité. Et la seule idée d’avoir à les affronter fait claquer des dents François Hollande.
Sa tactique consiste, dès lors, à réformer à la dérobée, en s’abritant derrière d’autres initiatives. Il comptait avancer dans la roue de la croissance mondiale promise par certains, puis dans la roue d’un volet croissance de l’Union européenne. Aujourd’hui, son projet démagogique de taxation à 75% étant inapplicable, il se met dans la roue de l’initiative suisse sur la surveillance accrue des très hautes rémunérations. Demain, il compte se mettre dans la roue des initiatives de David Cameron annonçant, à Davos, qu’il va mettre à l’agenda du G8, qu’il va bientôt présider, l’élaboration de nouvelles règles internationales contre l’évasion fiscale des grandes entreprises.Il y a un an, durant la campagne présidentielle, Hollande jugeait que « l’impopularité révèle la défiance des Français à l’égard de ceux qui les dirigent ». Effectivement, s’il est aujourd’hui encore plus impopulaire que Sarkozy, c’est à cause de sa démagogie. L’impopularité est l’effet boomerang de la couardise des élites qui dupent le peuple au lieu de lui dire la vérité.
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