Magazine Régions du monde
les photos seront mises dans quelques heures !
Calcutta Vieille maîtresse décrépie, tu n’offres maintenant que des amas d’ordures et des murs délabrés aux yeux de l’occidental effaré qui débarque curieux et innocent, rafraîchi par une climatisation intense à l’intérieur d’un aéroport tout neuf. Ce dernier offre au voyageur qui va sortir une immense salle d’attente et pléthore de sièges vides et qui ne serviront jamais. Qui a envie de se rasseoir quand il vient de passer des heures coincé dans un avion ? Par contre tous ceux qui attendent sont debout à l’extérieur sur le trottoir, sans siège pour se reposer et avec interdiction d’entrer. Allez savoir la logique de la chose ? Mais broutilles que tout cela en face de ce qui t’attend, visiteur peu habitué aux pays « en voie de développement » bien que Calcutta soit plutôt en voie d’anéantissement. Comment cette ville immense aperçue la première fois en 1983 peut se maintenir, subsister, survivre alors que tout semble se déglinguer imperceptiblement. Cette ville semble se maintenir tel un château de cartes, une façade de carton-pâte de jeux vidéos bon marché un peu trash ou de films d’horreur du début du siècle dernier, type Nosferatu le vampire. Comme si depuis le départ des Anglais la démocratie n’avait créé ici que désespoir de murs rongés de mousse noire, d’arbres rabougris de poussière, de routes aux revêtements mités, des entrelacs de fils électriques, communs en Inde, mais qui prennent ici des proportions de gigantesques toiles d’araignée n’attrapant que des lambeaux de plastique décolorés. Comment décrire ces impasses obscures taillées entre les masures pour une simple largeur d’épaule, ces balcons décatis à moitié écroulés où sèche le linge familial, ces cuisines de quartier noires de suie et de crasse huileuse où se cuisent les meilleurs chapatis ?
Sur les trottoirs des tiges de bambou surmontées de plastique cachent à peine la misère, une paillasse, du linge qui sèche, une femme dans un sari brillant qui tresse ses cheveux huilés, un minuscule bébé près de ses genoux dont on ne sait s’il est toujours vivant. Jamais une ville m’a donné cette impression de vivre une folie inutile, de se maintenir contre vents et moussons sans autre raison que d’entretenir un mécanisme ahurissant de tramways brinquebalants, de vieux bus rafistolés, de vélos suicidaires et des nuées de taxis jaunes qui rêvent d’autos tamponneuses.
Calcutta la misère, Calcutta l’ancienne glorieuse capitale de l’empire britannique où le soleil ne se couchait jamais. A Calcutta, maintenant il se couche à 18 heures, avec bien des êtres roulés dans des chiffons à même le sol et qui ne peuvent même plus rêver.